Batailles ciel de gloire - histoire des as de l\'aviation de 1914 à nos jours



 


 

 




GUERRE de COREE

 

 

Caractérisée par une sous-estimation constante de l'adversaire et par une stratégie confuse, la guerre de Corée surprit les États-Unis, qui ne s'étaient paspréparés à l'éventualité d'un conflit localisé. Le bloc communiste, pour sa part, avait ignoré l'importance du facteur aérien tout en ne tenant pas assez compte de la détermination avec laquelle les Nations unies allaient résister à l'agression.

 

  

 

L'AGRESSION

 

Divisée arbitrairement en 1945 en deux États séparés par le 38e parallèle, la Corée n'avait cessé d'être le théâtre d'incidents frontaliers depuis 1949, époque à laquelle les troupes d'occupation soviétiques et américaines commencèrent à se retirer. Sous l'influence des États-Unis, les Nations Unies s'étaient alors engagées dans des négociations visant à réunifier ce pays et à mettre à sa tête un gouvernement pro-occidental. L'Union Soviétique, la Chine communiste et certaines formations politiques de la Corée du Nord s'insurgèrent violemment contre une telle solution.

Quand, à l'aube du 25 juin 1950, huit divisions nord-coréennes franchirent le 38e parallèle, les autorités de cet État misaient sur une guerre rapide et ne semblaient guère avoir tenu beaucoup compte de l'importance du facteur aérien dans cette affaire. Ainsi la force aérienne nord-coréenne n'était-elle équipée que de vieux avions soviétiques de la Seconde Guerre mondiale, ses effectifs comportant un régiment de chasse doté de Yakovlev Yak-9 et de Lavotchkine La-11, un régiment de bombardement avec des Iliouchine I1-10 et diverses unités pourvues de Yak-18 et de Polikarpov Po-2.

A cette époque, les États-Unis, qui assumaient d'écrasantes responsabilités au sein du bloc occidental, étaient surtout préoccupés par la nécessité de déployer, face à l'Union Soviétique, des moyens importants de bombardement stratégique. En outre, Washington devait assurer la défense du continent nord-américain et remplir ses obligations vis-à-vis des membres de l'OTAN.

Au début des années cinquante, l'US Air Force se composait de quarante-huit wings, dont vingt de chasse, douze de bombardement moyen, trois de bombardement lourd, six de reconnaissance, six de transport et un autre de bombardement léger. A cet ensemble imposant s'ajoutaient quarante-sept. wings appartenant à l'Air National Guard, l'aviation américaine regroupant 419 North American F-51A, 605 Republic F-84, 817 Lockheed F-80, 205 North American F86A, 1 787 Boeing B-29, 1 054 Douglas B-26, 258 Boeing B-50, 79 Convair B-36, 96 North American B-45, 162 Boeing RB-29, 111 Lockheed RF-80, 46 Douglas RB-26, 28 Boeing RB-50 et 13 North American RB-45.

Quant à la Far East Air Force, en fait un élément de l'US Air Force réparti sur des bases situées au Japon, aux Philippines et à Okinawa, elle comprenait cinq wings de F80C, trois squadrons de F-82G, deux squadrons de B-26, un squadron de RF-80A , un de RF-29 et, enfin, un wing de B-29 à Guam. Au total, cette force aérienne pouvait mettre en aeuvre 365 F-80, 32 F-82, 22 B-29, 26 B-26, 25 RF-80A, 6 RB-29 et 24 WB-29.

L'armée sud-coréenne ayant pratiquement éclaté sous le choc, la capitale de la Corée du Sud se trouva sous la menace directe des troupes du Nord dès le début des hostilités. Ainsi des Yak-9 parvinrent-ils à détruire sur un aérodrome proche de Séoul un Douglas C74 américain. C'est la raison pour laquelle Washington ordonna l'évacuation des citoyens des Etats-Unis résidant dans le pays, évacuation qui se déroula sous la protection des chasseurs de l'US Air Force.

 

    


Le 27 juin, alors que les C-54 venus des bases du Japon assuraient le transfert des civils, cinq Yak-9 apparurent au-dessus de Séoul. Ils furent aussitôt interceptés par cinq F-82 du 68th Squadron qui en descendirent trois, la première victoire revenant au Lieutenant William G. Hudson. Peu après, huit I1-10 furent détectés et pris en chasse par quatre F-80, qui abattirent chacun un appareil adverse. C'était la première fois que des avions américains à réaction livraient ainsi bataille.

 

 

L'impuissance dans laquelle se trouvaient les forces sud-coréennes à défendre leur territoire, jointe à la parfaite intransigeance des Nord-Coréens, poussèrent les États-Unis à intervenir. Cette décision fut rapidement ratifiée par les Nations Unies, qui approuvèrent également la nomination du General Douglas MacArthur à la tête des forces alliées en Corée.

Le 28 juin, Séoul et l'aérodrome de Kimpo tombaient aux mains des troupes Nord-Coréennes, obligeant les forces de la Corée du Sud à se replier jusqu'à Suweon, où MacArthur se présenta le lendemain. Quand il arriva sur place, le commandant en chef eut la désagréable surprise d'apprendre que trois appareils américains avaient été détruits au sol. Mais il eut presque immédiatement la satisfaction d'assister à un combat au cours duquel des North American F-51 Mustang abattirent quatre Yakovlev. Tandis que les Américains prenaient la résolution d'engager à présent en combat aérien leurs F-80, trois des cinq wings de la FEAF étaient rééquipés en F-51 expédiés depuis les États-Unis. En outre, ces appareils furent aussi mis en oeuvre par les squadrons de volontaires Sud-Africains et Australiens engagés aux côtés des forces des Nations Unies, de même que par les unités de l'aviation Sud-Coréenne un peu plus tard.

 

 

Avantage à l'US Air Force

La force aérienne Nord-Coréenne avant subi de lourdes pertes face aux pilotes de L'USAF, ses avions s'aventurèrent à peine dans les airs au cours des cinq mois qui suivirent l'intervention officielle des États-Unis. Cette situation ne manqua pas d'être exploitée par les Américains, qui s'employèrent alors à apporter l'appui de leur aviation aux troupes terrestres. En outre, des B-29 basés en Corée et des B-26 installés au Japon, soutenus de temps à autre par des éléments embarqués de l'US Navy, frappèrent les bases aériennes Nord-Coréennes, détruisant la plus grande partie des appareils adverses. Les rares Yakovlev qui décollèrent pour intercepter les bombardiers alliés furent vite abattus. En fait, ce n'est que le 12 juillet qu'un B-29 fut descendu par les chasseurs ennemis. Au mois d'octobre, cent-dix des cent trente-deux Yak9, La-11 et II-10 nord-coréens engagés dans le conflit avaient été détruits.

Tandis que les B-29 parvenaient à bombarder, sans pratiquement jamais être contrés, des objectifs industriels situés en territoire ennemi, la situation au sol s'était, en dépit des efforts des troupes des Nations Unies, détériorée de manière considérable. Des attaques aériennes furent donc lancées en permanence contre les colonnes adverses, des ponts et des routes furent coupés, les Nord-Coréens subissant des pertes en personnel importantes, tandis que des centaines de véhicules étaient écrasés. Mais l'armée de la Corée du Sud avait été taillée en pièces et les forces terrestres alliées étaient trop faibles pour pouvoir s'opposer avec efficacité à la pression ennemie. Il semblait inévitable qu'en dépit de la suprématie aérienne qu'elles détenaient les Nations Unies seraient tôt ou tard obligées d'évacuer la péninsule coréenne. En septembre 1950, celle-ci était presque tout entière occupée par l'envahisseur, à l'exception d'une petite tête de pont située autour de Pusan.

 

    

 

La contre-offensive

En fait, la situation n'était préservée que par le maintien de la supériorité aérienne des Nations Unies. Pilonnée sans cesse par l'aviation américaine, l'armée Nord-Coréenne connaissait de graves difficultés pour assurer le ravitaillement de ses unités, les renforts étant dans l'obligation de se déplacer de nuit pour rejoindre le front. En outre, comme les chasseurs alliés dominaient le ciel, les avions de reconnaissance de la Corée du Nord se trouvaient dans l'incapacité de rapporter ce qui se passait dans la zone encore tenue par les troupes alliées. Bénéficiant d'une excellente couverture aérienne, ces dernières pouvaient effectuer leur concentration, de jour comme de nuit, sans courir le risque d'être inquiétées.

Le 15 septembre, profitant de la faiblesse des services de renseignements Nord-Coréens, Mac Arthur réussit à débarquer à Inchon, sur la côte occidentale de la péninsule. Les unités rassemblées dans la tête de pont de Pusan lancèrent de leur côté une contre-offensive, décimant les forces qui leur étaient opposées. Réalisée avec une armada de deux cent trente navires, dont les porte-avions rapides USS Philippine Sea, Valley Forge et Boxer, de même que les porte-avions d'escorte USS Bandoeng Strait et Sicily, sans parler du HMS Triumph, l'opération d'Inchon constitua une énorme surprise stratégique. Les éléments mis en oeuvre dans cette action furent appuyés par une nombreuse aviation qui comportait des Vought F4U-4B Corsair, des Douglas AD-4 Skyraider, des Grumman F9F-2 Panther de l'US Navy et de l'US Marine Corps, de même que des Fairey Firefly et des Supermarine Seafire appartenant à la Royal Navy. C'est sous un déluge de roquettes, de bombes et d'obus que les Marines prirent pied à Wolmi Do, s'emparant, en moins de quarante-huit heures, de l'aérodrome de Kimpo. Les Américains furent en mesure d'y faire atterrir des hélicoptères Sikorsky HOS3-1, des appareils d'observation Convair OY-1 et même un squadron de chasseurs de nuit de l'US Marine Corps composé de Grumman F7F-3N Tigercat.

A la fin du mois de septembre 1950, l'armée Nord-Coréenne n'était plus en mesure d'engager, au sud du 38e parallèle, une seule unité organisée. La guerre aurait pu se terminer là, l'initiative revenant alors aux diplomates, si la Chine n'avait pas menacé d'intervenir en vue de soutenir le régime de Pyongyang. Dans le même temps, les informations collectées par les RB-29 montrèrent que les troupes chinoises se rassemblaient au nord du fleuve Yalou, l'activité de l'aviation Nord-Coréenne subissant une notable augmentation pendant la seconde quinzaine d'octobre. C'est aussi à cette époque que MacArthur commença son plaidoyer en faveur de l'occupation totale du territoire de la Corée du Nord, une politique qui allait à l'encontre du but visé par les Nations unies, c'est-à-dire le statu quo de juin 1950.

 

   

 

Le MiG-15 entre en scène

Les événements qui se déroulèrent le 1er octobre mirent fin à tout espoir d'une conclusion rapide des hostilités. Ce jour-là, en effet, les Américains repérèrent, sur une base située près de Sinuiju, au sud du Yalou, une quinzaine de Yak-9. Quand l'USAF intervint, les Nord-Coréens avaient abrité ces appareils sous des hangars qui ne pouvaient être touchés que par un bombardement dont le point de départ se trouvait sur la rive chinoise du fleuve. Respectant la neutralité de la Chine, les avions américains ne tentèrent aucune manoeuvre dans ce sens. Malgré tout, un F-80 fut abattu par l'artillerie antiaérienne chinoise, un B-26 étant pris à partie peu après par des Yakovlev. Plus grave encore était l'information selon laquelle des F-51 Mustang avaient essuyé le feu de dix avions de chasse à réaction qui avaient surgi du côté chinois du Yalou.

De très loin supérieur à tous les appareils des Nations unies engagés jusque-là dans le conflit, le Mikoyan-Gourevitch MiG-15, de fabrication soviétique, venait ainsi de faire son entrée dans la guerre de Corée (il est aujourd'hui certain que deux des appareils qui avaient survolé Kimpo, dès le 14 octobre, étaient également des MiG-15). A la suite d'une proposition américaine ambiguë concernant la nécessité « d'assurer, dans l'ensemble de la Corée, les conditions de la stabilité », les forces alliées s'étaient enfoncées profondément en Corée du Nord, Pyongyang étant tombée entre leurs mains le 19 octobre. Ne rencontrant plus que très peu d'opposition de la part de la force aérienne adverse, les Américains firent venir des États-Unis deux des cinq Groups de B-29 dont ils disposaient. Aussi, quand les MiG-15 chinois firent leur apparition, les Nations Unies mettaient-elles en oeuvre deux wings de F-80, deux de B-26 et trois groups de B-29.

Déjà, les forces alliées avaient été prises à partie par des unités chinoises, une division américaine ayant été même obligée de se replier sur près de 80 km afin de protéger ses voies de communication. L'US Navy et la Royal Navy se dirigèrent alors vers l'embouchure du Yalou avec les porte-avions USS Leyte, Valley Forge, Bandoeng Strait, Sicily, Philippine Sea, le cuirassé USS Missouri et le porte-avions HMS Theseus en vue de joindre leur aviation embarquée aux appareils basés à terre. Les responsables locaux résolurent également de détruire les ponts et les viaducs qui enjambaient le grand fleuve en utilisant des B-29, mais le département d'État, craignant que le territoire chinois ne fût atteint, s'y opposa. MacArthur n'en reçut pas moins l'autorisation d'attaquer les abords de ces ouvrages d'art, du côté Nord-Coréen, les Panther effectuant ainsi 593 raids entre le 9 et le 21 novembre, en compagnie de Skyraider et de Corsair.

 

   


C'est le 8 du même mois, à la suite d'une attaque américaine contre la base de Sinuiju, qu'eut lieu le premier combat entre avions à réaction. Ce jour-là, quatre MiG-15, qui s'étaient aventurés trop loin dans l'espace aérien coréen, furent interceptés par quatre F-80C du 51st Wing qui s'interposèrent entre eux et le Yalou. Comme les pilotes chinois se dispersaient pour fuir chacun de leur côté, le Lieutenant Russel J. Brown, après avoir accompli un court virage, lâcha de courtes rafales qui firent exploser un des MiG. Le lendemain, un avion de l'US Navy remporta une victoire du même type lorsque le Lieutenant Commander W.T. Amen, pilotant un F9F Panther embarqué sur l'USS Philippine Sea, descendit un autre MiG-15 lors d'un raid mené sur les ponts du Yalou. Il n'en reste pas moins qu'au cours de la même journée deux appareils à réaction chinois attaquèrent et endommagèrent gravement un RB-29, qui fut dans l'obligation de faire demi-tour et de se poser en catastrophe, tuant cinq membres de son équipage. Le 10 novembre, une autre Superfortress subit le même sort, trois machines de ce type étant touchées pendant les quatre jours suivants.

A la fin du mois de novembre, environ 250 000 soldats chinois combattaient en Corée autant d'hommes des Nations Unies, dont 127 000 Coréens du Sud. Dans les airs, la force aérienne chinoise alignait près de 650 appareils, installés sur des terrains bien aménagés et disposant d'une infrastructure radar, située à Antoung, sur la rive mandchoue du Yalou. En outre, un accord sino-soviétique allait permettre d'accélérer la modernisation de ces moyens.

Le commandement des Nations unies n'était pas encore en mesure d'évaluer de manière correcte le nombre de MiG-15 dont disposait l'aviation chinoise. Il n'en reste pas moins que, capable d'opérer à partir de terrains qui ne pouvaient être pris à partie par les Alliés, ce chasseur, potentiellement supérieur à tous les avions américains mis en oeuvre en Corée, constituait une lourde menace. En outre, il apparaissait que l'offensive terrestre Nord-Coréenne de l'été précédent n'avait raté ses objectifs que de justesse, alors qu'elle ne bénéficiait pratiquement d'aucun soutien aérien. Avec le concours de la force aérienne chinoise, la situation pouvait évoluer de manière différente. Le haut état-major allié s'attendait à une contre-offensive. Celle-ci vint le 26 novembre.

 

 

 

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Sources

Texte : Encyclopédie de l'Aviation - Editions Atlas
STARS & BARS - Frank Olynyk - Grub Street Editions
F-51 Mustang units over Korea - Warren Thompson - Osprey frontline colour 1
F-84 Thunderjet Units over Korea - Warren Tompson - Osprey frontline colour 3
Korean War Aces - Robert F Dorr, Jon Lake, Warren Thompson - Osprey aircraft of the Aces 4
F-86 Aces of the 51st Fighter Wing - Warren Thompson - Osprey aircraft of the Aces 70
F-86 Aces of the 4th Fighter Wing - Warren Thompson - Osprey aircraft of the Aces 72
F-80 Thunderjet Units over Korea - Warren Thompson - Osprey frontline colour 5
F-86 Sabres of the 4th Fighter Interceptor Wing - Warren Thompson - Osprey frontline colour 6
B29 Superfortress Units of the Korean War - Robert F Dorr - Osprey Combat Aircraft 42
Korea The Air War 1950 / 1953 - Jack C Nicholls & Warren E Thompson
MIG Alley - Larry Davis - Squadron Signal Publications