Comme pour de nombreux As, la polémique persiste autour
du nombre réel de victoires obtenues par les as roumains au
cours de la seconde guerre mondiale. Entre réalité,
propagande et système particulier de points et de victoires
(I'Aéronautique Royale Roumaine utilisait les mêmes critères
d'homologation que la Luftwaffe : une victoire = un pilote), nombreux
sont les facteurs qui ont contribué, au fil du temps, à
opacifier les calculs. Or, le prince Cantacuzino
ajouta à son score certains succès en fait homologués
à ses équipiers. La propagande officielle décida
en effet début 1944 d'accorder autant de victoires à
un aviateur que sa victime comptait de moteurs, un procédé
assez particulier destiné à encourager les pilotes dans
leur lutte contre les bombardiers lourds alliés... Quiconque
ayant abattu 2 B-24 devenait donc instantanément un as aux
8 victoires ! Si l'on retranche ces "doublons" de leur score
on obtient donc le palmarès exact de chacun des deux plus grands
As, à savoir 43 appareils confirmés plus 11 probables
pour Cantacuzino contre 44 avions
confirmés plus 8 probables pour Serbanescu,
qui est donc bien "l'as des as" roumains.
Alexandru Serbanescu (prononcer
: "Cherbarneskou") voit le jour le 17 mai 1912 à
Colonesti dans la province d'Olt. Son père, Marin, est notaire
: sa mère se consacre à l'éducation de ses six
enfants, dont quatre garçons. Le futur as étudie initialement
dans son village natal avant de gagner l'école militaire "Manastirea
Dealu" établie à Targoviste. Il y termine son secondaire
et en 1931, peut passer les examens d'entrée à l'école
militaire des officiers d'infanterie de Sibiu. Il terminera deux ans
plus tard 70eme sur 456 élèves. Alexandru a reçu
une excellente éducation. Il parle couramment français
et allemand, joue du violon et n'a aucun "vice" (il ne boit
pas et ne fume pas). Ce garçon très contrôlé
est cependant considéré comme sincère et fort
ouvert.

Devenu sous-lieutenant. Serbanescu
est affecté le 1er juin 1933 au Butuliutul 3 Vtututori de Munte
(3eme Bataillon de Chasseurs de montagne)
de Brasov, ville établie sur les contreforts des Carpathes.
Il se révèlc très vite comme un passionné.
Travaillant dur, il va faire preuve de ses qualités de chef
en entrainant son peloton dans des rnarches forcées à
travers le terrain montagneux. En 1934, il prend le commandement du
détachement de mitrailleuses du bataillon et, à nouveau
son unité va parcourir les montagnes en tous sens et décrochcr
les félicitations des supérieurs. Etant considéré
par tous comme un des meilleurs officiers des chasseurs de montagne,
le Sous-Lieutenant est envoyé du 1er Septembre 1935 au 31 octobre
1936 étudier les tactiques d'infanterie. Il termine premier
de sa promotion. Classé comme spécialiste du camouflage,
il va faire preuve de compétence dans le creusement d'abris,
les marches de nuit en montagne, etc. Obsédé par son
métier et son désir de sortir du lot, il va tout sacrifier...
y compris la jeune fille qu'il aime. Quasiment fiancé, il mettra
volontairement fin à cette relation amoureuse. Alexandru est
déjà marié... avec le métier des armes
!
Dans l'Aviation :
Ayant gagné plusieurs compétitions militaires, Serbanescu
entraine son peloton pour divers concours. Ayant réussi tous
les examens et tests à sa portée, considéré
comme un offcier d'élite, il est finalement envoyé le
1er novembre 1938 à Bucarest pour servir comme instructeur
à l'Institut national d'éducation physique, section
militaire. Et effectivement, il peut être comparé à
un sportif olympique tant il vise la perfection. Mais dans la capitale,
le provincial Serbanescu va découvrir
un nouveau "défi". Il contemple les appareils du
Centre d'Instruction de l'Aéronautique qui sollonnent le ciel
bucarestois, prend vite goût à cette nouvelle arme et
postule pour l'aviation. On peut alors difficilement refuser son transfert
à un officier si appliqué et compétent et, très
vite, le Sous-Lieutenant des Chasseurs de Montagne entre à
l'école aérienne d'observation. Il en sort breveté
observateur en 1939 comme 29eme d'une promotion de 70 élèves?
Profitant de l'hiver, le jeune officier suit des cours de théoriques
pilotage, débutant l'écolage le 1 avril 1940.
Il est plutôt âgé (28 ans) pour faire carrière
comme pilote, spécialement de chasse. Néanmoins, il
effectue ses cent premières heures de vol sur Fleet, IAR 27,
Csapla, Potez 25 et IAR 38. Le 31 octobre 1940, Serbanescu
reçoit son brevet de pilote de chasse. Ses qualités
le désignent comme instructeur sur Nardi FN 305 à la
1ere Escadrille d'écolage. Il assurera ce poste avec compétence
comme à l'habitude, les élèves se rappelant son
sens de la discipline et sa correction. Par contre, il est bien moins
apprécié lorsqu'il mène les exercices au sol.
Agissant comme s'il était toujours au coeur des Carpathes,
il va diriger ses hommes d'une main de fer.
Surnommé aimablement "Bradul verde" (Sapin vert),
il se verra également attribuer pendant un an le vocable plus
péjoratif de "Cainele Rosu" (Chien rouge)"'.
Mais il est vrai que ses détracteurs du moment lui rendront
justice quelques années plus tard lorsque, engagés à
l'Est, ils apprécieront à sa juste valeur d'avoir été
menés à la baguette. Dans les terribles conditions des
combats sur le front soviétique, plus d'un se souviendra du
rigoureux entraînement qui lui permettra souvent de se sortir
de bien des mauvais pas !

Me 109 -Aéronautique
Royale Roumaine
|
En unité
Au début de l'année 1942, Serbanescu
passe à l'école de chasse où il tâte des
PZL P.11F et IAR 80. Il gagne Constantsa pour opérer dans l'unité
chargée de mener des patrouilles le long de la côte de
la Mer Noire. Il va ainsi très vite totaliser soixante heures
de vol sur IAR 80 en quelque quarante opérations de ce type.
Il sera promu lieutenant à titre exceptionnel et va postuler
à plusieurs reprises pour le front. Pareil perfectionniste
ne peut se contenter de simples missions de protection
à l'arrière ! Il est donc entraîné sur
Messerchmitt Bf 109 puis versé au Grupul
7 Vanaloare (7eme Groupe de Chasse, en abrégé
Gr. 7 Vt.). une unité considérée comme une pépinière
d'as.
Depuis le 9 septembre 1942, I'aviation roumaine appuie son homologue
allemand au-dessus du secteur de Stalingrad. Le lieutenant Serbanescu
devient ainsi membre de l'Escadrila 57,
menée par un vétéran : le Capitaine Alexandru
Manoliu. L'allant et les initiatives du nouveau venu attirent
l'attention, de telle sorte que Serbanescu
va souvent se voir désigner comme chef de patrouille. Il mènera
même temporairement l'escadrille après la disparition
de Manoliu le 12 septembre.
Les Bf 109 E roumains effectuent principalement des escortes de bombardiers
mais se livrent également à des chasses libres. Quelques
victoires sont revendiquées, mais les pilotes craignent plus
la redoutable DCA soviétique que les aviateurs adverses. Le
25 septembre, le lieutenant Serbanescu
abat un "biplan (biplace ?) à train escamotable Jak",
appareil de guidage d'artillerie. Sa victime va s'écraser à
15h55 à une trentaine de kilomètres au nord-ouest de
Kotluban. Mais ce succès ne va pas rapidement être suivi
d'autres. Ainsi, au 2 octobre 1942, le lieutenant Serbanescu
n'est toujours crédité que d'une seule victoire comme
quatre de ses camarades de combat. Ce n'est rien comparé aux
adjudants Malacescu, Greceanu
et Ioan Dicezare qui, pendant ces
quelques semaines, ont pu ajouter deux nouvelles victimes à
un palmarès parfois entamé l'année précédente
lors de la première campagne à I'Est de l'aviation roumaine.

Chef d'Escadrille
En mars 1943, Serbanescu, promu
capitaine à titre exceptionnel, prend la tête de sa 57eme
Escadrille. Le 11, vingt des pilotes les plus expérimentés
du Grupul 7 sont temporairement détachés
à la JG 3 "Udet" pour prendre
en mains les Bf 109G qui vont bientôt leur être fournis.
Allemands et Roumains forment le Deutsch-Königlich
Rumtinischen Jagdverband, commandé par le lieutenant
Eberhard von Boremski, qui entame les
opérations le 29 mars. Lunité est dissoute le 5 juin
à Kirovgrad et transfère ses Bf 109G-2 et G-4 à
I'aviation. Elle a obtenu 28 victoires pour la perte de seulement
trois pilotes ; deux d'entre elles, plus une probable, sont à
créditer à Serbanescu
qui se voit décerner dès le lendemain la Virtutea Aeronautica...
Enfin équipé d'un matériel moderne, le nouveau
chef d'escadrille va montrer ses qualités et remporter de nombreuses
victoires. A la fin de ce même mois, il revendique trois victoires
certaines dont un Spitfire le 26, sans doute un Mk V du 57eme GIAP
récemment transformé sur ce type de chasseur. Six autres
(et une probable) suivent en juillet, qui portent son score à
12 succès confirmés. Le 17 du mois. il a réussi
à descendre quatre avions (trois homologués). Du 4 au
16 août, Serbanescu est crédité
de neuf victoires certaines et deux probables. Le combat le plus sérieux
a lieu ce dernier jour. 40 Bf 109 roumains qui ont décollé
pour intercepter des chasseurs soviétiques LaGG, Jak et Airacobra
revendiquent à leur retour 22 victoires sûres plus 5
probables. Si Serbanescu s'en voit
confirmer deux, le héros de la journée est I'Of.Echipaj
Ioan Milu crédité de cinq
appareils ennemis.
Mais il est vrai que les pilotes roumains volent intensivement sur
un front "riche" en appareils soviétiques. Ainsi,
pour le seul mois d'août 1943, 1198 sorties ont lieu alors que
le 7eme groupe ne peut aligner en moyenne que 25 appareils par jours.
Tous les chasseurs en état de vol sont donc employés,
certains effectuant deux à trois missions par jour. Le 30 août
à Mariupol, avec quatre camarades (Cpt Constantin
Cantacuzino, Lt Téodor Greceanu,
Sublt Ioan Dicezare et Ioan
Milu), Serbanescu reçoit
la prestigieuse Médaille Mihai Viteazul (Michel le Brave),
une sorte d'équivalent de la Croix de Chevalier allemande.
Son tableau de chasse se monte à 2l succès.
Serbanescu, qui a bénéficié
d'un congé exceptionnel de 20 jours vu I'honneur accordé,
ne remporte qu'une victoire probable en septembre. Il entame fort
bien le mois d'octobre, étant crédité de trois
appareils adverses ; mais le 10, alors qu'il conduit
une patrouille de quatre Bf 109 G après une escorte de Ju 87
sur le Kouban, il est abattu ainsi que deux de ses camarades par des
chasseurs protégeant un groupe de Sturmovik. Le capitaine peut
sauter de son appareil en flammes à proximité de la
Mer dAzov et a la chance de tomber dans ses lignes, vers Molothnoye
Liman. Il regagnera son unité quelques heures plus tard, alors
que les Soviétiques proclament déjà sa mort au
combat et la destruction quasi-totale du 7eme
Groupe de chasse...
Le lendemain, un des pilotes roumains va jeter sur le plus proche
aérodrome un saufconduit et un message invitant une délégation
soviétique à venir constater à Tiraspol que le
Grupul 7 et son grand as sont toujours
bien vivants ! Mais Serbanescu
est plus expéditif : il remonte dans un autre Bf 109 et s'en
va provoquer la chasse soviétique, remportant ce jour sa 25eme'
victoire homologuée... Deux autres suivront à la fin
du mois. C'est alors que le Grupul 7,
qui a tout de même été fortement éprouvé
par les combats incessants, est rappelé en Roumanie ; il est
relevé le 23 octobre à Tiraspol par le Grupul
9. Quatorze pilotes du Grupul 7
(dont Serbanescu, Cantacuzino
et Milu). considérés comme
les plus expérimentés, demeurent sur place pour appuyer
et conseiller les nouveaux venus. A cette époque, les Bf 109
se consacrent principalement aux escortes de Ju 87 et Ju 88 et, comme
l'hiver freine les activités, les victoires de notre pilote
vont temporairement se faire plus rares. Mais "Sapin vert"
est déjà le plus grand des as roumains. Il a effectué
au cours de l'année 368 sorties durant lesquelles il a soutenu
126 combats aériens et remporté 26 victoires sûres
et 6 probables.

Commandant de Groupe
Le 9 février 1944, le Capitaine Alexandru
Serbanescu est désigné comme commandant du Grupul
9 qui, maintenant, a intégré de nombreux anciens
du Grupul 7. Ses trois escadrilles sont
respectivement commandées par le Lieutenant Gheorghe
Popescu-Ciocanel (47e Esc), le Lieutenant Teodor
Greceanu (48e Esc) et le Sous-Lieutenant Hariton
Dusescu (56e Esc). C'est ici que nous perdons quelque peu le
relevé des victoires du capitaine Serbanescu,
car la situation devient plus confuse et, à ce jour, personne
n'a encore pu fouiller les archives pour dresser une liste complète
des victoires de son unité.
Le Grupul 9 demeure encore quelques
semaines à l'Est avant d'être rappelé en Roumanie.
Le 4 avril 1944, ses Bf 109 se rassemblent sur l'aérodrome
de Tecuci. en Moldavie. Lunité de chasse est requise d'urgence
pour renforcer la "défense du territoire". Le jour
de son retour au pays, effectivement. la 15" Air Force américaine
lance son premier raid massif sur la Roumanie, Bucarest étant
I'objectif du jour. Dès ce moment, le Grupul
9 va devoir se partager entre deux fronts. Ses détachements
situés plus à I'Est continuent à combattre les
forces soviétiques tandis que le reste de l'unité est
engagé aux côtés de formations allemandes (III./JG
77, JG 52, I./JG
53, etc.) dans les Sternflüge, les vols de regroupement visant
à contrer en nombre les assauts américains. Serbanescu,
qui a remporté le 31 mai sa 41eme victoire sur un Il-2. affronte
désormais les quadrimoteurs US et leur escorte. Le 11 juin,
le capitaine détruit un B-17 qui constitue son 45eme succès
selon les critères en vigueur à cette époque
: une victoire qui compte quadruple, car c'est en fait son 42eme avion
abattu !
Le 22 juillet à 11h00, il surprend à la tête
de ses Messerschmitt des P-38 et des P-51 lors d'une navette de la
15e Air Force vers l'URSS. Sans aucune perte, les pilotes roumains
descendent 8 chasseurs américains. Un dernier P-51 va clore
son palmarès le 4 août 1944. Ces "points marqués"
sur l'ennemi ne sont cependant que peu de chose malgré l'obstination
désespérée des pilotes engagés dans la
défense de la Roumanie. Totalement surclassés dans les
airs, ils doivent attaquer en priorité les bombardiers, mais
se heurtent à une escorte souvent dix fois supérieure
en nombre !
Combattant continuellement, les hommes du Grupul
9 sont exténués tandis que le spectre de la proche
défaite sape leur moral. A la mi-août, pressentant le
retournement des alliances, le commandant des forces aériennes
roumaines vient spécialement à Tecuci. Il sous-entend
que, vu la totale disproportion des forces, les chasseurs roumains
ne doivent plus décoller pour être engagés dans
ces missions-suicide. C'est la voix du bon sens, mais cette passivité
est inacceptable pour les combattants.
Serbanescu s'avance alors vers
son supérieur et lui déclare en substance à haute
voix : "Celui qui pénètre dans notre pays pour
y jeter des bombes ne peut être considéré comme
un ami. Même si je meurs demain, je ne veux pas que nos enfants
déclarent qu'il y eut ici un village sans le moindre chien
de garde. Dès lors, mon général, je vous remercie
pour votre conseil mais je me sens obligé de désobéir
à cet ordre. Messieurs, ceux qui pensent comme moi n'ont qu'à
avancer d'un pas". Ce que feront au moins 13 de ses hommes.
Le choix a été fait : Serbanescu
combattra jusqu'au bout. Le 18 août 1944 vers Brasow, son Bf
109 G-6 "1 rouge" est pris sous le feu de 6 Mustang d'escorte
du 31e FG alors que plus de 250 quadrimoteurs
viennent larguer leurs bombes sur quatre objectifs roumains. Serbanescu
tente une manoeuvre évasive désespérée
mais la pression imprimée sur l'appareil est trop forte et,
ailes arrachées, le Messerschmitt va s'écraser au sol
avec son pilote. Le même jour, l'as Vasile
Gavriliu est aussi abattu. mais lui a la chance de s'en tirer...
Dans son journal de guerre l'as Ion Dobran,
dernier ailier de Serbanescu décrit
comment il partira en Fieseler Storch à la recherche de son
chef qu'il espère toujours retrouver vivant. Après deux
heures de vol passées à scruter le sol, le corps tle
Serbanescu sera retrouvé
dans les débris de son avion près de Rusavatu dans la
vallée du Buzau.

La légende
Cinq jours après la mort du capitaine :Alexandru
Serbanescu. la Roumanie change de camp, rejoignant celui de l'URSS.
La dépouille de l'officier a entretemps pu être extraite
des débris de son Bf 109 G et l'as sera inhumé avec
tous les honneurs au cimetière militaire de Ghencea (à
Bucarest). La plupart des hommes de Serbanescu
vont donc être réengagés contre les Allemands
et les Hongrois ; certains perdront leur vie face à leurs ex-alliés
'.
Paradoxalement. tout comme Hans-Joachim
Marseille, c'est peut-être la mort au combat de Serbanescu
qui va le rendre "mythique"... Il est tombé face
à l'ennemi, il n'a pas pris part à la volte-face roumaine
et s'est révélé comme un grand patriote. Lors
de son inhumation, le général d'escadre Emilian Ionescu
prononcera ces paroles : "D'un caractère intègre,
parfait, loyal, patriote notoire, il a prouvé son sang-froid,
son courage au combat, son mépris de la mort. Il a inculqué
à ses homnres un esprit de sacrifice, le respect du matériel,
l'art de s'en senir. Il a connut la plus grande carrière d'un
officier roumain d'aviation : 590 missions de guerre, 235 engagements
aériens, 47 victoires. II a su mener son groupe avec un minimum
de pertes".
Nous I'avons dit : chaque officier parlant d'Alexandru
Serbanescu sera laudatif. Et ses subordonnés eux-mêmes,
pourtant prompts à la critique ou au sarcasme, ne lui reprocheront
jamais un quelconque manquement ou un geste médiocre. Les Roumains,
souvent très médisants et peu tendres les uns envers
les autres, se moqueront des travers de l'un ou de l'autre pilote
en vue : jamais de Serbanescu !
Plusieurs années avant la fin du régime de Nicolae
Ceaucescu, un modus vivendi va être tacitement établi.
Chaque 18 août, jour anniversaire de la mort d'Alexandru
Serbanescu, les anciens aviateurs sont autorisés à
se réunir autour de sa tombe à Ghencea. Certes, la mention
figurant sur la pierre ("tombé pour la patrie en combat
avec des bombardiers américains") y est pour beaucoup
et oblitère partiellement les victoires remportées au
détriment du "grand frère" soviétique
; mais certains des aviateurs présents ont combattu contre
la seule URSS ! Les Roumains, comme les autres "peuples frères"
nourrissent un important ressentiment contre les "Russes",
et ce pélerinage revêt un petit caractère frondeur
et patrioque qui ne peut déplaire, même au Conducator
Ceaucescu et à son enlourage. C'est ainsi que, à "gauche"
comme à "droite''. l'intègre Alexandru
Serbanescu est devenu un héros national. Il n'est donc
pas étonnant qu'en 1992, suite à une campagne menée
par l'amicale des anciens aviateurs, une partie de la route menant
aux aérodromes de Bucarest (Baneasa et Otopeni) ait été
rebaptisée Bulevardul A. Serbanescu.