Le général Léon Cuffaut est né
le 20 Janvier 1911 à Charenton dans le Val-de-Marne. Sa passion
pour l'aviation a une origine pour le moins paradoxale. A l'âge
de six ans, alors qu'i1 se promène en compagnie de ses parents
dans le bois de Vincennes, un avion s'écrase à quelques
mètres de lui. Ce drame, loin de le dissuader à jamais
d'entrer dans un cockpit, le pousse davantage vers ces curieux engins
qui essaient de défier les lois de la pesanteur. En Bourgogne,
où il passe sa jeunesse, i1 peut contempler longuement les prouesses
des pilotes de l'aérodrome régional. Dès lors,
i1 n'a plus qu'une idée en tête : voler. Son assiduité
sur les terrains d'aviation est récompensée : il reçoit
le baptême de l'air par le colonel Jean Moreau, pilote de la Grande
Guerre aux trois victoires. C'est la concrétisation de son rêve
et le début d'une brillante carrière.
Le 25 janvier 1930, il s'engage à Oran au titre du 2ème
groupe d'Afrique et commence son apprentissage de mitrailleur sur Breguet
14. En 1934, il passe avec succès le concours d'entrée
à l'école de formation des sous-officiers de carrière
du personnel navigant d'Istres. Il obtient son brevet de pilote militaire
en 1935. Sorti major de sa promotion, il se porte candidat pour l'école
de chasse d'Etampes. Pendant quatre mois (mai-août 1936), il découvre
une gamme complète d'avions. Passant des Nieuport 62 aux Dewoitine
501, s'exerçant au P.S.V. sur Morane 230, il a le sentiment d'apprendre
vraiment son métier. Il totalise une centaine d'heures de vol,
soit plus qu'il n'en a acquises durant ses deux années passées
à Istres.
En août 1936, il est affecté sur la B.A. 204 de Bizerte
et sert sous les ordres du capitaine Murtin.
Sollicité par l'action d'aviation populaire qui s'est installée
à côté de la base, i1 consacre ses après-midi
à former les jeunes pilotes. En une année, le moniteur
Cuffaut décerne plus d'une trentaine de brevets, aidé
en cela par la bienveillance du capitaine Tricot
qui le libère chaque après-midi. C'est ce même
capitaine Tricot qui l'encourage à
se présenter à l'Ecole de l'air.
En septembre 1937, il est admissible et prépare consciencieusement
l'oral quand, sur un ordre du Ministère de l'air, il est désigné
pour convoyer des avions aux républicains espagnols. Il entreprend
deux voyages, rencontre un certain colonel André
Malraux ainsi que le capitaine de l'Armée rouge Zakharov.
Ces missions, si riches en connaissances, ne lui permettent cependant
pas d'être admis à l'Ecole de l'air. Mais, qu'à
cela ne tienne, il repasse avec succès son concours l'année
suivante.
Après un stage fin août 1939 à l'école
de tir de Cazaux, il choisit son affectation dans le Groupe
de Chasse I/3 basé à Dijon, puis le 25 septembre
1939, il est présent au Groupe de Chasse
II/6. Le 22 novembre 1939, le sous-lieutenant Cuffaut remporte
ses premières victoires aériennes. En collaboration
avec le sergent de Brémond d'Ars, il abat deux Me 109. Son
action lui vaut d'être cité à l'ordre de la chasse.
Quelques jours plus tard, un incident aurait pu mettre un terme définitif
à ce palmarès. Le 7 décembre 1939, à 8
000 mètres au-dessus de la région de Nancy, son inhalateur
débranché, il perd connaissance. Son avion amorce un
spectaculaire plongeon de cinq mille mètres. Cette chute terrible
le réveille brutalement et c'est par une manoeuvre désespérée
qu'il parvient à poser son appareil sur le terrain de Toul-Croix-de-Metz.
Transporté à l'hôpital de Nancy, placé
en observation, il est soigné par Madame Lyautey, infirmière
volontaire et épouse du maréchal.
Le 27 mars 1940, à la demande du colonel R. Waddington,
as de 1914-1918 et commandant du centre d'instruction de Chartres,
il prend le commandement de la 3e escadrille. Le 14 juin 1940, sur
ordre du préfet de Chartres qui n'était autre que Jean
Moulin, i1 incendie les dépots d'essence et se replie sur Cazaux
puis Toulouse. Là, c'est l'homme de l'Aéropostale, celui
que Saint-Exupery a peint dans " Vol de Nuit " sous les
traits de Rivière, Didier Daurat, qui lui conseille de se replier
en Afrique du nord, en l'embarquant clandestinement avec ses pilotes
sur un bimoteur Lockheed Electra, dernier avion à décoller
pour l'Afrique du nord. Dans la soirée du 25 juin 1940, il
se pose sous le feu de la D.C.A. à Oran.
Affecté au Groupe de Chasse II/3,
c'est à Alger-Maison-Blanche qu'il prend connaissance des clauses
de l'armistice. Comme son camarade Jacques
André, il participe à la campagne de Syrie et s'en
explique volontiers : "A l'époque, je suivais les instructions
du gouvernement, j'étais là pour exécuter les
ordres et non pas les discuter. Dans ma conscience d'officier, il
n'était pas question pour moi de prendre parti pour les uns
ou pour les autres"(1).
Surtout, il assiste impuissant au mitraillage d'Homs par les Australiens.
Il sort de cette épreuve attristé par la mort de ses
nombreux camarades, dont son fidèle mécanicien, et révolté
contre les auteurs de cet acte. Il avoue d'ailleurs que "si
à l'époque nous étions prêts à passer
à la France Libre, on a stoppé net"(2). Il
termine cette campagne sans jamais avoir vu, ni a fortiori abattu,
d'avions anglais. Son attitude, pour le moins complaisante à
l'égard des gaullistes, lui vaut d'être muté en
décembre 1941 comme chef du centre de haute montagne de Tikjda,
qu'il crée. A peine arrivé, il retrouve ses camarades
Frison-Roche et Fourastié avec lesquels il installe un poste
de radio en contact avec les Anglais de Gibraltar grâce au réseau
du commandant Faye. Dénoncé par un officier, il est
envoyé au Maroc et dirige le centre de haute montagne au Neltuer.
Envoyé à Sidi Ferruch le 7 novembre 1942 dans la nuit
par le colonel Dartois, il dirige la première colonne américaine
sur Alger, et un an plus tard, il part en compagnie d'André,
Sauvage, Feldzer
et Cazeneuve pour Toula où,
reçu par d'anciens camarades d'escadrille comme Amarger,
Albert et Lefevre,
il s'intègre au Normandie.
Il retrouve l'ancien capitaine Zakharov de la guerre d'Espagne devenu
général. En l'espace d'un mois, du 23 septembre au 26
octobre 1944, i1 établit son brillant palmarès qui le
classe avec ses 13 victoires sûres parmi les as français
de la seconde guerre mondiale. Il conserve de son séjour en
Union soviétique un souvenir ému, même si, un
soir, invité à partager le repas d'une charmante compagne,
croyant déguster le célèbre lapin à la
vodka, il apprend que la pénurie aidant, la douce ménagère
avait remplacé le lapin par un beau rat... d'égout!
A la Libération, il entre au cabinet du ministre de l'Armement,
Charles Tillon, teste les matériaux nouveaux et voyage beaucoup
en Afrique mais aussi en Allemagne, en U.R.S.S. et suit un stage à
Cap Canaveral aux Etats-Unis. En avril 1947, il est nommé commandant
du groupe de chasse "Normandie-Niémen"
à Rabat; il y reste jusqu'en septembre 1948, date à
laquelle il obtient sa mutation pour Bamako. Pendant trois ans, il
entreprend la construction de la base, se passionne pour l'archéologie
et découvre par les photographies aériennes Koumbi-Salé,
l'ancienne capitale du Mali. Dans le même temps, il lie connaissance
avee MM. Houphouët-Boigny et Senghor. Appelé par Delfino
au commandement du centre de tir de l'Armée de l'air, il rejoint
Risso à Cazaux en 1951, et se famliarise
avec les avions à réaction. Puis, ce sont les opérations
d'Indochine en 1953, d'Algérie en 1956. Le 16
janvier 1957, i1 est affecté à la zone de défense
de l'Afrique Occidentale Française et Togo. Il y reste deux
années, toujours aussi amoureux de l'Afrique.
Après un passage au Conseil supérieur de l'infrastructure
et de la navigation aérienne, i1 quitte le service actif avec
le grade de général de brigade aérienne le 20 janvier
1962.
Après trente-deux années glorieuses passées
au service de l'Armée de l'air pour la défense de son
pays, le général Cuffaut n'abandonne pas pour autant
l'aviation. Le colonel Bernard Dupérier,
as de la Royal Air Force lui propose la direction de l'Aéro-club
de France qu'i1 préside de 1962 à 1982. Il a su communiquer
aux jeunes sa passion, leur offrant la possibilité, à
leur tour de posséder le ciel. Chef-pilote instructeur de l'aéro-club
des handicapés aux Mureaux depuis 1983, il a formé de
nombreux élèves dont des anciens pilotes et parachutistes
grièvement blessés en service avec l'aide du colonel
Guy Eisenbach, ancien de la Royal Air Force.
Léon Cuffaut totalisait 18.700 heures de vol. Il avait effectué
1010 missions de guerre en 2626 heures de vol de guerre, ce qui est
exceptionnel pour un pilote de chasse français. Il était
membre honoraire des « pilotes du Demi-Siècle »,
de lassociation « Les Vieilles Tiges ».
Le général Léon Cuffaut est décédé
le 18 septembre 2002. Un ultime hommage lui a été rendu
au cours de ses obsèques religieuses qui se sont déroulées
le 24 septembre, en la chapelle de lEcole Militaire, et auxquelles
ont assisté de nombreuses personnalités dont ses compagnons
du « Normandie-Niémen », Roland de La Poype et
Georges Masurel qui prononça un discours de sympathie à
lattention de sa famille. Cest au général
darmée aérienne Jean-Pierre Job, ancien Chef détat-major
de larmée de lAir, quil revenait de prononcer
son éloge funèbre.
Le général Léon Cuffaut a été
inhumé dans lintimité, au cimetière de
Charenton-le-Pont.
(1) Interview du général Léon Cuffaut, S.H.A.A.,
H.O. n° 64.
(2) Ibidem.