VIETNAM - RAIDS SUR LE NORD ciel de gloire - histoire des as de l\'aviation de 1914 à nos jours



 


 

 



RAIDS SUR LE NORD

 



Le piège s'était refermé ; les États-Unis étaient engagés dans la guerre. Harcelés par les raids de la guérilla viêt-cong et sollicités parle gouvernement sud-vietnamien, les Américains déversèrent d'énormes quantités d'hommes et de matériel sur ce lointain théâtre d'opérations.

En 1965, la guerre aérienne au Viêt-nam connut d'importants développements. Cette année vit la mise en ligne de nouveaux types d'avions, l'emploi de nouvelles techniques, l'accomplissement de nouveaux types de missions, le début des combats aériens, la première utilisation dans la guerre aérienne de missiles sol-air guidés (SAM) - les missiles air-air seraient introduits l'année suivante - et le commencement de la guerre électronique en Asie du Sud-Est. En cette même année, d'importantes forces terrestres se substituèrent au petit nombre de « conseillers » qui assuraient jusque-là la présence américaine au Viêt-nam. Le 7 mars 1965, 3 500 Marines étaient débarqués sur la base de Dà Nang ; à la fin de l'année, le total du personnel américain devait approcher 250 000 hommes et, en 1968, il allait largement excéder le demi-million.

 

DCA
Missiles SAM


L'appareil auquel incomba la tâche d'effectuer les premières missions contre le Nord Viêt-nam fut le Republic F-105 Thunderchief. Capable d'atteindre près de deux fois la vitesse du son, celui-ci transportait son chargement de bombes en soute ; ainsi, après avoir largué ses réservoirs auxiliaires, il pouvait assaillir un objectif au sol à une vitesse supersonique (il allait effectuer, il est vrai, la plupart de ses attaques à une vitesse comprise entre 740 et 930 km/h). Le F-105 disposait dans son nez d'un radar à fonctions multiples, servant à détecter les cibles aériennes qu'il détruisait à l'aide de ses missiles AIM-9 Sidewinder et de son canon de 20 mm à tir rapide. Bien qu'il fût le meilleur chasseur-bombardier de son temps, l'expérience de la guerre du Viêt-nam montra que le F-105 était doté d'une avionique insuffisante en regard des tâches à accomplir ; le F-105D monoplace était, à bien des égards, dépassé par le Thunderstick II, reconnaissable à son arête dorsale plus volumineuse et équipé de nouveaux dispositifs de direction de tir et de largage d'engins. Les avions d'entraînement biplaces F-105F furent utilisés en Asie du Sud-Est, tout comme les plates-formes de guerre électronique F-105G Wild Weasel.

 

F-105 Thunderchief


Dans les premiers temps, les F-105D volèrent en formation et effectuèrent leurs missions de bombardement à moyenne altitude guidés par un appareil de plus grandes dimensions et équipé de dispositifs de navigation et de visée plus précis. L'avion de guidage fut le plus souvent un Douglas B-66 Destroyer, dérivé basé à terre du plus grand bombardier de l'US Navy, le A-3 Skywarrior Le B-66 servit peu de temps en tant que bombardier au Viêt-nam, mais il fit ses preuves non seulement comme avion de guidage pour des formations d'avions de chasse monoplaces de types divers, mais aussi comme plate-forme de guerre électronique. La nécessité d'avions spécifiquement conçus pour la guerre électronique s'était fait sentir dè: bataille de Hambourg, pendant la Seconde Guerre mondiale, mais rien n'avait été entrepris depuis pour résoudre ce problème.

A mesure que les forces nord-vietnamiennes s'équipèrent de radars, de stations de guidage à la chasse et de batteries de missiles sol-air, le besoin en avions de guerre électronique devint de plus en plus pressant. De tels appareils ne transporteraient pas de bombes, mais auraient pour mission de neutraliser ou de tromper les défenses de l'ennemi, de sorte qu'il leur soit difficile, voire impossible, de guider les missiles sol-air et air-air ou de diriger des avions d'interception. L'US Air Force trouva le meilleur appareil de ce genre dans le EB-66C, devenu après transformation une station électronique volante ; cet avion allait également transporter et lâcher dans le ciel d'énormes quantités de chaffs (fines bandelettes de plastique métallisé antiradar).

 

B-66 Destroyer

 


Vétérans de l'Air National Guard

Le F-100, déjà mentionné, fut utilisé à la fois dans des missions d'attaque à basse altitude et de patrouille de surveillance à haute altitude ; en dépit de son âge, il rendit de précieux services dans les deux cas. Il fut le plus couramment employé au Viêt-nam dans sa version monoplace définitive, le F-100D, appareil doté d'un pilote automatique, d'une charge offensive accrue, et constituant un système d'arme d'une très grande fiabilité. Il était également équipé de quatre canons M-39 placés sous son nez, et volait habituellement avec des réservoirs auxiliaires larguables et une perche de ravitaillement en vol. Le F-101 Voodoo, chasseur appartenant à la série des appareils prélevés sur l'Air National Guard, effectua sur ce théâtre d'opérations, dans sa version non armée RF-101C, de nombreuses missions de reconnaissance photographique à longue distance. Un autre appareil, le F-104, bien qu'acclamé lors de son introduction en 1956 comme le « missile piloté », était de moins en moins utilisé par l'USAF et servit plus tard d'avion d'attaque au sein d'armées de l'air de pays étrangers. Au Viêt-nam, cependant, le F-104C accomplit de nombreuses missions en tant que bombardier tactique rapide, à partir de l'automne 1965, avant de recevoir un camouflage comme la plupart des appareils de l'USAF engagés sur ce théâtre d'opérations et d'être équipé d'une perche de ravitaillement en vol pour accroître son autonomie, trop faible.

 

4 F-105 larguent leurs bombes, protégés par un EB-66


De tous les avions de combat de la guerre du Viêt-nam, la place d'honneur revient cependant au McDonnell F-4 Phantom II, qui, après avoir été adopté par l'US Navy et les Marines en 1961, équipait l'USAF depuis 1964. Son rôle, ainsi que celui du A-6 de la Navy et du F-111, sera traité dans un chapitre ultérieur portant sur les missions d'interdiction à longue distance.

 

F-4 Phantom

 

 

Les équipements de lutte antiguérilla

Dès le début de l'intervention américaine, les B-26 Invader remplirent des missions de toutes sortes, souvent pilotés par des hommes nés quelques années après la date d'entrée en service de ces bimoteurs, à l'instar de plusieurs autres types d'appareils utilisés ultérieurement en Asie du Sud-Est. Il est vrai que le B-26, meilleur avion d'attaque multiplace au monde à la fin de la Seconde Guerre mondiale, donna, dans les années soixante, certains signes de fatigue - au sens propre du terme dans le cas de la fatigue de sa cellule : deux d'entre eux s'écrasèrent au Sud Viêt-nam dans les premiers mois du conflit par suite d'une déficience au niveau des structures. Au début des années soixante, dans l'enthousiasme de la mise au point des premiers avions de lutte antiguérilla (Counter-Insurgency, ou Co-In, Aircraft), le B-26 figura parmi les appareils mis à l'étude pour subir les transformations requises ; en 1963, un B-26 Co-In, le YB-26K, sortait des ateliers de la firme californienne On-Mark Engineering. Doté d'une cellule complètement redessinée et de perfectionnements aérodynamiques, il était équipé de moteurs plus puissants (des Double Wasp de 2 500 ch), de réservoirs aux extrémités des ailes et d'un système d'arme totalement révisé. Les deux tourelles arrière avaient été supprimées, mais le nez de l'appareil était désormais muni huit mitrailleuses de 12,7 mm ; en outre, les pylônes ajoutés sous les ailes permettaieni transport d'une charge offensive maximum de 3 630 kg. Des appareils destinés à la connaissance photographique diurne et n turne étaient également fixés à l'arrière de soute à bombes. L'avion d'une grande polyvalence résultant de ces transformations lait équiper l'USAF ainsi que l'armée de 1'air royale du Laos sous la désignation portée : les premiers Invader pendant la Seconde Guerre mondiale : A-26A.

 

Maj. James E. Sizemore et son A-26A

Source : www.acig.org/artman/publish/article_413.shtml.

 


Les missions de reconnaissance

La localisation des objectifs, tâche de rec naissance pouvant revêtir diverses forn constitua un problème permanent qui mula la recherche de nouvelles techniqi Au début du conflit, les missions de rec naissance traditionnelle échurent au A-2 au RF-101C (supersonique) et à deux avi de l'US Navy, le RF-8 et le RA-5C. Le RF n'était autre que le chasseur F-8 dans sa première version d'avion de reconnaissance partir du début de l'année 1965, les appaireils de reconnaissance décollèrent des porte avions de la marine américaine pour photographier, à basse altitude, les mouvements des transports terrestres et maritimes de l'ennemi, ainsi que les aérodromes et les s de missiles sol-air en construction. Un avion de reconnaissance encore plus sophistiqui Rockwell RA-5C Vigilante, dérivé d'un grand bombardier embarqué, pouvait atteindre deux fois la vitesse du son. Le RA-5C était muni d'un réservoir auxiliaire de grande capacité et des moyens de reconnaissance plus avancés de l'époque, notamment un radar à balayage latéral SLAR, monté dans un radôme fixé sous son fuselage.

 

RC-5A Vigilant


La reconnaissance était aussi l'une missions spécifiques de l'unique avion lutte antiguérilla original utilisé dura ment au Viêt-nam. Classé initialement dans la catégorie des avions de reconnaissance armée légère, le Rockwell International OVl0A Bronco comportait un petit fuselage central dans lequel prenaient place en tandem le pilote et l'observateur, une aile haute et deux turbopropulseurs montés sur des poutres supportant une dérive double. Appareil à décollage et à atterrissage courts, utilisant des pistes sommairement aménagées, polyvalent bien que peu rapide, le Bronco offrait à son équipage une visibilité approchant la perfection et pouvait transporter soit des mitrailleuses, des bombes ou des roquettes, soit, dans le fuselage arrière, une lourde cargaison de matériel, cinq parachutistes ou deux blessés allongés sur des brancards et accompagnés d'un infirmier. Certains des premiers Bronco échurent à l'US Navy ; camouflés de façon non réglementaire en noir, ils furent engagés à partir de 1968 dans des combats où ils donnèrent des résultats remarquables. L'US Air Force peignit ses propres avions en gris pâle ; quinze d'entre eux firent l'objet de perfectionnements préconisés par le programme Pave Nail, l'un des multiples programmes Pave concernant les opérations d'appui tactique (la plupart d'entre eux proposaient l'addition de systèmes de navigation, de détection et de visée d'une très grande fiabilité).

 

RA-5C Vigilant embarqué

 

OV-10 Bronco

 


Engins sans pilote

Le besoin de telles « boîtes noires » se faisait doublement sentir au Viêt-nam, dont l'infrastructure électronique était, et pour cause, quasi inexistante et dont la couverture cartographique dut même être entièrement révisée avant que des attaques aériennes précises fussent possibles. Le Loran, vieux système de radionavigation datant de la Seconde Guerre mondiale, se fondait, à l'instar du Decca anglais, sur des ondes émises par trois stations au sol ; le décalage dans le temps de l'arrivée des signaux, mesuré sur l'avion, permettait à ce dernier de se situer sur une hyperbole ayant pour foyer deux des stations émettrices. Ce dispositif équipa un très grand nombre d'avions tactiques au Viêt-nam ; un réseau Loran couvrant l'ensemble de l'Asie du Sud-Est fut mis si pied : grâce à lui, même les plus petits appareils purent déterminer leur position à quelques mètres près. Ses principaux utilisateurs furent des engins téléguidés (RPV, remote piloted vehicles) spéciaux, notamment cet appartenant à la famille du Teledyne Ryan147, utilisés pour les missions de reconnaissance les plus périlleuses au-dessus du Nord Viêt-nam et même à l'intérieur du territoire chinois (la République populaire de Chine abattit huit de ces drones au début de l'année 1965, et les débris de certains d'entre et furent exposés à Pékin). Doté d'une envergure allongée, à la manière d'un planeur, Type 147 était transporté sous l'aile droite d'un Lockheed Hercules spécialement, équil à cette fin, le DC-130. "L'avion mère » s'efforçait de rester sous l'espace aérien balayé par les radars nord-vietnamiens, et, au moment voulu, allumait le moteur du drone et le laissait partir. Pendant les heures qui suivaient, il dirigeait le vol du drone par liaison hertzienne. Bien que le Type 147 pût voler jusqu'à 18 300 m d'altitude, il effectua certaines missions au-dessus d'objectifs de première importance à très basse altitude.

 

Drone et avion porteur


Pas un seul engin télécommandé ne fut abattu par un chasseur d'interception ennemi, mais à partir du début de l'année 1965, les défenses antiaériennes nord-vietnamiennes gagnèrent rapidement en efficacité. A cette époque, l'armée de l'air nord-vietnamienne disposait de peu d'avions : sa chasse n'était constituée que par une cinquantaine de MiG-15 bis et MiG-17, qui, bien que très maniables dans les combats rapprochés, étaient jugés périmés selon les standards occidentaux. Leurs pilotes manquaient presque totalement d'expérience, et les avions américains n'affrontèrent aucun MiG avant le 17 juin 1965. Ce jour-là, deux F-4B du VF-21, opérant à partir du porte-avions Midway, se trouvèrent face à face avec quatre MiG-17 ; approchant à une vitesse supérieure à 1850 km/h, ils n'eurent guère la possibilité de respecter la règle imposée par Washington aux pilotes, selon laquelle ils devaient procéder à une identification visuelle et s'assurer des intentions hostiles de l'ennemi avant d'ouvrir le feu (le rapport de mission officiel, il est vrai, mentionne qu'ils le firent!). Les deux F-4 lancèrent leurs missiles AIM-7 Sparrow, et deux des quatre MiG explosèrent en l'air. L'US Navy était la première marine au monde à utiliser des missiles air-air à guidage radar en combat aérien réel, et avec 100% de succès. Trois jours plus tard, des avions d'un tout autre type, opérant également à partir du Midway, remportèrent une victoire unique dans l'histoire des combats aériens et qui (sans vouloir rabaisser le mérite des vainqueurs) reflète l'inexpérience des pilotes de l'armée de l'air nord-vietnamienne à cette époque. Quatre A-1 à moteur à piston du VA-125 remplissaient une mission de sauvetage quand ils furent pris sous le feu de quatre MiG. Pendant l'affrontement prolongé qui suivit, deux A-1, pilotés par les Lieutenants Johnson et Hartman, parvinrent à placer l'un des avions à réaction ennemis dans leur ligne de tir et l'abattirent.

Le A-1, un monomoteur robuste, n'avait jamais été conçu pour participer à des combats aériens, mais, en fait, il se trouvait tout à fait adapté aux règles absurdes imposées par Washington aux pilotes américains. Alors que les avions d'interception de l'USAF étaient dotés de puissants missiles air-air à guidage radar, conçus pour abattre un appareil adverse à des distances pouvant aller jusqu'à 32 km, les règles exigeaient que les pilotes s'abstiennent de tirer avant d'avoir reconnu visuellement les caractéristiques et les marques de nationalité des avions ennemis. Après s'être approché à la distance requise (quelques centaines de mètres), le A-1 pouvait à coup sûr l'emporter sur la plupart des avions à réaction en virant beaucoup plus serré ; mais l'on fit rarement appel à lui pour prendre part à des combats aériens.



 

Sources :

Encyclopédie de l'aviation ; édition Atlas.

 

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