|
|
GUNSHIP EN ACTION
« Spooky », « Spectre », « Shadow »,
« Stinger » : telles sont quelques-unes des procédures
radio les plus couramment employées par ces avions très
spéciaux que furent les Gunship pendant la guerre du Viêt-nam.
Opérant principalement de nuit, ces appareils surent tirer
profit de l'obscurité lors des missions souvent dangereuses
dans lesquelles ils furent engagés. Le travail des équipages
alla de l'attaque des convois ennemis sur la piste Hô Chi Minh
au harcèlement des zones tenues par le Viêt-cong au Viêt-nam
du Sud, en passant par des raids contre les forces nord-vietnamiennes
et la protection des nombreux aérodromes établis par
les Américains sur le territoire sud-vietnamien. Dans l'ensemble,
et compte tenu du nombre d'appareils engagés dans ces actions,
les résultats qu'obtinrent les équipages américains
furent positifs et les pertes relativement légères.
Connus sous le nom de Gunship, ces avions de transport armés
ne furent jamais plus de soixante à la fois au Viêt-nam.
Malgré la faiblesse de ce chiffre, il faut bien dire que les
Dokiglas AC-47D Spooky, les Lockheed AC-130A et E Spectre, les Fairchild
AG-119G Shadow et les AC-119K Stinger obtinrent de spectaculaires
résultats. Ils permirent à des postes isolés
de ne pas tomber aux mains du Viêt-cong et détruisirent
d'énormes quantités de camions pour des pertes relativement
peu importantes. Dès que la nuit tombait sur l'Asie du SudEst,
des Gunship quittaient leurs bases du Viêt-nam du Sud et de
Thaïlande et se tenaient prêts à intervenir à
toute demande. Aux origines des Gunship Les origines des Gunship remontent aux années vingt. Ce concept,
développé au cours de la Seconde Guerre mondiale, ne
connut cependant pas de succès. Il fallut attendre un autre
conflit, dans lequel les opérations de lutte antiguérilla
revêtirent une importance considérable, pour que ledit
concept donne naissance à des réalisations véritablement
pratiques. Les progrès accomplis pendant la guerre du Viêt-nam
furent remarquables, et les premiers succès vinrent avec les
FC-47 et AC-47, versions dérivées du célèbre
Douglas Dakota. Ils culminèrent avec les Lockheed Hercules
armés d'un obusier de 105 mm, de deux canons M61 Vulcan de
20 mm et d'un canon Bofors M1 de 40 mm dans le cadre du programme
Pave Aegis. Dans le même temps, les capteurs mis en place à bord de ces appareils avaient fait l'objet de nombreuses améliorations. Alors que les AC-47 n'avaient que des systèmes d'acquisition visuelle des objectifs et des fusées éclairantes pour leur illumination, les avions réalisés en fonction du programme Pave Aegis disposaient de FLIR, de caméras vidéo à très faible niveau de lumière, de radars, de lasers, de viseurs optiques, d'ordinateurs et de collimateurs cathodiques tête haute. Certes, le coût d'un Hercules Pave Aegis était incomparablement supérieur à celui d'un AC-47 ; ces deux appareils étaient cependant appelés à opérer de manière différente dans leur rôle de Gunship. Au bout du compte; ils remplirent leur tâche avec une égale efficacité.
Les autres versions du Gunship réalisées pendant la guerre du Viêt-nam étaient fondées sur l'avion de transport tactique Fairchild Flying Boxcar. Ces variantes permirent d'effectuer la transition entre le Douglas AC-47 et le Lockheed AC-130E Pave Aegis. L'AC-119G était relativement peu armé et fut utilisé
pour des missions au-dessus du Viêt-nam du Sud, considérées
comme moins dangereuses. Par contre, l'AC-119K, qui disposait de deux
canons Vulcan de 20 mm et de quatre mitrailleuses de 7,62 mm, fut
employé dans de nombreuses sorties d'interdiction à
l'extérieur du territoire sud-vietnamien qui se révélèrent
beaucoup plus coûteuses. La carrière opérationnelle des Gunship en Asie du Sud-Est
débuta en décembre 1964, mois au cours duquel deux Dakota
furent pourvus de mitrailleuses de sabord de 7,62 mm Minigun dans
le cadre d'un programme expérimental baptisé Joint Research
and Test Activity. La responsabilité de ce programme échut
au Captain Ronald W. Terry, de l'Aeronautical Systems Division, à
Wright-Patterson (Ohio). Cet officier allait jouer un rôle essentiel
dans le développement du concept de Gunship et dans la réalisation
du programme Pave Aegis. En 1964, l'avenir des Gunship était encore incertain, et sans l'insistance de Terry le projet Tailchaser n'aurait sans doute jamais été mené à bien. Le nom de code de Tailchaser se rapportait à des expériences conduites dans le domaine des techniques de feu latérales. Les efforts de Terry aboutirent à des tests qui, menés à Eglin AFB (Floride), pendant l'été de 1964, donnèrent de remarquables resultats. Ces essais furent entrepris tout d'abord avec un Convair C-131 modifié puis avec un C-47.
En Asie du Sud-Est Très impliqué dans ces expériences, Terry ne
se cantonna pas dans cette activité. Il plaida sa cause auprès
du chef d'état-major de l'US Air Force, le General Curtiss
E. LeMay, et lui présenta les avions dont il avait coordonné
la mise au point au début du mois de novembre 1964. LeMay ayant
été convaincu, Terry obtint l'autorisation de gagner,
quelques semaines plus tard, le Viêtnam du Sud avec la mission
de mettre deux Dakota aux standards FC-47. Le premier de ces appareils
fut engagé au combat, de jour, le 15 décembre de la
même année et le second, de nuit, le 24 décembre. Comme cela avait déjà été le cas lors des essais précédents, les résultats obtenus dépassèrent toutes les espérances des responsables du projet. Vingt-six machines de série furent donc commandées et réalisées en Géorgie pendant l'automne de 1965. L'entraînement des équipages eut d'abord lieu à bord de C-47 standard; il ne dura que peu de temps, si bien que le déploiement au Viêt-nam des Dakota armés intervint dès le mois de novembre 1965 dans le cadre de l'opération Sixteen Buck
Arrivé à Tan Son Nhut le 14 novembre, le 4th Air Commando Squadron dut attendre la livraison de ses armes de bord plusieurs semaines, et il ne fut engagé au combat qu'au milieu du mois de décembre suivant. A cette époque, les FC-47 avaient été rebaptisés AC-47D; quelques-uns de ces appareils n'avaient reçu qu'une ou deux des trois armes qu'ils devaient emporter à l'origine, mais ils n'en furent pas pour autant moins efficaces. Opérant la plupart du temps au-dessus du Viêt-nam du Sud, ils furent employés par détachements répartis entre les quatre secteurs de corps d'armée formant la structure militaire du pays. Outre les seize AC-47D engagés au Viêt-nam du Sud, l'US Air Force déploya en Thailande, à Udorn, quatre avions de ce type qui menèrent des actions d'interdiction sur le Laos du Sud dans le cadre de l'opération Steel Tiger.
La modification d'autres appareils permit d'augmenter le nombre de
Gunship en opérations au Viêt-nam du Sud, si bien que,
à la fin de 1967, le 4th ACS alignait
trente-deux AC-47D. Cette dotation allait être répartie
par la suite entre deux squadrons. Le 27 octobre 1967, en effet, une
nouvelle unité, le 14th ACS (Fire
Support), fut créée à Nha Trang. Elle ne devint
opérationnelle que le 15 janvier 1968 et reçut la dénomination
de 3rd ACS le lt1 mai de la même
année, puis celle de 3rd Special Operation
Squadron (SOS) le 1er août suivant. Le développement d'une version armée du C-119, l'AC-119,
sonna bientôt le glas de l'AC-47D, ce dernier étant retiré
du Viêt-nam à partir de 1968, année au cours de
laquelle son succès fut confirmé. L'année 1969 marqua le retrait définitif de l'appareil, le 3rd SOS ayant effectué sa première sortie opérationnelle à son bord en août et mené la dernière en septembre.
Le 4th SOS, qui fut également dissous cette même année,
accomplit sa dernière sortie le 30 novembre. Les AC-47 terminèrent
leur carrière au sein des forces aériennes vietnamienne
et thailandaise, mais trois d'entre eux, affectés au 432nd
Tactical Reconnaissance Wing, continuèrent à
défendre des postes laotiens isolés jusqu'en juin 1970,
époque à laquelle le Laos put engager au combat des
avions de ce type qui venaient de lui être attribués. Au Viêt-nam du Sud, les AC-47 continuèrent à
être utilisés au combat par des équipages vietnamiens
du 417th Combat Squadron, basé à Tan Son Nhut, près
de Saigon. Avion de transport armé servant depuis le plus longtemps dans l'US Air Force, le Lockheed Hercules de transport tactique fut le deuxième appareil adapté à ce type de mission.
Le Gunship II Hercules fut réalisé dans le cadre du
programme Project Gunboat, lancé au cours de l'été
de 1966 et par lequel l'US Air Force entendait se doter assez rapidement
d'une machine à l'autonomie sensiblement accrue. Les opérations de modification du prototype de l'AC-130A commencèrent
le le7 avril 1967, sur la base de Wright-Patterson, et l'appareil
effectua son vol initial un peu plus de deux mois plus tard, le 6
juin, avec un armement comprenant quatre Minigun de 7,62 mm et quatre
canons Vulcan de 20 mm. Ces essais ouvrirent la voie à des
expérimentations opérationnelles, le premier Hercules
transformé en Gunship rejoignant le Viêt-nam du Sud en
septembre de la même année. Entre septembre et décembre 1967, les AC-130A furent très actifs, et ils furent principalement engagés dans la région de Binh Thuy, correspondant au secteur du 4e corps d'armée. Puis ils furent employés dans des missions d'interdiction sur les lignes de communication de l'ennemi dans le cadre de l'opération Tiger Hound, au Laos, au sud du 17° parallèle. Leur déploiement s'acheva par des sorties de reconnaissance armée et d'appui-feu rapproché dans le secteur du 2e corps d'armée.
Autres conversions Alors que les Hercules armés étaient en cours d'évaluation
opérationnelle, les responsables de l'US Air Force décidèrent,
le 7 novembre 1967, de commander deux autres appareils, chiffre qui
fut porté à sept moins de un mois plus tard. Dans le
même temps, il fut décidé que les Hercules ne
seraient plus employés que pour des missions de recherche et
de destruction, alors que, jusqu'à présent, ils avaient
surtout été utilisés pour la protection et l'appui
ponctuels. Ces dernières tâches allaient être confiées
aux AC-119. Le déploiement des AC-130A de série intervint à
la fin de l'année 1968, au sein du 16th
SOS, intégré dans le 8th
Tactical Fighter Wing, à Ubon, en Thailande. Ces avions
furent engagés au combat sur les lignes de communication nord-vietnamiennes
passant par le sud du Laos. Bien qu'il n'ait aligné que quatre
avions, le 16th SOS accumula une impressionnante
série de succès, dont les statistiques relatives au
premier trimestre de 1969 donnent une bonne idée. Pendant cette période, en 225 missions, les avions de transport
armés détruisirent 607 camions et 11 bâtiments;
ils endommagèrent également 351 autres camions. Près de 1 500 explosions et 1200 incendies furent repérés. Les équipages avaient tiré 1 million d'obus de 20 mm et 700 000 cartouches de 7,62 mm. L'efficacité de ces appareils avait été autrement plus importante que celle de nombreux autres systèmes d'arme, souvent nettement plus sophistiqués.
Ce succès ne fut cependant pas obtenu sans de lourdes pertes.
Bien qu'ils fussent souvent escortés par des McDonnell Douglas
F-4D Phantom appartenant au 8th TFW,
les AC-130A furent fréquemment victimes des armes antiaériennes
ennemies. Les Phantom effectuèrent de nombreuses sorties contre les
batteries de canons antiaériens nord-vietnamiennes avec des
bombes conventionnelles ou en grappes, détruisant en fin de
compte nombre d'entre elles. Un exemple de l'efficacité des moyens antiaériens adverses
nous est fourni par cet épisode qui survint en mars 1967 et
au cours duquel un appareil, touché par un obus de 37 mm, ne
regagna pas sa base. Le 24 mai suivant, un autre AC-130A, atteint
par plusieurs obus du même calibre, put revenir à Ubon,
où il s'écrasa et brûla, avec deux tués
à son bord. Outre des Dakota et des Hercules, l'US Air Force
engagea un certain nombre de C-119 Flying Boxcar au Viêt-nam.
Ces derniers appareils, s'ils n'obtinrent pas des résultats
aussi significatifs que ceux auxquels aboutirent les Hercules, n'en
furent pas moins d'une grande efficacité.
Le développement d'une nouvelle génération de
Gunship n'allait pas tarder à intervenir, l'accent étant
porté sur l'adoption d'un armement plus puissant et sur la
mise en place de capteurs plus évolués destinés
à améliorer les capacités de détection
de nuit. Réalisée dans le cadre du projet Surprise Package,
cette opération de modifications débuta au cours de
l'automne de 1969, et le premier avion qui en bénéficia
arriva à Ubon, en Thaïlande, au commencement de décembre
de la même année; il allait effectuer sa première
sortie opérationnelle le 12 de ce mois. En ce qui concerne l'armement, les Hercules ainsi modifiés
emportaient deux canons Vulcan de 20 mm, placés à l'avant
du fuselage sur le flanc gauche, et deux canons Bofors de 40 mm, montés
en arrière du carénage du train de gauche. Les avions
de ce type se montrèrent incomparablement supérieurs
à leurs prédécesseurs, et ils parvinrent à
détruire 604 camions entre décembre 1969 et avril 1970,
le nombre de véhicules endommagés se montant à
218. Ces chiffres représentaient 7,3 camions détruits ou
endommagés par sortie, ce qui constituait une performance très
supérieure à celle des AC-130A, dont la moyenne était
de 4,3 camions par sortie. Plus important encore, peut-être,
les Hercules Surprise Package accomplirent ces missions dans des conditions
de sécurité incomparablement meilleures que celles dans
lesquelles opérèrent les autres versions Gunship. Ils
pouvaient voler à haute altitude, au-dessus de la portée
efficace des canons antiaériens ennemis. Au vu de ces résultats impressionnants, l'US Air Force prit
la décision d'acquérir plus d'appareils répondant
au programme Surprise Package et de mettre à ces standards
les cinq AC-130A en état de voler dont elle disposait encore.
Neuf autres AC-130A furent produits, mais l'année 1970 marqua
la mise au point du nec plus ultra en matière de Gunship, l'AC-130E,
dérivé du C-130E Hercules.
L'armement de cette machine se composait d'un canon Bofors de 40
mm, de deux canons Vulcan de 20 mm et d'un obusier de 105 mm. L'avion
ainsi obtenu reçut la désignation de Pave Spectre, et
le nom de code de Pave Aegis fut attribué aux appareils pourvus
de l'obusier de 105 mm. Le premier de ces avions entra en service
opérationnel au cours des années 1971-1972, époque
à laquelle fut menée la campagne d'interdiction Commando
Hunt VII. Les AC-130E jouèrent un rôle essentiel dans l'arrêt
de l'offensive générale conduite par les Nord-Vietnamiens
au printemps de 1972. Opérant en appui direct des forces amies,
ils dressèrent de véritables barrages de feu en avant
des positions américaines et sud-vietnamiennes et infligèrent
des pertes importantes à l'adversaire. La précision
de leur tir fut telle que, à quelques occasions, les corrections
demandées par les observateurs au sol furent de 90 cm seulement. Des missions identiques furent menées par les AC-119 à
la même époque, mais les résultats obtenus par
ces appareils furent nettement moins impressionnants du fait de leur
armement plus léger. Deux sous-versions du Flying Boxcar furent
réalisées dans le cadre du programme Gunship, l'AC-119G
Shadow et l'AC-119K Stinger. Ces deux versions disposaient chacune
de quatre Minigun de 7,62 mm, mais le Stinger avait, en plus, deux
canons de 20 mm et des capteurs relativement sophistiqués. En ce qui touche aux missions dans lesquelles ils furent engagés, les Shadow effectuèrent plus particulièrement des sorties de reconnaissance armée, tandis que les Stinger, qui bénéficiaient de réacteurs d'appoint sous les ailes, furent déployés au Viêt-nam du Sud mais aussi au-dessus de la piste Hô Chi Minh dans des opérations d'interdiction aux côtés des AC-130. Ils obtinrent parfois de remarquables résultats.
Gunsbip III L'AC-119 avait été réalisé dans le cadre
du programme Gunship III, qui débuta en 1967. Les progrès
furent relativement lents au regard de la force assez peu importante
qu'il s'agissait de mettre sur pied. Au début de février
1968,1'USAF décida de modifier assez de C-119 pour équiper
de seize avions chacun des deux squadrons formant le 14th
Air Commando Wing. Y compris les prototypes, cinquante-deux
AC-119G et AC-1 19K furent réalisés. En 1968, les Américains
prévoyaient d'engager au moins six AC-119G au combat au mois
de juillet et quatre AC-119K en novembre, mais ces échéances
ne purent être respectées. Recevant le nom de code de Combat Hornet, le programme de modifications fut conduit par la WarnerRobins Air Material Aera (WRAMA), qui avait acquis une grande expérience dans le domaine des Gunship en mettant au point l'AC-47. La WRAMA ayant estimé que Fairchild-Hiller était en mesure de mener ces transformations dans ses usines de Saint Augustine, en Floride, les cinquante-deux machines concernées furent converties à cet endroit. L'entraînement initial des équipages se déroula à Clinton County AFB (Ohio), et, dès que les premières machines devinrent disponibles, il fut assuré à Lockbourne AFB (Ohio), sous la responsabilité du 4413th Combat Crew Training, du Tactical Air Command. Le Continental Air Command se borna à fournir le personnel de réserve nécessaire à la formation du 71 si SOS, qui allait expérimenter l'AC-119 a combat.
La modification de vingt-six AC-119G fut terminE en octobre 1968, mais l'entrée en service opérationni de ces appareils fut constamment retardée. Ce ne fut pas avant le 27 décembre de la même année qu'un premier avion fut basé à Nha Trang, la première sorti intervenant en janvier 1969. Par la suite, avec la livraison d'un nombre sans cess plus important
de machines, la contribution de AC-119G à l'effort de guerre
américain au Viêt-nan s'accrurent et les avions de ce
type furent utilisés pou assurer l'appui-feu des postes avancés,
qui, sans leur intervention, avaient toutes les chances de tomber
aui mains de l'adversaire. Un exemple qui illustre bien le rôle
joué par ces avions est celui de ce poste américain
privé d'électricité au moment d'une intervention
chirurgicale urgente. Le médecin put opérer son patient
grâce à l'éclairage que lui fournit le projecteur
d'un AC-119 orbitant au-dessus du poste en question. A l'instar des AC-47, les AC-119 furent utilisés de manière intensive à partir d'aérodromes avancés. A la fin de 1969, la plupart des membres du 71st SOS, ayant rempli leurs obligations d'active, regagnèrent les ÉtatsUnis. Les AC-119G qu'ils laissèrent sur place furent affectés au 17th SOS, une formation d'active mise sur pied en juin 1969.
Le manque de capteurs FLIR et de canons de 20 mm avait eu un impact
significatif sur le développement d'une version plus évoluée
de l'AC-119. Les premiers exemplaires de l'AC-119K n'atteignirent
Phan Rang qu'en novembre 1969, et le dix-huitième et dernier
appareil de ce type n'y parvint qu'en janvier 1970. Au Viêtnam,
les AC-119K opérèrent au sein du 18th
SOS, le nombre total d'AC-119 qui furent utilisés en
Asie du Sud-Est étant de trente-six. Peu de temps après leur arrivée, ces appareils montrèrent leur efficacité en opérant aussi bien au-dessus du Viêt-nam du Sud qu'à l'extérieur du pays. La nécessité d'attaquer la piste Hô Chi Minh poussa les responsables de l'Air Force à expédier un détachement à Udorn, en Thaïlande, le Flight D. Celui-ci fut basé à Nakhon Phanom un peu plus tard avec une force de six avions en vue d'assaillir les lignes de communication ennemies au Cambodge.
Pertes au combat Ces opérations se soldèrent inévitablement par
des pertes. Le 17th SOS perdit son premier
avion le 11 octobre 1969 et un autre le 28 avril 1970. Mais l'ennemi
ne fut pas responsable de la destruction des deux appareils, qui s'écrasèrent
au décollage à Tan Son Nhut. Deux avions du
18th SOS furent également victimes de pannes mécaniques
en 1970, et plusieurs autres furent gravement endommagés au
cours des missions qu'ils effectuèrent. Au début de 1971, avec la décision du président
Nixon de « vietnamiser » la guerre, des plans furent dressés
afin de transférer les AC-119G au 819th
Combat Squadron de la force aérienne sud-vietnamienne.
La mission du 17th SOS allait être
réduite désormais à la formation des équipages
sud-vietnamiens, et cette unité finit par être dissoute,
le 30 septembre 1971. Six semaines plus tôt environ, le 14th
SOW avait cessé d'avoir la haute main sur la flotte
d'AC-119K, le 18th SOS ayant été
placé sous la responsabilité du 56th
SOW, à Nakhon Phanom. Ce changement n'eut que très
peu de conséquences sur le rythme des opérations. Les
Stinger basés en Thaïlande effectuèrent des missions
régulières au-dessus du nord du Laos, et ceux installés
à Da Nang couvrirent le Viêt-nam du Sud. L'entrée en service d'un nombre sans cesse plus important
de Spectre et les dangers encourus au-dessus de la piste Hô
Chi Minh favorisèrent rapidement le retrait des AC-119K, moins
efficaces et plus vulnérables que les Hercules. Le 31 décembre 1972, le 18th SOS
fut dissous, mais cela ne signifia pas pour autant la fin de l'engagement
des AC-119K, qui, pour la plupart, furent cédés à
la force aérienne sud-vietnamienne. Celle-ci continua à
utiliser ce type d'appareils jusqu'à la chute de Saigon, en
avril 1975.
Moins connu, parce que les avions auxquels il donna naissance ne
furent jamais employés au combat au Viêtnam, le projet
Credible Chase est intéressant à de nombreux points
de vue, notamment par le fait qu'il marqua l'application du concept
de Gunship à des appareils de petites dimensions. Les essais
entrepris dans ce sens s'étant heurtés à de nombreuses
difficultés, l'idée fut en fin de compte abandonnée,
en partie en raison de son coût financier élevé,
en partie parce que les avantages qu'amenait cette formule étaient
très réduits. L'idée de réaliser un Mini-Gunship naquit au milieu
des années soixante, lorsque fut rédigé le projet
Little Brother, lancé sous la responsabilité de l'Air
Force Systems Command et du Limited War Study Group. Véritable
initiateur du FC-47 et de l'AC-47, le Captain Terry fut chargé
d'initier les membres du groupe d'études formé par ces
deux organismes aux techniques de tir spécifiques aux Gunship. Après avoir examiné plusieurs solutions et types d'appareils,
le groupe en question se prononça en faveur d'une machine légère
bimoteur possédant une voilure haute et une charge utile de
900 kg environ. Le Cessna Model 337 Super Skymaster correspondait
bien à ces spécifications, et l'armement devait comprendre
un canon de 40 ou de 42 mm au faible recul et à la cadence
de tir de cinq cents obus par minute. Le MXU-470/A Minigun, qui apparut
idéal aux spécialistes de l'Air Force, fut choisi. A l'époque, il fut décidé que les avions réalisés
dans le cadre de ce projet emporteraient un équipage de deux
membres (un pilote et un canonnier) et devraient être capables
d'opérer tant de jour que de nuit à partir de pistes
sommairement aménagées. Leur vitesse de croisière
devrait atteindre 305 km/h et leur autonomie en patrouille, une dizaine
d'heures. Les promoteurs du programme prirent également la résolution
d'adopter un système de conduite de tir, dont la réalisation
fut demandée à l'Air Force Avionics Laboratory. Ce système
fut l'ceuvre d'un officier de la Royal Air Force qui avait effectué
un stage dans ce laboratoire, le Wing Commander Thomas Pinkerton.
Un exemplaire de cet équipement fut mis au point et testé
sur un Cessna 337 loué au constructeur et modifié par
les soins de l'Aeronautical Systems Division, à WrightPatterson
AFB. Les opérations d'évaluation se révélèrent très prometteuses, et certains éléments du système de contrôle de tir dû à Pinkerton servirent à la réalisation de celui de l'AC-130A Hercules. Le projet de Mini-Gunship fut abandonné en 1966, faute de crédits et en raison des demandes sans cesse plus importantes concernant des Gunship de grandes dimensions pour remplacer l'AC-47.
Credible Chase Cinq ans plus tard apparut le projet Credible Chase, qui portait
sur le déploiement d'avions de petites dimensions mais lourdement
armés dans le cadre de la « vietnamisation » de
la guerre. Deux appareils de base furent sélectionnés
pour la conduite du programme : le Fairchild AU-23A Peacemaker et
le Helio AU-24A Stallion. Les évaluations de ces avions furent
conduites à Eglin AFB, en Floride, en mai 1971. Le Peacemaker
et le Stallion présentaient d'assez grandes ressemblances en
matière de caractéristiques et de configuration ; ils
étaient tous deux dotés de turbopropulseurs, avaient
des capacités ADAC, disposaient d'une voilure haute et étaient
manoeuvrés par un équipage de deux membres assis côte
à côte. Destiné à fournir à la force aérienne
sud-vietnamienne une mobilité plus importante et une plus grande
puissance de feu au moindre coût, le projet obtint la faveur
du Secretary of Defense de l'époque, Melvin Laird, et ce en
dépit des problèmes rencontrés lors de l'évaluation
des appareils au Viêt-nam. Malgré le scepticisme de plusieurs responsables de l'Air Force,
le programme Credible Chase fut poursuivi, et une quinzaine d'exemplaires
de chacun des avions concernés furent commandés au titre
de l'année fiscale 1972. L'armement qu'emportaient le Stallion et le Peacemaker était
le même, chaque appareil étant doté de quatre
points d'attache sous voilure, sur lesquels pouvait être accrochée
une charge offensive modeste, et d'un canon de 20 mm du type Gatling
à trois tubes, le XM197. Possédant une cadence de tir
de 350 ou de 700 coups par minute, celui-ci était équipé
d'un viseur de nuit TVS-5.
La livraison des Peacemaker débuta en janvier 1972, et leur
évaluation commença immédiatement à Eglin
AFB. Les essais durent être interrompus en février de
la même année et les avions interdits de vol, des criques
ayant été découvertes dans le gouvernail de direction
de certains appareils. Ce ne fut là qu'un des nombreux problèmes
auxquels allaient devoir faire face les responsables du programme. Le premier Stallion arriva à Eglin le 4 mars 1972, et l'évaluation
de ce type d'appareil, qui aurait dû commencer tout de suite,
fut retardée à la suite d'une décision, prise
en avril, de ne plus accepter d'AU-24. Les essais de l'avion furent
achevés en mai 1972, et ceux de l'AU-23 durèrent plus
longtemps en raison de la perte d'un appareil dans un accident. D'autres réserves furent exprimées quant à leur survivabilité au combat; il avait été en effet établi que les deux types d'appareils concernés étaient trop peu équipés pour faire face aux exigences du combat sur le théâtre d'opérations d'Asie du Sud-Est. Le projet fut donc définitivement abandonné, et la plupart des Stallion et des Peacemaker furent cédés respectivement au Cambodge et à la Thaïlande.
Bombardier sophistiqué Le premier des bombardiers sophistiqués conçus dans
le cadre du programme des Gunship américains fut une machine
dérivée du Fairchild Provider, un avion de transport
tactique léger mis aux standards NC-123K. Les deux exemplaires
convertis emportaient des équipements destinés à
leur permettre d'opérer de nuit et portant la dénomination
de Black Spot. Ils étaient également pourvus de bombes
en grappes qu'ils lancèrent sur la piste Hô Chi Minh
pendant le temps qu'ils opérèrent au sein du 606th Air
Commando Squadron, à Nakhon Phanom, entre 1968 et 1971. Réalisé tout de suite après le système
de visualisation de l'AC-130A, le système Black Spot comprenait
un radar dirigé vers l'avant, une caméra vidéo
à très faible niveau de lumière, un FLIR et un
équipement de navigation avancé. Le largage de la charge
offensive était géré par un calculateur, et l'efficacité
de ce système fut telle que, en cent quarante et une sorties
conduites en 1969-1970 dans le cadre de la campagne Commando Hunt
III, les deux NC-123K détruisirent en moyenne 3,1 camions par
mission. Ces résultats, bien qu'inférieurs à
ceux qu'obtinrent les AC-130, constituent une bonne performance si
on les compare à ceux d'autres appareils. Les deux Provider modidiés furent ensuite envoyés aux États-Unis, où ils furent stockés, jusqu'au moment où, deux ans plus tard, ils revinrent en Asie du SudEst pour être pris en compte par la force aérienne thaïlandaise dans le cadre de l'aide militaire américaine. Là, ils furent de nouveau affectés à des missions de transport classiques.
D'autres appareils furent transformés en Gunship, tels les
quatre Lockheed Neptune mis aux standards AP-2H par l'US Navy. Peu
d'informations ont filtré sur l'utilisation opérationnelle
de ces avions. Il est cependant certain que, modifiés en 1967,
ils furent engagés au Viêtnam au cours de l'année
suivante et opérèrent depuis la base de Cam Ranh. La responsabilité du programme échut au détachement
Project TRIM du Naval Air Test Center, qui employa ces avions à
partir de Cam Ranh et d'autres aérodromes pendant une année
avant de les céder au Heavy Attack Squadron
Twenty-One (VAH-21), constitué
en septembre 1968. Cette formation n'eut qu'une brève existence
(elle fut dissoute en mars 1969), et les AP-2H furent envoyés
à Davis-Monthan en vue d'y être stockés. L'abréviation TRIM signifiait Trails, Roads Interdiction Multisensor,
et les AP-2H étaient très différents de leurs
prédécesseurs. Ils emportaient de nombreux capteurs
à propos desquels très peu de détails ont été
publiés. Ces capteurs incluaient un FLIR, une caméra
vidéo à très faible niveau de lumière
et un radar d'évitement d'obstacles. L'armement de ces avions
est plus connu : il consistait en un véritable arsenal comportant
deux canons M24 de 20 mm dans la queue, quatre engins du même
calibre dans une tourelle placée sous l'avant du fuselage,
ainsi que des lance-roquettes LAU-3/A ou LAU-59/A de 69,85 mm et des
Minigun en nacelle SUU-11B/A sous la voilure. Des fenêtres démontables avaient été aménagées dans l'arrière du fuselage afin de permettre à des membres de l'équipage d'utiliser des mitrailleuses M60 montées sur affût. Les travaux de modification comportaient également la mise en place de réacteurs d'appoint et de suppresseurs d'infrarouges aux échappements des moteurs. Les quatre Neptune en question arboraient un camouflage inhabituel, constitué de trois tons de gris.
Aucune information n'a été publiée concernant
les résultats obtenus au combat par ces appareils, mais, comme
ils ne demeurèrent au Viêt-nam que pendant seize mois,
il est raisonnable de penser que lesdits résultats ne furent
pas à la hauteur des espérances de l'US Navy. En fin
de compte, celle-ci préféra abandonner le monopole des
Gunship à l'Air Force. L'expériencç acquise par les Américains avec leurs Gunship lors du conflit vietnamien se révéla très précieuse pour l'avenir. L'US Air Force avait pu définir avec une rare précision les caractéristiques des avions destinés à ces missions difficiles et dangereuses, les capteurs les mieux adaptés, les armes susceptibles d'infliger les dommages les plus graves à l'ennemi et les méthodes d'emploi, parfois particulières, applicables à cette technique. Cette expérience fut d'une très grande utilité, notamment lors de l'intervention à la Grenade, en 1983. Les Gunship constitueraient, en cas de conflit localisé, dans des régions où l'opposition aérienne ennemie serait très limitée ou inexistante, une arme particulièrement efficace contre la guérilla.
|
<<< Chapitre précédent
Chapitre suivant >>>