VIETNAM - USMC AU VIETNAM ciel de gloire - histoire des as de l\'aviation de 1914 à nos jours



 


 

 



LE MARINE CORPS AU VIETNAM

 

 


Souvent oubliée dans l'histoire de la guerre aérienne du Viêt-nam, l'aviation du Marine Corps joua cependant un rôle majeur dans la lutte contre le Viêt-cong. N'ayant jamais eu l'occasion de se mesurer directement aux MiG nord-vietnamiens, les avions de l'USMC appuyèrent essentiellement les forces terrestres, notamment dans la partie nord du Viêt-nam du Sud.

Les aviateurs de l'US Marine Corps jouèrent un rôle important dans la guerre menée par les États-Unis en Asie du Sud-Est, et ce dès le début du conflit. Un premier détachement aérien des Marines, arrivé au Viêt-nam en 1962 avec des hélicoptères CH-34 dans le cadre de l'opération Shu Fly, fut rapidement engagé au combat. Lorsque l'implication massive des Américains dans le conflit, décidée en 1965 par le président Johnson, modifia le caractère de l'intervention des États-Unis dans cette partie du monde, l'aviation du Marine Corps fut chargée de l'appui des éléments terrestres de ce service. Pendant les sept ans qui suivirent, en dehors des missions de bombardement au-dessus du Viêt-nam du Nord, notamment dans la région Hanoi-Haiphong, les pilotes des Marines consacrèrent leurs efforts aux missions de soutien et d'interdiction sur le Viêt-nam du Sud, larguant des bombes et tirant des roquettes sur l'ennemi.

 

USS Enterprise CVAN Détachement 1965 - 67

 

A cette époque, l'avion le plus moderne aligné par l'USMC était le McDonnell Douglas F-4 Phantom II, conçu au départ comme un intercepteur et utilisé par la suite pour des missions d'attaque au sol. Livré aux Marines en 1962, le Phantom II entra en service sur le théâtre vietnamien trois ans plus tard au sein du Marine Air Group Eleven (MAG-11), placé sous le commandement du Colonel Miller et dont le quartier général se trouvait à Da Nang. Les Gray Ghosts du Squadron VMFA-531 arrivèrent sur cette base en avril 1965, suivis par les Bengals du VMFA-542 en août de la même année. Miller se rappelle la chaleur torride qui régnait à Da Nang à cette époque, et la pauvreté des installations destinées aux hommes et aux appareils. Les Marines durent apprendre à vivre, à voler et à se battre dans des conditions très difficiles.

 


Le bruit courut un temps que les forces terrestres de l'USMC n'avaient rien fait d'autre que de protéger les aérodromes américains au Viêt-nam. Selon d'autres rumeurs, les avions des Marines avaient été envoyés en Asie du Sud-Est à seule fin de soutenir les troupes au sol de ce service. En réalité, les batailles livrées à Hamburger Hill, à Hué et à Khe Sanh montrent bien que les Marines furent à la pointe du combat mené par les Américains au Viêt-nam. Une autre base de l'USMC fut mise en place à Chu Lai, et, quand la guerre prit fin, une autre existait à Nam Phong, en Thailande.

En ces premiers jours de l'engagement américain, Miller et les autres pilotes de Phantom de l'USMC passèrent une grande partie de leur temps à larguer des bombes Mark 81 de 113 kg sur les forces du Viêt-cong qui stationnaient à portée de tir des bases américaines.

 

Crusader du 1st MAW attaquant une position ennemie en janvier 1966


L'arrivée des Skyhawk

Bien adapté aux missions d'appui rapproché, le McDonnell Douglas A-4 fut l'un des principaux appareils utilisés par les Marines au début de la guerre en Asie du Sud-Est. Manquant de matériel, l'USMC, dont les hommes étaient réputés pour leur ingéniosité, mirent en place une piste de 610 m de longueur, faite de plaques métalliques perforées, à Chu Lai, à 80 km de Da Nang. La deuxième unité aérienne de l'USMC déployée au Viêtnam, le MAG-12, placée sous les ordres du Colonel Noble, arriva en Asie le 1°r juin 1965 avec des A-4E. Les Squadrons VMA-311 et VMA-225, qui composaient cette formation, menèrent peu de temps après leur première mission de combat.

 


 

D'autres types d'avions moins connus furent également employés, en l'occurrence des Grumman TF-9J Cougar et des Douglas EF-l0B destinés à des missions de reconnaissance et de soutien électronique. Les aviateurs de l'USMC volèrent aussi sur des Vought F-8 Crusader, et tout d'abord sur des F-8D, qui ne disposaient pas de points d'attache sous voilure et dont les pilotes avaient été entraînés en vue de livrer des missions de combat aérien. Le F-8E, qui était optimisé pour l'attaque au sol, donna au Marine Corps de nouvelles capacités air-sol. A la fin des années soixante, la guerre prenant une autre dimension, apparut le Grumman A-6A Intruder, qui était en mesure d'intervenir dans des missions de bombardement radar tout temps ou de nuit contre les forces nord-vietnamiennes et du Viêt-cong. Les pilotes américains durent vivre dans des habitations sommaires dépourvues d'air conditionné et même du moindre ventilateur. Ceux qui étaient déjà là depuis longtemps enviaient les équipages d'A-6, qui, eux, disposaient de baraquements à air conditionné. Cette jalousie était cependant relativisée par le fait que les équipages en question devaient intervenir le plus souvent sur Hanoi, d'où, parfois, ils ne revenaient pas.

 


Outre des avions de combat, les Marines déployèrent au Viêt-nam des Douglas C-117D de transport qui effectuaient d'innombrables navettes entre Da Nang et lawakuni, au Japon, base de l'arrière où stationnait le lst Marine Aircraft Wing. Quant aux hélicoptères Sikorsky CH-34 et Vertol HH-46, ils menèrent des missions de transport et de recherche et de sauvetage, tandis que les Lockheed KC-130F étaient employés pour le transport logistique et le ravitaillement en vol.

 

A-4 de la VMA 311


La sale guerre

A Da Nang, où les gens de l'Air Force bénéficiaient eux aussi de l'air conditionné, les Marines connurent rarement une nuit complète de repos. Les roquettes et les obus de mortier du Viêt-cong ne laissaient que peu de répit aux Américains. En moins de trois mois, le même dépôt de carburant fut détruit à deux reprises, et de nombreux appareils furent incendiés au sol par les canons de l'adversaire. Plusieurs aviateurs de l'USMC, tués à terre, furent renvoyés aux États-Unis dans des sacs à viande, comme leurs camarades des troupes terrestres. En l'air, le danger n'était pas moins grand. Les AK-47 et les canons de 37 mm de Victor Charlie (le Viêtcong) expédièrent au sol de nombreux appareils. Les atterrissages s'effectuaient à grande vitesse, car l'adversaire pouvait se trouver près des pistes, à l'affût.

 

CH-34 Seahorse de l'USMC

 

HUS-1 Seahorse de l'USMC à bord de l'USS Princeton en mars 1960

 


L'offensive du Têt

Au cours de l'offensive du Têt, en janvier 1968, lorsque le Viêt-cong lança à l'assaut une grande partie de ses moyens en vue de submerger l'ensemble du pays, les Marines subirent de lourdes pertes. Les pilotes de Phantom, de Skyhawk et de Crusader effectuèrent à cette occasion cinq, six, voire souvent sept sorties quotidiennes. Le Lieutenant Colonel Blanchard raconte que ses F-8E Crusader furent chargés de bombes.M65 de 907 kg datant de la Seconde Guerre mondiale. Excellent pilote et tireur de première catégorie (même avec les canons Mark 12 de 20 mm peu précis et peu fiables qui équipaient les Crusader), Blanchard n'était pas ce qu'on pouvait appeler un diplomate. Quand le quartier général de la 17th Air Force prit à son compte la responsabilité des opérations aériennes, enlevant à l'aviation des Marines une grande partie de son autonomie, l'officier de l'USMC protesta vivement auprès de ses supérieurs de la situation ainsi créée. Blanchard se plaignit également de la trop grande sensibilité des fusées des bombes qui lui étaient fournies, bombes qui explosaient souvent de manière prématurée, détruisant l'appareil lanceur et tuant son pilote. Ce problème ne fut jamais totalement résolu, mais l'armement du Crusader fut accru de façon importante. Il comprit notamment des roquettes Zuni, des bombes Mk 84 de 907 kg et des bombes en grappes CBU-24. Ces dernières se révélèrent particulièrement efficaces contre les troupes au sol au cours des combats majeurs qui furent livrés à la fin des années soixante.

 


L'affectation des F-8E, destinés initialement à des missions de combat aérien, à des tâches d'appui rapproché, nécessita d'autres modifications. Pour un officier du Squadron VMF(AW)-235, le Major Kiely, qui estimait que le Crusader était un excellent appareil, ce changement d'orientation constituait une grave hérésie. Le F-8E, qui pesait 8 165 kg à vide, pouvait emporter 4 130 kg de carburant et 460 obus de 20 mm en mission air-air. Le fait d'engager un tel appareil dans des sorties d'appui-feu impliquait l'emport de bombes de 207 kg, ce qui augmentait de manière considérable la masse maximale de l'appareil, laquelle passait de 13155 kg dans le premier cas à près de 16 000 kg dans le second. Kiely estimait qu'un pilote qui n'utilisait pas alors la postcombustion au décollage était un homme mort. Lorsque ladite postcombustion était coupée prématurément, c'est-à-dire avant que la voilure, qui était à incidence variable, n'ait été replacée dans sa position initiale, on était sûr de piquer tout droit dans la mer.

 


Le handicap du climat

Le climat fut toujours un handicap pour les opérations aériennes au Viêt-nam. Lors de l'attaque nordvietnamienne sur Hué, les Marines durent faire face non seulement à l'artillerie antiaérienne ennemie, mais aussi à l'épaisse couche nuageuse qui recouvrait le champ de bataille. Le Major Kiely n'en fut pas pour autant incommodé. Accompagné du Captain Post, il effectua un raid au-dessus de la ville assaillie, s'en approchant par la mer, avec une visibilité réduite à moins de 100 m. Les deux pilotes se présentèrent au-dessus de leur objectif, une mitrailleuse nord-vietmanienne qui bloquait une compagnie entière de Marines en tirant depuis une tour de la citadelle de Hué, à environ 60 m d'altitude. Kiely raconte ainsi cette phase de sa mission : « Les types d'en bas voulaient à tout prix détruire la mitrailleuse. L'un d'entre eux marqua l'objectif à atteindre avec une fusée. Tirant des rafales de 20 mm, j'étais les yeux dans les yeux avec le tireur ennemi. Je lâchai alors toutes les roquettes dont je disposais, envoyant valser dans les airs les mitrailleurs nord-vietnamiens et la tour qui les abritait. »

La carrière opérationnelle du Crusader au Viêt-nam prit fin en mai 1968, époque à laquelle le Colonel Blair, commandant du VMF(AW)-235, quitta le pays à bord de son F-8E. Occupés à soutenir les troupes terrestres au Viêt-nam du Sud, les appareils de ce type ne s'étaient que rarement aventurés au Nord, et ils ne s'étaient jamais mesurés aux MiG.

 

F-8 de la VMF(AW)-232 de retour à Da Nang


Phantom, Skyhawk et Intruder

Le 31 octobre 1968 marqua l'arrêt des opérations de bombardement au-dessus du Viêt-nam du Nord, mais cet événement n'eut que peu d'effets sur l'aviation de l'USMC, entièrement déployée au Sud. Contrairement à ce qui se passait dans l'US Air Force, les contrôleurs aériens avancés des Marines pouvaient être engagés dans la zone de combat à terre, et, souvent, ils se retrouvaient face à face avec l'ennemi. Les Phantom, les Skyhawk et les Intruder poursuivirent leurs missions d'appui tactique, souvent très près des lignes amies. Les pilotes des Marines semblaient éprouver une grande fierté à évoluer à basse altitude et à dépasser les limites humaines. Le Lieutenant Colonel Kindler rentra un jour de mission avec des branches d'arbres prises dans les entrées d'air de son A-6A.

 


Tout au long de la guerre, et plus spécialement en 1972, époque à laquelle les opérations au-dessus du Viêtnam du Nord s'achevèrent, les avions des Marines commencèrent à décoller depuis des porte-avions. De leur côté, les hélicoptères de l'USMC, comme les HH-46 Sea Knight, furent basés sur des destroyers et des navires de ravitaillement. Ces missions, tout comme celles qui concernèrent les hélicoptères des Marines, seront traitées dans une autre étude. Il suffit de dire que, du début à la fin du conflit, les aviateurs du Marine Corps purent compter sans réserve sur l'esprit de sacrifice et l'ardeur du travail des équipes de maintenance. Ceux qui se distinguèrent le plus parmi ces spécialistes furent sans aucun doute les armuriers de Da Nang et de Chu Lai, qui avaient pour mission d'armer, la nuit, les avions en vue de leurs sorties du lendemain.

La guerre dite de Onze Jours, du 18 au 29 décembre 1972, marqua le sommet de l'engagement américain au Viêt-nam. Au cours de cette période, la moitié de la flotte de B-52 présente en Asie du Sud-Est bombarda sans relâche le Viêt-nam du Nord. Le conflit prit théoriquement fin le 27 janvier 1973, mais les Marines continuèrent à se battre au Cambodge et au Laos.

 

CH-46 de l'HMM-263


Phantom améliorés

L'entrée en service d'une version améliorée du Phantom, le F-4J, permit aux Marines de disposer d'une plus grande précision dans les missions de bombardement. Les premiers appareils de ce type firent leur apparition au sein du Squadron VMF(AW)-232, à Nam Phong. C'était une base particulièrement inconfortable, où les Marines ne disposaient pas de systèmes de conditionnement d'air dans leurs baraquements et où des nuages de poussière rouge s'infiltraient partout.

En janvier 1973, à la fin d'une longue sortie, le Captain Baum fut frôlé par un missile sol-air SA-2 qui endommagea les systèmes hydrauliques et les réacteurs de son Phantom. Le feu dévorant leur avion, Baum et son opérateur des systèmes décidèrent de s'éjecter. Ils passèrent une nuit entière dans la jungle, échappant de peu aux ratissages organisés par les Nord-Vietnamiens. Les deux hommes furent ravitaillés par un F-4J des Marines qui leur largua des rations C dans un conteneur. Ils purent passer la frontière du Viêt-nam du Sud et gagner les lignes amies.

 


En dehors de ses avions de combat, le Marine Corps engagea sur le théâtre vietnamien de nombreux autres types d'appareils. Certains d'entre eux, comme le- C- 117 (version du C-47), furent utilisés pour des missions de transport ou de soutien logistique; d'autres, tels le Lockheed KC-130, furent employés pour le ravitaillement en vol des chasseurs déployés en opérations. Au début du conflit, les Marines firent intervenir des Douglas EF-l0B Skynight qu'ils engagèrent dans des missions de contremesures électroniques et d'espionnage électronique. Ces appareils, qui furent surnommés « Willie the Whale » ou « Drut », opérèrent depuis la base de Da Nang. Ils allaient être remplacés à partir du mois de novembre 1966 par des EA-6A de contre-mesures électroniques appartenant au Squadron VMCJ-1. Les EA-6A se révélèrent de bonnes plates-formes d'espionnage électronique et de brouillage.

 

F-4J de la VMFA-235

 


Quant aux missions de contrôle aérien avancé, elles revinrent dans un premier temps à des Bird Dog, dont la relève fut assurée par des North American OV-I0A Bronco. Ces appareils arrivèrent sur le théâtre vietnamien à partir de juillet 1968, et ils servirent au sein du Squadron VMO-2, à partir de bases situées près de la zone démilitarisée.

Enfin, le Marine Corps utilisa en nombre important plusieurs types d'hélicoptères dans la lutte contre la guérilla du Viêt-cong. Parmi les nombreux types de voilures tournantes déployées au Viêt-nam figurèrent des Sikorsky UH-34D, des CH-46 Sea Knight et des CH-53A Stallion. Il sera question de ces machines dans une autre étude.

 

 

La fin de l'engagement des Marines au Viêt-nam intervint lorsque la dernière unité appartenant à ce corps quitta la base de Nam Phong pour gagner sa garnison permanente de MCAS Iwakuni, au Japon. L'auteur de ces lignes se trouvait le jour du départ des dernières unités de l'USMC dans le bureau au mess d'Iwakuni. Le General Lang, qui commmandait le lst Marine Aircraft Wing, attendait ses pilotes. Ceux-ci, dans la plus pure tradition des Marines, quittèrent leurs appareils et se dirigèrent tout droit vers le mess, fatigués par le vol qu'ils venaient d'accomplir. Lang demeura silencieux, tout comme le Lieutenant Colonel Lundgren, qui avait conservé sa combinaison de vol. Il attendit que tous les hommes qui avaient participé à de très durs combats soient réunis. Puis il leva son verre et porta un toast en hommage à ceux qui étaient tombés au combat en disant : « Nous ne les oublierons pas. » Dix-sept pilotes des Marines figurent encore sur la liste des portés disparus. Il est peu probable qu'ils soient jamais retrouvés un jour.

 

F-4J de la VMFA 333

 

Alors que Phantom, Skyhawk et /ntruder prenaient part à des attaques au-dessus du champ de bataille, la plupart des appareils des Marines transportaient des hommes et des équipements d'une zone à une autre. En 1965, le Lieutenant General Krulak, de l'US Marine Corps, s'exprimait de la façon suivante : « Être prêts n'est pas ce que l'on vous demande. Ce que vous devez faire, c'est gagner la bataille dans laquelle vous êtes engagés. » Cette citation figure dans le journal de marche du Squadron VMFA-333 Shamrocks, plus connu au sein des Marines sous le nom de Triple Trey. Elle a été reproduite sous une photographie qui représente un F-4J de l'USMC tirant un missile air-air AIM-7 Sparrow à guidage radar.

 


Ces deux phrases et ce cliché rappellent la destruction d'un Mikoyan-Gourevitch MiG-21 « Fishbed » nord-vietnamien par un Phantom II dont l'équipage était constitué du Maj Lasseter Lee T et du Cpt Cummings John D (NFO). Lasseter et son ailier, le Major « Scotty » Dudley, furent tous deux descendus par des missiles sol-air ennemis quelques minutes plus tard. Les quatre Américains parvinrent à s'éjecter et purent rejoindre le porte-avions sur lequel ils étaient embarqués, l'USS America. Des aviateurs des Marines opérèrent ainsi depuis des bâtiments de ce type au cours de la guerre du Viêt-nam, mais Lasseter et ses amis considéraient qu'ils étaient pratiquement exclus de leur arme d'origine.

 

Victoire !

 

Ejection d'un pilote de la VF-154

 

La victoire de Lasseter fut la seule qu'obtinrent des pilotes de l'USMC contre des MiG pendant l'engagement américain en Asie du Sud-Est. Cet événément survint peu de temps avant la fin de la guerre, le 27 janvier 1973. Cependant, pour Lasseter, le seul « véritable » Marine était celui qui combattait au sol avec un fusil. De tous les aviateurs de l'USMC, les "véritables" Marines étaient ceux qui pilotaient des hélicoptères, loin des porte-avions, au-dessus des champs de bataille.

 


Comme tous les Marines, John « Septic » Klein avait subi le très difficile entraînement de base de fusilier avant de passer son brevet de pilote d'hélicoptère et de se voir confier un Sikorsky UH-34 Choctaw. Sa formation initiale était une bonne préparation à la guerre du Viêt-nam. En avril 1962, époque à laquelle la présence américaine dans le pays était réduite à une poignée de conseillers militaires, Klein fut affecté au Viêtnam du Sud avec un détachement appartenant au Squadron HMM-362. Basé tout d'abord à Soc Trang, dans le delta du Mékong, ledit détachement gagna Da Nang, d'où les appareils des Marines transportaient les troupes sud-vietnamiennes à pied d'oeuvre. Plus d'une fois, Klein dut utiliser sa carabine MI : « Je me rappelle que, lors d'une opération, nous nous posâmes sur une aire où le Viêt-cong savait que nous allions opérer et où il nous attendait. L'ennemi parvint à atteindre un UH-34 qui se mit à cracher une épaisse fumée et qui se retrouva bientôt en panne de circuit hydraulique. Nous nous retrouvâmes au sol, yeux dans les yeux avec les Viets, et je me souviens d'avoir vidé un chargeur complet sur l'un d'entre eux. » Le concept d'hélicoptère armé était encore tout récent, mais les Marines ne tardèrent pas à équiper leurs H-34 de mitrailleuses M60 montées dans les embrasures des portes.

 

HMM-362

 

Durs combats

Épaulés par des Cessna O-1B Bird Dog d'observation et soutenus par des Douglas C-117 (désignation du Super DC-3 dans l'USMC), Klein et ses camarades durent admettre qu'ils étaient pris dans un véritable guêpier, même si le président Kennedy ne cessait d'affirmer que les forces présentes au Viêt-nam ne jouaient pas d'autre rôle que celui de conseiller les Sud-Vietnamiens. Les UH-34 du HMM-362 étaient mal adaptés au rude climat de la région. Pour la seule année 1963, le Squadron HMM-361 perdit trois UH-34 en opérations, douze hommes étant tués et dix-neuf blessés.

 


Ayant effectué son premier vol le 8 mars 1954 et ayant été développé pour le compte de l'Army (l'US Marine Corps prenait toujours en compte des matériels de seconde main), le H-34 entra en service dans l'USMC en février 1957 sous l'appellation d'UH-34D. Propulsé par un moteur Wright R-1820 de 1 137 kW (1 525 ch), cet hélicoptère, qui disposait d'un rotor principal quadripale de 17,07 m de diamètre, était supposé pouvoir emporter douze hommes armés, mais aucun pilote n'aurait osé en embarquer autant au cours d'une journée trop chaude. La maintenance des appareils de ce type était assurée à Da Nang et à Soc Trang, mais, au début de l'engagement américain au Viêt-nam, le matériel d'entretien était fort réduit. Les défaillances du circuit électrique étaient monnaie courante sur l'UH-34D, et la vitesse maximale de 200 km/h que les notices du constructeur prêtaient à cette machine était, selon les propres mots de Klein, une pure fiction. Klein ajoute : « Lorsque, par une journée torride, nous tentions de décoller d'une aire d'atterrissage sous le feu du Viêtcong, nous avions l'impression que nos appareils mettaient un temps infini à prendre l'air et que, à un moment ou à un autre, nous allions redescendre. »

 

HMM-361

 

L'engagement américain

En 1965, le président Johnson engagea un peu plus les forces armées américaines dans la sale guerre du Viêtnam, gommant définitivement l'idée selon laquelle les soldats américains présents dans le pays n'étaient que de simples conseillers. Les forces amphibies des Marines débarquèrent à Da Nang en avril de cette même année, et les Phantom ainsi que les Skyhawk de cette arme ne tardèrent pas à venir s'y poser. Les UH-34 durent opérer beaucoup plus longtemps au Viêt-nam que les responsables de l'USMC ne l'avaient prévu. Quand, toujours en 1965, une nouvelle base fut établie, à Chu Lai, le Marine Air Group 36, doté d'appareils de ce type, fut chargé de soutenir les actions menées sur les fleuves et les rivières du Viêt-nam.

 

 

Arrivée des Sea King

Les aviateurs du Marine Corps durent également employer au combat des Kaman OH-43D, machines réalisées au milieu des années cinquante. Ce ne fut pas avant le mois de mars 1966 que parvinrent en Asie du Sud-Est, les premiers hélicoptères birotors Vertol CH-46 Sea Knight. Le Squadron HMM-164 allait être rejoint par le HMM-265 au cours du mois de juin 1966, et les deux unités travaillèrent à partir de Marble Mountain, près de Da Nang.

Les squadrons d'observation des Marines, comme le VMO-2, basé à Da Nang, volaient sur des OV-10A, appareils conçus spécifiquement pour la lutte antiguérilla. L'USMC fut le premier service des forces armées américaines à utiliser ce type d'avions au Viêt-nam, bien avant l'US Air Force.

 


LCpl Farley, Mitrailleur au HMM-163, ne parvient pas à quitter sa position avant que son appareil (indicatif Yankee Papa 13 - YP13), soit hors de portée de l'ennemi. Le Lieutenant Magel, qui se trouve alors au sol ne pourra être sauvé malgré les tentatives de Farley pour lui porter secours ce 16 avril 1965.


Bill Sargent, un conscrit enrôlé dans les Marines, se rappelle que les équipages des hélicoptères eurent leur part de risque dans la sale guerre :« Mon commandant de compagnie souhaitait me faire évacuer, mais nous nous trouvions alors dans une zone de jungle épaisse dans laquelle aucune aire d'atterrissage n'aurait pu être ouverte. L'un de nos hélicoptères se plaça en vol stationnaire au-dessus de nous, sous les balles du Viêt-cong, tandis que quelques types se mettaient à abattre des arbres pour dégager une aire. »

Les Marines furent pauvrement équipés pendant les premières années de la guerre du Viêt-nam. Par ailleurs, bien qu'il représentât un très grand progrès, le CH-46 n'était pas aussi efficace que le CH-47 de l'Army, que les Marines ne prirent jamais en compte. Ayant effectué son vol en août 1959 et été livré à l'USMC en juin 1962, le CH-46D était propulsé par des turbomoteurs General Electric T58-GE-10 de 1044 kW (1400 ch) actionnant deux rotors.

 

Embarquement à bord d'un CH-46 de l'HMM-164 à Phu Bai en avril 1967


La banane volante

Le CH-46D fut l'ultime développement d'une longue lignée dont les représentants avaient reçu le nom générique de bananes volantes et dont la conception revenait à Frank Piasecki, la construction étant assurée par la firme Boeing Vertol. Il s'agissait d'une excellente série d'appareils, mais les Marines estimaient que Boeing Vertol n'était pas la seule compagnie à savoir produire des hélicoptères. Cependant, quelles que soient ses qualités intrinsèques, le CH-46D était mal adapté aux opérations dans un environnement tropical, et il encaissait mal les tirs du Viêt-cong. Les machines de ce type accomplirent cependant, si l'on en croit les statistiques établies par le Pentagone, 1 500 000 sorties au Viêt-nam.

Ces missions furent peu glorieuses. Si les Marines de Da Nang et de Chu Lai vécurent dans des conditions relativement bonnes, ceux qui se trouvaient sur des bases moins importantes durent se contenter de leurs tentes et même de simples sacs de couchage. A l'instar de leurs camarades fusiliers, les équipages d'hélicoptère connurent la malaria, les fléchettes de bambou empoisonnées et les encéphalites. Alors que les radios terrestres, telles les PRC-90, étaient d'une très grande fiabilité, celles qui étaient embarquées à bord des CH-46 tombaient souvent en panne.

 


Sur le terrain, le carburant était souvent de mauvaise qualité, et les départs en mission intervenaient après de très courts préavis, la plupart du temps dans des conditions atmosphériques épouvantables. Au cours des grandes batailles dans lesquelles furent impliquées des unités des Marines (Hamburger Hill, Khe Sanh, Huê), des équipages de CH-46 accomplirent souvent cinq sorties journalières entre les aires d'atterrissage de campagne et le champ de bataille. Ils risquèrent leur vie à de nombreuses reprises pour ramener au bercail jusqu'au dernier des hommes engagés dans une opération contre le Viêt-cong. Personne ne sait pourquoi aucun des équipages d'hélicoptère de l'USMC mobilisés au Viêt-nam ne fut décoré de la Medal of Honor.

 


Le CH-53 entre en scène

Les Marines durent attendre longtemps pour recevoir des hélicoptères de transport lourd, en l'occurrence des Sikorsky CH-53A Stallion. Pour la première fois de son histoire, l'USMC prit en compte un appareil qui avait été spécialement conçu pour ses besoins. Ayant effectué son vol initial le 14 octobre 1964, le Stallion était une machine de grandes dimensions dont le fuselage atteignait une longueur de 20,47 m. La cabine, qui avait 9,14 m de longueur et 2,29 m de largeur, pouvait accueillir des véhicules de petite taille et diverses armes. Le CH-53A était propulsé par deux turbomoteurs General Electric T64-GE-6 de 2 125 kW (2 850 ch) montés dans des nacelles de chaque côté du pylône du rotor principal. Il pouvait être armé de trois mitrailleuses GAU-2B/A de 7,62 mm, qui étaient cependant loin d'être aussi efficaces et aussi fiables que les M60. Le revêtement métallique de l'appareil pouvant être perforé par des balles de 7,62 mm provenant d'un fusil d'assaut du type AK-47, l'équipage bénéficiait de blindages. En outre, cette machine pouvait quitter rapidement une aire d'atterrissage menacée par le Viêt-cong.

 


Les premiers CH-53A livrés aux Marines furent pris en compte par le Squadron HMH-463, basé à Santa Ana (Californie), en septembre 1966. Un premier détachement de quatre appareils fut expédié à Marble Mountain le 8 janvier 1967, et le CH-53A se révéla bientôt capable d'apporter à destination des matériels divers comprenant notamment des obusiers de 155 mm, dont le poids atteignait plus de 5 760 kg. L'un de ces hélicoptères parvint même à récupérer un UH-34 en panne sur la plate-forme.

 

Marines débarquant d'un CH-53A Stallion de l'HMH-463 le 28 novembre 1967

 

Capacité d'emport de charge

Le 31 mai 1967, le HMH-463 disposait de vingt-deux CH-53A, lesquels dépendaient du Marine Air Group 16 (MAG 16). Quelque temps plus tard, ces machines assuraient le transport de la quasi-totalité du matériel dont avait besoin le MAG 16. Leur capacité d'emport de charge allait se révéler d'une très grande utilité lors de l'offensive du Têt, qui, lancée en janvier 1968, fut l'occasion de combats très durs entre les Marines et les troupes régulières nord-vietnamiennes, notamment à Huê. Les pilotes des Marines n'oublièrent jamais, dans ces difficiles circonstances, que les combattants terrestres dépendaient presque entièrement d'eux. Les hélicoptères de l'USMC opérèrent dans des conditions très difficiles, sous le feu dense et précis des troupes adverses.

La guerre s'intensifiant (en 1969, plus de 538 000 soldats américains, dont 34 000 Marines, combattaient au Viêt-nam), les squadrons d'hélicoptères déployés en Asie du Sud-Est se firent plus nombreux. Les UH-34 furent cédés à l'armée sud-vietnamienne, tandis que les Sea Knight et les Stallion demeuraient au sein de l'US Marine Corps. Le Sergeant Crandall Smith faisait partie de l'équipage du Squadron HMM-562, qui fut chargé de l'ingrate mission de récupérer un avion de transport C-123 tombé dans la jungle. Tous les occupants de l'appareil détruit étaient morts, mais le CH-53A des Marines parvint à ramener le C-123 jusqu'à Da Nang. Ce type de travail était assez courant pour les équipages d'hélicoptère de l'USMC.

 

CH-53D du HMH-463


Opérant depuis des bâtiments de l'US Navy croisant dans le golfe du Tonkin, les HH-46 étaient chargés de ramener à bon port les aviateurs américains qui avaient été contraints de s'éjecter au combat. L'une des missions de ce type parmi les plus connues est celle du 10 mai 1972, où le Warrant Officer George Driscoll, à bord de son HH-46, embarqué sur l'USS Okinawa (LPH-11), fut chargé de secourir deux pilotes de l'aéronautique navale qui avaient dû abandonner leur Phantom. L'opération se déroula devant les batteries côtières nord-vietnamiennes, qui s'efforçaient de faire converger leurs tirs sur l'appareil américain, mais sans aucune réussite. Ce fut une action difficile et dangereuse, la mer étant agitée dans cette zone et personne n'étant en mesure de fournir de données précises sur l'endroit où se trouvaient les deux aviateurs. Ces derniers, le Lt Cunningham Randolph H / Lt(jg) Driscoll William P (NFO), venaient tout juste d'abattre leurs troisième, quatrième et cinquième MiG, décrochant le titre envié d'as.

 


Respect mutuel

Les aviateurs des Marines volaient eux aussi à bord de Phantom, mais peu d'entre eux connurent la mésaventure de Driscoll et de Cunningham. Quant aux équipages d'hélicoptère, qui continuaient à assurer leur mission avec courage, ils ne firent pratiquement jamais l'objet de mentions dans le cadre des communiqués officiels.

Les équipages d'hélicoptère et ceux qui volaient à bord d'avions de combat de l'USMC se vouaient un respect mutuel. Les pilotes de chasseur des Marines passaient régulièrement par la base de MCAS New River, en Caroline du Nord, où ils recevaient des informations sur les méthodes opérationnelles employées par les hélicoptères.

Au cours de la guerre du Viêt-nam, les aviateurs des Marines, qu'ils aient volé sur des avions de combat ou sur des hélicoptères, consacrèrent toute leur énergie à travailler en équipe. Les résultats obtenus montrent que leur travail fut réellement efficace.

 

 

Sources :

Avions de guerre numéro 106 & 107 ; le combat aérien aujourd'hui : Editions Atlas 1988

 

 

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