Au moment de l'armistice, Bernard Scheidhauer prépare son examen
d'entrée à l'École de l'air. Quand les Allemands
approchent de Paris, son père, le colonel Scheidhauer, lui conseille
de se rendre en Grande-Bretagne. Il réussit à embarquer
sur un remorqueur qui, au lieu de le conduire en Angleterre, le dépose
à Bayonne. À Saint-Jean-de-Luz, il essaie en vain d'embarquer
sur un bateau évacuant des troupes polonaises. Déçu,
il rentre à Brest et continue ses recherches. Le 20 octobre 1940,
avec quatre camarades et trois diplomates, il réussit à
embarquer sur un petit chalutier, qui subit de gros problèmes
de navigation dans la brume et dans la tempête. C'est dans un
état de grande fatigue qu'ils sont recueillis par un cargo anglais,
qui les débarque à Helport le 31 octobre 1940.
Encore très épuisé par la traversée, il
signe son acte d'engagement dans les Forces
aériennes françaises libres
(FAFL) le 5 novembre 1940, comme
candidat élève pilote. Alors qu'il se voit déjà
aux commandes d'un avion, sa déception est grande quand il apprend
qu'il est affecté sur le Courbet, au mouillage à Portsmouth,
comme servant d'une pièce de DCA. Avec véhémence,
il montre sa déception et, devant son insistance, est muté
au camp de Camberley. Il est ensuite admis comme élève
pilote et suit le cycle d'entraînement des pilotes la RAF : Elementary
Flying Training School 6 de Sywell
en août 1941, Flying Training School 5
de Ternhill en octobre. Breveté pilote en avril 1942, par la
Operational Training Unit 52 d'Aston Down
avant de rejoindre, le 21 juin, le Squadron
242 à Drem, en Écosse. Il participe à l'opération
de Dieppe, le 19 août 1942. Quand le Squadron
242 part pour Malte, Scheidhauer est muté au Squadron
131 à Malling, avec le grade de sous-lieutenant.
Le 18 novembre 1942, comme équipier du sous-lieutenant Henri
de Bordas, le sous-lieutenant Scheidhauer effectue une mission d'attaque
à basse altitude (opération Rhubarb), le long de la voie
ferrée Bayeux-Cherbourg : les deux pilotes attaquent des locomotives
et prennent le chemin du retour. Dans les environs de Jersey, Bordas
s'aperçoit que son équipier a quitté la formation
et l'appelle à la radio, sans obtenir de réponse. II effectue
alors plusieurs virages pour essayer de le retrouver, en vain. Ayant
juste assez de carburant pour rentrer, il ne peut s'attarder et met
le cap sur sa base. Après l'atterrissage, il apprend que Scheidhauer
a eu des ennuis mécaniques et qu'il a effectué un atterrissage
forcé sur l'île de Jersey (îles anglo-normandes),
occupée par les Allemands.
Après son atterrissage forcé sur l'île anglo-normande
de Jersey, il est aussitôt capturé par les Allemands puis
transféré au Stalag Luft III,
au camp de Sagan, en Silésie (Pologne). Là, il participe
activement à la construction de tunnels (La
Grande Evasion), l'évasion étant non seulement un
droit mais un devoir pour un prisonnier. Pour récompenser son
rôle pendant la construction du tunnel Harry, commencé
au mois de mai 1943 et qui doit conduire à l'évasion du
24 mars 1944, Scheidhauer est choisi pour faire partie de cette tentative,
qui, hélas, se termine dramatiquement.
Le colonel Henri de Rancourt, attaché
de l'Air près l'ambassade de France à Londres transmet
le 4 juillet 1947, à l'État-major de l'armée de
l'air à Paris, les informations suivantes, fournies par l'état-major
de la RAF, concernant cette évasion :
« Le Squadron Leader Bushell
et le lieutenant Scheidhauer furent parmis premiers à s'échapper
par le tunnel. Ils voyagèrent par voie ferrée, se faisant
passer pour des ouvriers français. Ils se firent arrêter
dans la gare de Sarrebruck, probablement le 27 mars 1944. Interrogés,
probablement sans être maltraités, ils furent internés
à la "lehrgensflur " sous la surveillance de la Kriminalpolizei
(Kripo). Le 30 mars 1944, ils furent transférés à
la Gestapo et il semble qu'on les prévint de leur départ
pour Berlin. Ce transfert s'effectua par automobile d'abord, de la prison
à un autre bâtiment où ils ne restèrent que
très peu de temps, sans toutefois descendre de la voiture. Deux
membres de la Gestapo prirent place dans l'automobile, l'officie Kripo
ayant quitté la voiture. L'un des deux membres de la Gestapo,
un lieutenant-colonel, était le chef de la Gestapo de Sarrebruck,
le sous-lieutenant appartenait au même service Ils étaient
en uniforme et la voiture était conduite par un membre de la
Gestapo en civil. L'identité de ces trois individus nous est
connue et le chauffeur actuellement entre nos mains. La voiture fut
conduite à quelque distance dans la campagne et garée
au bord de la route.
Le Squadron Leader Bushell et le lieutenant Scheidhauer furent autorisés
à descendre de voiture, pour satisfaire des besoins naturels.
Ils s'éloignèrent quelques pas et furent, à ce
moment fusillés par les deux officiers de la Gestapo sans avertissement,
alors qu'ils avaient le dos tourné. Deux coups seulement furent
tirés par les deux officiers qui s'étaient servis de leurs
armes personnelles. La mort fut sans aucun doute instantanée,
dans les deux cas, Les deux corps furent alors emportés au four
crématoire de Sarrebruck où ils furent incinérés
le 1er avril 1944. Les urnes contenant les cendres des deux aviateurs
alliés furent, ensuite, envoyés au Stalag Luft III à
Sagan, où le Squadron Leader Bushell et le sous-lieutenant Scheidhauer
furent officiellement déclarés par les autorités
allemandes, comme ayant été fusillés alors qu'ils
essayaient de s'évader ».
En mai 1949, un document du N° 4 Missing Research & Inquiry
Unit RAF donnait les noms des 17 inculpés allemands impliqués
dans l'assassinat des aviateurs alliés échappés
; parmi eux, les deux officiers de la Gestapo impliqués dans
le meurtre de Bernard Scheidhauer: E.S., condamné à la
peine de mort, et WB., condamné à la prison à vie.