Batailles - Guerre de Corée ciel de gloire - histoire des as de l\'aviation de 1914 à nos jours



 


 

 



 

GUERRE de COREE

 

     

 


L'année 1951 avait été marquée par la prédominance des MiG-15 qui, tenus finalement en respect par les F-86, s'étaient révélés des adversaires redoutables pour les appareils américains de type classique. Quand ils ne furent pas purement et simplement retirés de la zone des combats, ces derniers furent engagés dans des sorties sans grands risques.

 

SUPREMATIE des AVIONS à REACTION

 

Dès le début du conflit coréen, les forces :ériennes alliées furent gênées par le manque de terrains dotés de pistes d'envol convenablement pavées et drainées. Les ingénieurs américains eurent cependant tôt fait de résoudre ce problème, l'année 1951 voyant la construction de nombreux aérodromes et l'amélioration de ceux déjà en service.

Au fur et à mesure que de nouvelles bases dignes de ce nom étaient mises en place en Corée du Sud, des unités basées jusque-là au Japon purent être transférées sur le continent. Deux formations de Douglas B-26 Invader, notamment, gagnèrent le sol coréen, le 452nd Group (qui allait devenir un an plus tard le 17th Bomber Group) arrivant sur la base de Pusan en mai 1951, suivi du 3rd Group, stationné à Kunsan, à partir d'août.

Quelques mois après le commencement de la guerre, les B-26 menaient la plupart de leurs missions de nuit surtout contre les convois qui assuraient par la route le ravitaillement des lignes ennemies. Chaque appareil était en général affecté à une zone, les pilotes se guidant sur les phares des camions et intervenant avant que l'ennemi ne s'aperçoive de leur présence et que les batteries antiaériennes n'ouvrent le feu. Les B-26 n'avaient guère été modernisés depuis la Seconde Guerre mondiale, l'efficacité de leurs bombardements étant considérablement limitée par le faible degré de fiabilité de leur système de guidage radioélectrique. Les Américains tentèrent de remédier au manque de souplesse d'emploi des B-26 en fixant sous leurs ailes des projecteurs d'une puissance de 80 millions de bougies destinés à permettre aux pilotes d'illuminer les convois routiers. Cette innovation devait toutefois se révéler coûteuse et peu appréciée de ses utilisateurs, dans la mesure où elle accroissait la vulnérabilité des appareils aux tirs antiaériens de l'ennemi. C'est en opérant avec un appareil doté de tels accessoires que le Captain John Wolmsley du 8th Bomb Squadron (3rd Bomb Group) trouva la mort.

Dans leur version RB-26C, les Invader effectuèrent aussi des sorties de reconnaissance en Corée. Au début de la guerre, le 162nd Tactical Reconnaissance Squadron (Night Photographie) avait été transféré de l'Air Force Base de Langley (en Virginie) à Itazuke, au Japon, avant d'être finalement expédié à Taegu, en Corée. Cette unité devait être dissoute en février 1951, ses équipages et appareils étant alors intégrés au 12th TRS (Night Photographie) du 67th Tactical Reconnaissance Group, lequel opéra à partir de Taegu et Kimpo jusqu'à la fin des hostilités.

 

   

 

A peu près au moment où les premiers Mikoyan-Gourevitch MiG-15 apparaissaient dans le ciel coréen, un wing de Republic F-84 fut dépêché en Extrême-Orient, en même temps qu'une formation de North American F-86. Mieux à même de rivaliser avec le MiG15 que le F-80, le F-84 devait également faire preuve d'une plus grande souplesse d'emploi, comme en témoignent les multiples missions assignées au 27th Fighter Escort Wing. Ce dernier était chargé, entre autres, de « détruire la puissance aérienne ennemie », d'appuyer les forces terrestres des Nations Unies, d'effectuer des sorties offensives et de reconnaissance armée, de pilonner les lignes de ravitaillement communistes et, enfin, d'accomplir des missions spéciales. Plus de la moitié des pilotes du 27th FEW avaient reçu leur baptême du feu pendant la Seconde Guerre mondiale.

Le 27th Wing arriva cependant en Corée en pleine contre-offensive communiste. Au lieu d'être basé à Kimpo, à proximité du front, il fut implanté beaucoup plus au sud, sur l'aérodrome de Taegu, son échelon arrière demeurant à Itazuke, au Japon ; son efficacité s'en trouva donc sensiblement limitée. En dépit de leur dénomination (héritée de l'époque où ils dépendaient du Strategic Air Command), les 522nd, 523rd et 524th Fighter Escort Squadrons du 27th Wing furent chargés d'accomplir des raids contre les lignes de ravitaillement communistes. Le 21 janvier, lors d'une attaque en piqué contre un pont sur le fleuve Cheongcheon, deux sections de F-84E du 522nd Squadron furent assaillies par seize MiG-15. Au cours du combat qui suivit, le Lieutenant Colonel William E. Bertram abattit un appareil ennemi - première victoire d'un pilote de F-84 sur un MiG. Deux jours plus tard, 33 Thunderjet affrontaient 30 MiG au-dessus de Sinuiju, près de la frontière chinoise ; restant à basse altitude, ils purent surclasser les chasseurs ennemis et en descendre deux sans subir aucune perte.

 

   

 

L'avènement du F-84

A la fin du mois de mai 1951, le 27th Wing avait mené pas moins de 12 000 sorties, ce qui représentait en sept mois un total de 25 000 heures de vol. Le General Curtis E. LeMay, commandant en chef du Strategic Air Command, devait cependant obtenir la réintégration de cette unité au sein de son commandement, le 27th Wing étant remplacé à Taegu par le 136th Fighter Bomber Wing, équipé de F-84E et composé des 111th, 154th et 182nd Squadrons des Texas et Arkansas Air National Guards.

Au moment où le 136th Wing parvenait en Corée, d'autres F-84E et F-86G étaient acheminés par voie de mer vers le Japon en vue d'être attribués au 49th Fighter Bomber Wing, qui opérait en Corée avec des Lockheed F-80C depuis le début de la guerre. En août, les 7th et 8th Squadrons du Wing, devenus opérationnels, gagnaient Taegu, suivis, en septembre, par le 9th Squadron. En juillet 1951, une autre formation de F-84, le 116th Fighter Bomber Wing, fut également envoyé en Extrême-Orient. Basé à Misawa et Chitose, au Japon, il comprenait les 158th (ANG de Géorgie), 159th (ANG de Floride) et 196th Squadrons (ANG de Californie). Bien que principalement chargé de la défense aérienne du Japon septentrional, il revint à cette unité d'inaugurer des missions d'un type entièrement nouveau ; ainsi, en décembre 1951, le 116th Wing se vit-il confier la mise en oeuvre du projet High Tide : l'entraînement des pilotes au ravitaillement en vol. Les toutes premières opérations faisant appel à cette technique furent menées par le 158th Squadron, le 28 mai 1952. Ce jour-là, seize F-84G de retour d'un raid contre la ville nord-coréenne de Sariweon rencontrèrent leurs avions ravitailleurs KB-29P au-dessus de Taegu, avant de regagner l'Air Force Base de Johnson, au Japon. Les autres squadrons du wing accomplirent avec succès des missions similaires le 7 juin, le 22 juin et le 4 juillet. Malgré ces résultats prometteurs, le projet High Tide resta sans suite.

Bien que considérés comme les meilleurs chasseurs bombardiers opérant sur le théâtre coréen, les F-84 furent terriblement mis à mal par l'artillerie antiaérienne et la chasse ennemies. Sur 247 Thunderjet engagés en Corée entre 1950 et 1953, 153 furent abattus, dont 122 par les batteries antiaériennes. A leur actif, les F-84 effectuèrent 86 408 sorties, larguèrent près de 56 000 t de bombes et de napalm, et tirèrent 22 000 roquettes.

 

   

 

L'un des plus célèbres incidents de cette guerre, qui se produisit le 16 novembre 1951, eut pour acteurs trois pilotes de F-84 du 154th Squadron du 136th Fighter Bomber Wing : ce jour-là, le Captain John L. Paladino menait, avec deux autres appareils de son unité, un raid contre le réseau ferroviaire nord-coréen ; tandis que le groupe approchait de l'objectif, le Captain Jack Miller vit soudain l'appareil de tête tomber en piqué, comme si Paladino en avait perdu le contrôle ; Miller, plongeant à la suite de son chef, qui finit par se rétablir, remarqua alors que Paladino tentait désespérément de retirer son masque à oxygène, avant de basculer en avant dans son habitacle ; Miller demanda alors à son équipier, le Lieutenant Wood Mc Arthur, de le rejoindre et de placer son aile droite sous l'aile gauche de l'appareil de leur chef, tandis qu'il faisait de même de l'autre côté. Sans vraiment le toucher, les deux pilotes réussirent, en canalisant l'écoulement d'air au-dessus de leurs voilures, à ramener le F-84 en détresse à moins de 4 500 m d'altitude, où Paladino finit par reprendre conscience. L'officier devait peu après regagner sa base sain et sauf.

 

   

 

Opérations nocturnes

Ayant subi au cours de leurs opérations diurnes de 1951 de lourdes pertes face à la chasse et à l'artillerie adverses, les unités de Boeing B-29 de l'USAF devaient recevoir l'ordre d'effectuer de nuit la plupart de leurs sorties au-dessus de la Corée. Cette orientation nouvelle allait mettre à rude épreuve les rares chasseurs de nuit dont disposaient les forces aériennes américaines. Depuis le début du conflit, celles-ci ne pouvaient aligner que les quelques North American F-82 Twin Mustang du 347th Fighter (AR Weather) Group, les 4th, 68th et 339th Fighter (AW) Squadrons. Grâce à leur long rayon d'action, les Twin Mustang accomplissaient la plupart de leurs missions à partir d'Itazuke, au Japon. (Certains d'entre eux furent cependant détachés de temps à autre sur une base sudcoréenne dont le dispositif d'alerte se trouvait ainsi renforcé.) En 1951, le F-82G constituait déjà un appareil dépassé, et malgré quelques succès contre les appareils à hélice nord-coréens, il n'était pas de taille à rivaliser avec les MiG-15.

Afin de remédier à cet état de choses, l'USAF attribua à la Far East Air Force en mars 1951 quinze Lockheed F-94A, bientôt suivis de quelques F-94B. Cette version biplace tout temps du F-80 devait toutefois rendre, au départ, bien peu de services, le système antigivrage dont elle était dotée n'étant pas assez puissant. Ce n'est qu'au mois de décembre de la même année que deux F-94B du 68th Fighter Interceptor Squadron purent être dépêchés sur la base de Suweon.

En mars 1952, le 319th Fighter Interceptor arriva sur le même terrain avec des F-94B, cette fois pleinement opérationnels. Mais, craignant que le nouveau dispositif de tir E1 guidé par radar ne tombe aux mains des communistes, l'US Air Force interdit aux pilotes de F-94B de survoler les territoires tenus par l'ennemi. Toutefois, au vu des pertes croissantes infligées aux formations de B-29 par les MiG-15 (contre lesquels les Grumman F7F-3N Tigercat de l'US Marine Corps se révélaient impuissants), le chef de l'état-major des forces aériennes, le Général Hoyt S. Vanderberg décida, le 3 novembre, de lever les restrictions imposées aux F-94. Le 319th Squadron commença peu après à utiliser ses F-94B dans des patrouilles entre les fleuves Cheongcheon et Yalou, en vue de protéger les B-29 en mission. La première victime d'un F-94 opérant de cette façon fut un Lavotchkine La-9 abattu, le 30 janvier 1953, par le Captain Ben L. Fithian et le Lieutenant Sam R. Lyons.

 

   

 

Pour en revenir au Sabre - dont on attendait qu'il ravît aux MiG-15 la maîtrise de l'air - l'US Air Force se rendit compte, dès l'hiver 1950-1951, que le F-86A était légèrement moins performant que l'avion à réaction ennemi, l'égalité dans les combats aériens n'étant préservée que grâce à l'expérience et au meilleur entraînement des pilotes du 4th Fighter Wing.

C'est en juillet 1951 que les premiers F-86E commencèrent à être livrés à l'USAF. Deux mois plus tard, le 4th Wing recevait à son tour des avions de ce type en remplacement des appareils perdus au combat. 75 autres F-86E-5 et F-86E-10 devaient ensuite être convoyés de Californie en Corée par les USS Cape Esperance et Sitkoh Bay au début du mois de novembre, en vue de relever les vieux F-80C du 51st Fighter Interceptor Wing. L'équilibre avec les forces de l'ennemi était cependant encore loin d'être atteint puisque, en décembre 1951, les services de renseignements de la Far East Air Force estimaient à 500 le nombre des MiG-15 dont disposait la Chine. En outre, il devenait évident que les pilotes communistes, qui bénéficiaient d'une expérience croissante du combat, commençaient à recourir à de meilleures tactiques. L'une d'elles consistait à surprendre par en dessous un pilote de Sabre inattentif et à lui décocher une rafale aussi brève qu'imparable. Il faisait également de moins en moins de doute que des aviateurs soviétiques - ou appartenant à des armées de l'air d'autres pays du bloc socialiste - combattaient au-dessus de la Corée, même si pour des raisons évidentes ils ne s'aventuraient que rarement au-dessus des zones contrôlées par les forces des Nations Unies.

Le 6 novembre 1951, le Colonel Francis S. Gabreski (qui avait abattu trente et un appareils allemands pendant la Seconde Guerre mondiale) prit le commandement du 51st Fighter Wing, composé des 16th et 25th Squadrons et basé à Suweon. Quelques jours plus tard, deux pilotes de Sabre du 336th Squadron, qui avaient repéré douze MiG-15 sur l'aérodrome nord-coréen d'Ouidjou, détruisirent quatre d'entre eux en mitraillant les pistes sans rencontrer la moindre résistance de la part de la chasse ennemie. Le 20 novembre, 31 F-86 du 4th Fighter Wing surprirent une formation d'environ douze Tupolev Tu-2 escortés par des MiG-15 et des La-9. En quelques minutes, les pilotes alliés expédièrent au sol huit Tu-2, trois La-9 et un MiG-15 sans subir aucune perte. L'un d'entre eux, le Major George A. Davis, commandant du 336th Squadron, s'adjugea trois bombardiers et le MiG, ce qui lui valut de devenir le cinquième as de la guerre. Cet officier devait finalement inscrire quatorze victoires à son actif en Corée (en plus des sept qu'il avait remportées pendant la Seconde Guerre mondiale).

 

   

 

La supériorité tactique des forces aériennes des Nations Unies restait ainsi écrasante. A la fin de l'année 1951, le 4th Fighter Wing était crédité de pas moins de 130 victoires sur des MiG, en n'ayant perdu pour sa part que 14 Sabre. En janvier 1952, les deux squadrons du 51st Fighter Wing, ayant achevé leur rééquipement avec des F-86E, entrèrent dans la bataille. Bénéficiant d'une meilleure manoeuvrabilité à haute altitude, les nouveaux Sabre furent, dans les premiers temps, à même d'affronter les MiG sur un pied d'égalité. Mais les pilotes communistes trouvèrent vite la parade en volant encore plus haut, la plupart des combats entre avions à réaction ayant alors lieu à plus de 12 000 m. Plus difficiles à repérer, les MiG étaient en mesure de pénétrer loin au sud avant de fondre sur les chasseurs bombardiers alliés occupés à mitrailler et à pilonner les lignes de ravitaillement communistes. Ils durent payer, il est vrai, ce surcroît de combativité par des pertes plus importantes, 39 d'entre eux étant abattus en mars, et 44 en avril.

Les communistes ne pouvaient se permettre de telles pertes, qui risquaient de les placer en position difficile dans les négociations pour la paix, lesquelles duraient depuis près d'un an. C'est la raison pour laquelle ils durent réviser leurs conceptions. Confrontés à un adversaire qui fuyait désormais le combat, les forces aériennes des Nations Unies effectuèrent un des raids les plus violents de toute la guerre sans rencontrer la moindre résistance de la part de la chasse ennemie. Le 23 juin, 208 avions d'attaque au sol de l'USAF, l'US Navy, l'US Marine Corps, la Royal Australian Air Force et la ROK (l'armée de l'air sud-coréenne), couverts par 108 F-86E des 4th et 51st Fighter Wing, attaquèrent la grande centrale hydroélectrique de Suiho, un objectif pourtant distant de seulement 80 km de la base d'Antung.

Alors que la guerre approchait de son terme, le F-86E - en service dans deux wings - surclassait nettement le MiG-15. D'une grande souplesse d'emploi, cet appareil fut également employé en tant que chasseur bombardier, le 4th Wing lançant, le 13 mai 1952, ses F-86E chargés de bombes de 454 kg contre l'aérodrome de Sinuiju, près de la frontière chinoise. Mais une nouvelle version, encore plus performante, du F-86, le F-86F, devait bientôt faire son apparition sur le théâtre coréen.

 

   

 

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Sources

Texte : Encyclopédie de l'Aviation - Editions Atlas
STARS & BARS - Frank Olynyk - Grub Street Editions
F-51 Mustang units over Korea - Warren Thompson - Osprey frontline colour 1
F-84 Thunderjet Units over Korea - Warren Tompson - Osprey frontline colour 3
Korean War Aces - Robert F Dorr, Jon Lake, Warren Thompson - Osprey aircraft of the Aces 4
F-86 Aces of the 51st Fighter Wing - Warren Thompson - Osprey aircraft of the Aces 70
F-86 Aces of the 4th Fighter Wing - Warren Thompson - Osprey aircraft of the Aces 72
F-80 Thunderjet Units over Korea - Warren Thompson - Osprey frontline colour 5
F-86 Sabres of the 4th Fighter Interceptor Wing - Warren Thompson - Osprey frontline colour 6
B29 Superfortress Units of the Korean War - Robert F Dorr - Osprey Combat Aircraft 42
Korea The Air War 1950 / 1953 - Jack C Nicholls & Warren E Thompson
MIG Alley - Larry Davis - Squadron Signal Publications