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BATAILLES
LE BRITZKRIEG - 1939 / 1940
La veillée d'armes
Constituée dans la clandestinité sous la République de Weimar, la Luftwaffe (créée officiellement en 1935) fit preuve d'une redoutable efficacité pendant la guerre d'Espagne, véritable banc d'essai pour les jeunes forces aériennes du lll" Reich au cours des années qui précédèrent le conflit. " Je me suis efforcé. pendant ces dernières années,
de faire de notre Luftwaffe l'armée de l'air la plus importante
et la plus puissante du monde. La création du grand Reich Allemand
fut en grande partie rendue possible par la puissance et la rapidité
de réaction de nos forces aériennes. Inspirée
par la bravoure des aviateurs allemands de la Première Guerre
mondiale, animée par une foi aveugle en notre Führer et
commandant en chef telle est 1'armée de l'air allemande d'aujourd'hui,
prête à exécuter chaque ordre du Fthrer à
la vitesse de l'éclair et avec une puissance dépassant
l'imagination. " Ces mots sont extraits de l'ordre du iour adressé au début
du mois d'aout 1939 aux unités de la Luftwaffe par son commandant
en chef, le Generalfeidmarschall Wilhelm Hermann Goering ; ils faisaient
écho à la confiance totale accordée par le peuple
allemand à la Luftwaffe à la veille de la Seconde Guerre
mondiale. Nonobstant sa faiblesse relative, explicable par le fait
qu'elle avait été mise sur pied et équipée
à une vitesse stupéfiante, en l'espace de cinq ans,
la Luftwaffe était beaucoup plus puissante que les forces aériennes
des pays contre lesquels l'Allemagne pouvait être appelée
un jour à entrer en guerre. Fondée officiellement le 1"' mars 1935, la Luflwaffe
comptait, déjà en août 1939, 3 750 avions de combat,
dont environ 1 100 chasseurs monomoteurs et 1 200 bombardiers bimoteurs
à moven rayon d'action, auxquels s'ajoutaient une réserve
de 400 à 900 appareils, 2 700 avions d'entraînement et
600 avions de transport ; en outre, les centres d'entraînement
de la Luftwaffe formaient plusieurs miiliers de pilotes chaque année.
En 1939, l'industrie aéronautique allemande avait, pour l'essentiel,
achevé de se doter d'un outiliage adapté aux nouvelles
conceptions de moteurs et de cellules d'avions, bien que sa cadence
de production resta modérée. En menant à bien
sa politique de réarmement aérien, l'Allemagne avait
cependant pris une avance notable sur les autres nations européennes. En tant qu'armée indépendante, la Luftwaffe était subordonnée à l'Oberkommando der 'Wehrmacht (haut commandement), et partant à Hitler par l'intermédiaire de l'Oberbefehlshaber der Luftwaffe (commandant en chef de la Luftwaffe). Hermann Goering ; de fait, elle n'avait pas de comptes à rendre à l'armée de terre, contrairement aux forces aériennes de plusieurs autres pays. Mais selon les conceptions stratégiques allemandes qui avaient présidé à sa mise sur pied, la Luftwaffe n'aurait pu agir indépendamment de l'armée de terre ni de la marine et aurait dû constituer pour ces dernières une véritable force d'appui tactique, son rôle, en temps de guerre, consistant à soutenir les offensives des forces terrestres : en 1939 la doctrine d'emploi de l'aviation allemande s'inspirait largement des thèses du Major General J.F.C. Fuller et du Captain B.H. Liddell Hart. Tirant les leçons de la Première Guerre mondiale, ces deux officiers d'état-major anglais avaient préconisé l'adoption d'une nouvelle doctrine stratéeique fondée sur deux notions essentielles : la vitesse et la surprise. La cles de la victoire, selon Fuller et Liddell Hart, était la mobilité des forces terrestres; le temps de la guerre statique, mettant en jeu positions fortifiées, tranchées, mitrailleuses, mines et champs de barbelés, était révolu. Les chars d'assaut, appuyés au sol par l'infanterie motorisée et dans les airs par des forces aériennes tactioues. conféraient à l'armée sa mobilité. Paradoxaiement, ce furent les Allemands qui adoptèrent ces théories stratégiques révolutionnaires avec le plus d'empressement et le plus d'enthousiasme - théories qu'ils traduisirent dans la pratique sous là forme de Blitzkrieg, "guerre éclair".
La guerre d'Espagne et l'Anschluss
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Pologne
Le plan Blanc
Dès le 3 awil 1939, dans une directive secrète nommée Fall Weiss ("plan Blanc"), Hitler avait invité ia Wehrmacht à se tenir prête à envahir la Pologne : " La tâche de la Wehrmacht, soutenait-il, sera d'anéantir les forces armées polonaises. A cette fin, une attaque surprise doit être préparée. Le Führer précisait par ailleurs queles préparatifs devaient être achevés avant la fin du mois d'août, afin que le Fall Weiss puisse être exécuté à tout moment à partir du 1er septembre, date à laquelle l'invasion devait en fin de compte avoir lieu.
Hannes Trautloft et
les hommes du IV./JG 132 peu de temps avant l'invasion de la Pologne
en septembre 1939. En arrière plan, le Bf 109E-1 Nr 4072. La Pologne prise en tenailles à 4 h 45 (heure d'Europe centrale), le 1"" septembre 1939, sans déclaration de guerre préalable, les armées allemandes pénétraient en Pologne; cinquante-cinq divisions, dont plusieurs de réserve, prenaient part à l'opération. Le groupe d'armées Nord (sous le commandement du Generaloberst Fedor von Bock), composé des IIIe et IVe armées, attaquèrent respectivement à partir de la Prusse-Orientale et de la Poméranie les armées polonaises du Pomorze et de Modlin, de part et d'autre de la Vistule ; au même moment, le groupe d'armées Sud du Generaloberst Gerd von Rundstedt, constitué par les VIIIe, Xe et XIVe armées débouchait du Brandebourg, de la Silésie et de la Slovaquie, et attaquait les armées de Lodz, de Cracovie et des Carpathes. Les divisions blindées de la Xe armée, fer de lance du groupe Rundstedt, devaient opérer une percée entre Zawielcie et Wielun en direction de Varsovie, s'assurer des ponts sur la Vistule et, en coordination avec le groupe Bock, réduire les poches de résistance polonaises dans l'ouest du pays. La XIVe armée avait pour mission de couvrir le flanc droit de cette offensive en fournissant un soutien avec ses blindés, pendant que la XVIIIe armée protégerait le flanc gauche entre Poznan et Kutno. Le rôle du groupe d'armées Nord consistait à établir des communications entre la Poméranie et la Prusse-Orientale, et, en attaquant en direction du sud-est, vers Varsovie, à anéantir les forces polonaises résistant sur la Vistule.
PZL P-11c
La tâche de la Luftwaffe dans cette campagne allait être double : elle serait chargée, dans un premier temps, de neutraliser l'armée de l'air polonaise au sol et dans les airs ; puis, une fois cet objectif atteint, il lui incomberait de fournir un appui direct et rapproché à la Wehrmarcht. Quelque 1 580 avions de première ligne seraient engagés dans la campagne : ce nombre relativement restreint s'expliquait par la nécessité de maintenir en Allemagne occidentale une importante réserve stratégique dans l'éventualité d'une intervention de la France et de la Grande-Bretagne à l'ouest. Au nord, la Luftflotte I du General Albert Kesselring, de laquelle dépendaient la 1ere Fliegerdivision, la Lehr-Division et le Luftwaffenkommando Ost-Preussen (placés respectivement sous le commandement du Generalmajor Ulrich Grauert, du Generalmajor Foerster et du Generalleutnant Wilhelm Wimmer), appuierait le groupe d'armées de von Bock. La Luftflotte IV de Lôhr opérerait dans le Sud, à partir de bases en Silésie confiées à la 2e FIiegerdivision du Generalleutnant Bruno Loerzer et au Fliegerführer zur besonderen Verwendung du Generalleutnant Wolfram Freiherr von Richthofen. Pour affronter ces unités d'une redoutable efficacité, l'armée de l'air polonaise disposait de 240 avions de chasse PZL P-7 et P-l1c, répartis dans 15 escadrilles, de 12 unités de reconnaissance et de bombardement équipées de PZL-P37 et d'un nombre équivalent d'unités de coopération terrestre : au total, elle pouvait mettre en ligne environ 150 chasseurs monomoteurs et 210 bombardiers légers. Les pilotes et les équipases polonais bénéficiaient d'une solide formation èt allaient faire preuve d'un grand courage au combat, mais rien ne pouvait compenser l'état de vétusté qui caractérisait l'ensemble des forces aériennes. Le gouvernement polonais, il est vrai, avait décidé de procéder à leur rééquipement en 1941-1942, mais cette initiative venait trop tard. Le 1er septembre 1939 au matin, quelques heures après le déclenchement de l'offensive des armées allemandes appuyées par les Luftflotten I et IV, l'armée de l'air polonaise était déjà clouée au sol ; avec une rapidité et une efficacité sans précédent, la Luftwaffe s'était assurée la maîtrise totale de l'espace aérien. Quarante-huit heures après le commencement du Fall Weiss, l'armée de l'air polonaise cesserait d'exister et la Luftwaffe remportait sa première victoire. |
PZL P-37
L'écrasement de la Pologne
Le Blitzkrieg contre la Pologne fut déclenché le 1er septembre 1939 ; en une poussée irrésistible, les forces terrestres et aériennes allemandes enfoncèrent les lignes polonaises. La Luftwaffe conquit avec une rapidité foudroyante la maîtrise de l'air et put ainsi fournir un appui tactique massif à l'armée de terre. C'était l'origine de la légende du Stuka. La Luftwaffe entra en action le 1er septembre 939 à 4 h 26. lorsoue la section de trois bombardiers en piqué Junkers Ju 87B-1 du 3./StG1, commandée par l'Oberleutnant Bruno Dilley, prit l'air pour attaquer le pont de Dirschau, point stratégique du "corridor polonais". Le 3. Staffel faisait partie d'un des neuf Gruppen de bombardieis en piqué engagés dans la campagne; à la date du 1er septembre, trois cent trente-six Ju 87 (dont 288 opérationnels) étaient répartis entre le I./StG 1, le IV.(Stuka)/LG 1, les II. et III./StG 2 et le 4.(Stuka)/Trâgergruppe 186 de la Luftflotte 1 du General Kesselring, le III./StG 151, provenant de la Luftflotte III, et le I./StG 76, les I. et II./StG 77 et le I./StG 2 (opérant dans le Sud) de la Luftflotte lV. Les Stukagruppen allaient prendre pour cibles les aérodromes, les ponts, les gares de triage et les concentrations de troupes ennemies. C'est en Pologne que les Stuka devaient acquérir leur terrifiante réputation. Freins de piqué sortis, ils plongeaient sur leur obiectif d'une altitude supérieure à 3 600 m sous un angle d'au moins 65°: la précision des attaques en piqué était stupéfiante : un pilote moyennement doué était capable de larguer sans grandes difficultés une bombe SC-250 (250 kg) et quatre bombes SC-50 (50 kg) dans un rayon de 55 m. Les assauts des bombardiers en piqué allemands avaient pour effet de démoraliser les soldats ennemis à un degré sans précédent. Les forces aériennes polonaises n'opposèrent qu'une faible résistance aux Stukagruppen, et seuls trente et un Ju 87 furent perdus au cours de la campagne.
Une unité spéciale, le II.(Schlacht)/LG 2, équipée de biplans Henschel Hs I23A-1 et rattâchée à la Luftflotte IV, joua un rôle important dans les attaques au sol; au début de la campagne, trente-sept Hs 123 opérant à partir d'Alt-Rosenberg mitraillèrent les concentrations de troupes polonaises. La mobilité de cette unité est confirmée par le nombre important d'aérodromes sur lesquels elle fut successivement basée pendant le Blitzkrieg : d'abord Alt-Rosenberg, puis Witkowice, ensuite Wolborz et, enfin, quatre autres terrains, dont Piastow et Zalesie-Uleniec. Les équipes au sol, les pièces de rechange, le carburant et les munitions étaient transportés sur chaque nouvel aérodrome par des Ju 52/3m en fonction de la progression des forces d'invasion. A l'instar des Stukagruppen et du II.(Schlacht)/LG 2, les unités de bombardiers moyens de la Luftwaffe furent dirigées contre des objectifs aussi bien tactiques que stratégiques. Neuf Kampfgruppen équipés de Dornier Do l7 (pour la plupart des-Do l7Z-1 et Z-2, ainsi qu'un petit nombre de Do 17M-1) étaient renforcés par quinze Gruppen de Heinkel He 111.
Le bombardement de Varsovie
Les Bf 110 entrent en action
En plus de leur fonction d'escorte des bombardiers, les Geschwader
de chasse étaient chargés d'écraser toute velléité
de résistance de la part de l'armée de l'air polonaise
pendant les deux premiers jours de l'offensive. Le Messerschmitt Bf
110C-1 "Zerstorer" devait faire preuve d'une redoutable
efficacité dans le ciel polonais. Ce chasseur bimoteur de grandes
dimensions était doté de moteurs Daimler-Benz DB 601-A
développant chacun 1 050 ch au niveau de la mer et bénéficiant
d'une possibilité de surpuissance de 1 200 ch à 3600m
d'altitude. Le Bf 110 était muni de deux canons de 20 mm Rheinmetall MG
FF et de quatre mitrailleuses MG 17 de 7,92 mm pourvues d'un collimateur
Zeiss Revi C.72/C. Un réservoir de carburant interne lui conférait
un rayon d'action utile de 910 km en régime économique
à 6 700 m d'altitude. Plate-forme de tir remarquablement stable,
il bénéficiait d'une bonne accélération
en piqué et d'une imposante vitesse ascensionnelle, et était
très maniable ; mais sa charge alaire était élevée
(156,6 kg/m2), et lorsqu'il dut affronter les chasseuri polonais PZL
P.1I, moins rapides mais plus maniables, son manque de manoeuvrabilité
constitua un grave désavantage. Les unités équipées
de Bf 110C-1 pendant la campagne de Pologne étaient le I./ZG
1 et le I.(Zerstorer)/LG
1 de la Luftflotte 1, et le I./ZG
76 de la Luftflotte 2 (2. Fliegerdivision). Le premier jour, le
I.(Z)/LG 1
accompagna les He 111 et les Do 17 dans leur raid sur Varsovie, tandis
que le I./ZG
76 escortait le KG 4 attaquant Cracovie.
Des Bf 110 escortèrent égalèment les bombardiers
chargés de pilonner Poznan, Gniezno, Lvov et d'autres villes.
Les premiers combats avec des chasseurs de l'armée de l'air
polonaise eurent lieu dans l'après-midi du 1er septembre, quand
les formations de chasse polonaises basées à Zieionka
et Poniatow tentèrent d'intercepter les He 111 du KG
27, protégés par les Bf 110 du I.(Z)/LG
1 : les pilotes des Zerstörer commirent l'erreur initiale
d'essayer d'affronter les P.11 en combat tournoyant, mais ils redressèrent
ensuite la situation en les attaquant en piqué. Cinq chasseurs
polonais furent abattus, tandis que le Gruppe ne subissait aucune
perte. Le lendemain dans l'après-midi, au-dessus de Lodz, les
1. et
2./ZG 76
perdaient deux Bf 110 en contrepartie de trois victoires sur des PZL.
Le 3 septembre, au cours d'une seconde bataille aériènne
au-dessus de Varsovie, le I.(Z)./LG
I descendit à nouveau cinq chasseurs polonais en ne perdant
pour sa part qu'un appareil. Dans les jours qui suivirent, la chasse
polonaise déserta progressivement le ciel, et les Zerstörergruppen
et Jagdgruppen cessèrent bientôt de remplir des fonctions
de patrouille de combat et d'escorte pour effectuer des missions de
mitraillage au sol. Au cours des cinq semaines que dura la campagne,
les Zerstörergruppen furent crédités de soixante-huit
victoires sur des avions polonais, leurs pertes entre le 1er et le
28 septembre ne s'élevant qu'à douze appareils. Si les unités de Bf 110 rendirent de grands services pendant la campagne de Pologne, les Gruppen équipés de chasseurs Messerschmitt Bf 109 ne jouèrent en comparaison qu'un rôle secondaire ; pendant la courte période au cours de laquelle l'armée de l'air polonaise tenta de s'opposer à la Luftwaffe, les combats se déroulèrent à plusieurs centaines de kilomètres derrière les lignes, et partant hors de la portée des Bf 109. En raison de la nécessité de maintenir une réserve stratégique en Allemagne, seuls le I.(Jagd)/LG 2 et le JGr.101 de la 1. Flieeerdivision. le I./JG 1 et le I./JG 21, relevant du Luftwaffenkommando Ost-Preussen, de même que le JGr.102, sous la responsabilité du Fliegerfùhrer zbV, avaient été engagés dans la campagne. Pendant les deux premières semaines de combats, les I./JG 1 et I./JG 21 furent rappelés en Allemagne. De nombreuses unités étaient encore équipées de Bf 109D-1 ; ces derniers, propulsés par un moteur Junkers Jumo 210D de 680 ch, étaient nettement inférieurs aux plus récents appareils alliés. Cependant, une nouvelle version, améliorée, le Bf 109E-1 (doté d'un moteur Daimler-Benz DB 601A), était progressivement introduite, et, de cette façon, le potentiel de la chasse allemande ne fut pas entarné, Les Jagdgruppen s'aguerrirent en Pologne, notamment en opérant à partir de champs et de chemins de terre transformés par les équipes au sol en aérodromes de fortune. Entre le 1er et le 28 septembre, soixante-sept Bf 109 furent abattus par les batteries antiaériennes de l'armée de l'air polonaise.
Varsovie encerclée
Pour les Allemands, le succès était total, et la rapidité avec laquelle la victoire avait été remportée avait dépassé leurs plus folles espérances. La Luftwaffe, en utilisant avec efficacité les bombardiers en piqué Ju 87 et en apportant la preuve des possibilités - à tous égards prometteuses - du chasseur Messerschmitt Bf 110, avait donné entière satisfaction. "Dans une plus large mesure que nos deux autres armées, devait écrire le Generaloberst Albert Kesselring, la Luftwaffe, par sa mobilité dans l'espace, a accompli des tâches encore inconcevables lors des guerres précédentes... La campagne de Pologne fut la pierre de touche des potentialités de la Luftwafïe et constitua un champ d'expériences particulièrement riche d'enseignements. Au cours de cette campagne, la Luftwaffe apprit beaucoup [...] et se prépara pour de nouveaux combats, plus opiniâtres et plus décisifs." |
Norvège, Danemark
l'Allemagne frappe au nord
Pays neutres et faiblement armés, la Norvège et le Danemark, dont la situation géographique était d'une importance stratégique primordiale pour l'Allemagne et les Alliés, furent précipités malgré eux dans la Seconde Guerre mondiale. Deux facteurs conduisirent les Allemands à étendre
la guerre à la Scandinavie et à entreprendre un second
Blitzkrieg aérien (sur une moins grande échelle, il
est vrai, qu'en Pologne) au printemps 1940. Le premier était
l'importance que revêtait la situation géographique de
la Norvège aux yeux des stratèges de la marine allemande
(Kriegsmarine) ; le second, d'une aussi grande portée, résidait
dans la nécessité de préserver l'approvisionnement
en minerai de fer suédois. Pendant la Première Guerre
mondiale, l'Allemagne avart été impuissante face au
blocus maritime anglais : la Royal Navy n'avait guère eu de
peine à interdire aux grands bâtiments de guerre de la
marine impériale allemande l'accès de la mer du Nord
et de la mer de Norvège. Le franchissement du pas de Calais
était dangereux pour les Allemands et en s'aventurant dans
l'Atlantique Nord, la Kriegsmarine s'exposait à une rinoste
des navires britanniques basés dans les ports du Firth of Forth
où à Scapa Flow. Seuls les sous-marins étaient
assurés de jouir d'une relative immunité. Dès
1929, le viceamiral Wegener, dans son étude intitulée
Die See-Strategie des Welthrieges (" La Stratégie maritime
dans la guerre mondiale avait soutenu que l'Allemagne aurait pu rompre
le blocus maritime anglais si elle avait disposé des ports
en eaux profondes et des mouillages émaillant le littoral rocheux
de la Norvège, long de 1 930 km. A la veille de la Seconde Guerre mondiale, l'Allemagne importait de Suède dix millions de tonnes de minerai de fer par an; sur cette quantité, un million de tonnes provenaient du centre du pays et le reste de Gällivare, dans le Grand Nord. De Gällivare, le minerai était acheminé par chemin de fer vers le port suédois de Luleä, sur la Baltique, et vers Narvik, sur la côte nord-ouest de la Norvège, port libre de glaces pendant les douze mois de l'année. Bien que conscient de la nécessité, pour la Kriegsmarine,
de posséder des bases en Norvège, Raeder considérait
somme toute que la neutralité norvégienne était
beaucoup plus avantageuse pour l'Allemagne. Mais en Grande-Bretagne,
Winston Churchill, alors premier lord de la Mer, préconisait
une action préventive de la Royal Navy sur le théâtre
norvégien; cette action devait, selon lui, avoir pour but de
barrer la route aux convois de navires transportant le minerai de
fer et de miner les fjords devant Narvik. Ses sugsestions furent écartées
par le War Cabinet, mais des renseignements concernant les desseins
britanniques parvinrent cependant aux Allemands par l'intermédiaire
de l'Abwehr (les services d'espionnage de l'armée) de l'amiral
Wilhelm Canaris et, par voie de conséquence, à Hitler.
La situation devait se compliquer peu après avec l'invasion
de la Finlande par les armées soviétiques ; cette attaque,
pensa Raeder, pouvait constituer un prétexte pour une éventuelle
intervention anglo-française en Norvège et en Suède,
et, par la même, une menace pour l'approvisionnement de l'Allemagne
en minerai de fer. L'attention des Allemands se concentra désormais
sur la Norvège, comme semble l'indiquer la rencontre entre
Hitler et le Major Vidkun Quisling, ancien ministre de la Défense
norvégien, qui se faisait fort d'instaurer un régime
national-socialiste à Oslo, à condition que Berlin lui
apportât son appui. Que Hitler lui ait fait confiance ou non
importe peu, toujours est-il que le 14 décembre 1939, le Fûhrer
ordonnait à l'OKW d'étudier la possibilité d'une
invasion de la Norvège.
L'incident de l' Altmark
Deux mois plus tard eut lieu l'incident qui devait mettre le feu
aux poudres. En effet, le 16 février 1940, l'Altmark, navire
ravitailleur de la marine allemande transportant des prisonniers de
guerre anglais et naviguant dans les eaux territoriales norvégiennes,
était pris d'assaut par les marins du Cossack, vaisseau de
la Royal Navy, après avoir trouvé refuge dans le Jösenfjord.
La légalité de l'affaire pouvait être diversement
interprétée mais pour Hitler, il s'agissait d'un acte
de piraterie délibéré, perpétré
par les Britanniques avec la connivence d'Oslo, Il n'y avait désormais
plus lieu d'hésiter et, le 19 février, le Führer
ordonnait d'accélérer la mise en oeuvre du plan Weserübung.
Deux jours plus tard, le General Nikolaus von Falkenhorst et son état-major
étaient chargés de l'exécution de l'opération.
Le sort du Danemark, pays neutre, fut du même coup scellé
par la nécessité, pour les unités de la Luftwaffe
qui devaient participer à la campagne, d'opérer à
partir des aérodromes d'Aalborg, au nord du Jutland.
L'opération
Weserübung
Conformément aux directives du Weserüibung Nord, plan d'occupation de la Norvège, la Wehrmacht devait s'emparer de la capitale, Oslo, et des villes côtières et bases de Kristiansand, Bergen, Trondheim et Narvik par une série de coups de main. Le gros des forces allemandes devait ensuite pousser vers le nord, à partir d'Oslo, et établir des communications terrestres et aériennes avec Narvik, dans l'extrême nord du pays, et d'autres têtes de pont. Au total, six divisions étaient engagées dans l'opération ; trois d'entre elles devaient fournir les dix mille soldats nécessaires pour les coups de main préliminaires. Le débarouement de troupes en différents points dè la côte devait coincider avec le parachutage et l'aérotransport d'hommes de la 7. Fliegerdivision sur les aérodromes vitaux de Stavanger-Sola et d'Oslo-Fôrnebu. Pratiquement tous les princinaux bâtiments de la Kriegsmarine étaient engagés dans la campagne, et des groupes de bataille furent constitués pour l'attaque de chaque objectif. L'investissement de Narvik incombait au Gruppe 1, constitué par les croiseurs de bataille Scharnhorst et Gneisenau et dix destroyers; ces navires assureraient le transport d'un régiment de la 3" division de montagne, unité d'élite commandée par le Generalleutnant Eduard Dietl. Trondheim était l'objectif du croiseur louird Admiral Hipper et de quatre destroyers, formant ensemble le Gruppe 2 ; les croiseurs légers Koln et Konigsberg du Gruppe 3 devaient assaillir Bergen ; le Gruppe 4, composé du croiseur léger Karlsruhe et de plusieurs vedettes rapides. s'emparerait quant à lui de Kristiansand, tândis que le Gruppe 5, formé par le cuirassé de poche Ltitzow, le croiseur lourd Blùcher et le croiseur léger Emden, devait remonter le fjord d'Oslo. Selon le plan Weserübung Sud, deux divisions d'infanterie et une brigade indépendante étaient chargées d'occuper le Danemark dans le même temps. Le 2 avril, Hitler adressait à la Wehrmacht l'ordre d'exécution du Weserùbung et fixait la date de l'opération combinée au 9 avril 1940 à l'aube.
Gloster Gladiator Mk
ll équipé d'un atterrisseur à skis. basé
à Oslo-Fôrnebu en avril 1940.
Les opérations aériennes étaient placées sous la responsabilité du Generalleutnant Hans Geisler, chef du X. Fliegerkorps, constitué, pendant les premiers mois de l'année 1940,à partir d'une unité spécialisée dans les attaques antinavires, la 10. Fliegerdivision. Il était vraisemblable que la plus grande menace qui pèserait sur le déroulement de l'opération tout entière ne viendrait pas des forces armées norvégiennes mais de la Royal Navy. C'est pour cette raison que le fer de lance du X. Fliegerkorps allait être composé de bombardiers antinavires, les missions d'appui tactique devant revêtir pendant Ia campagne de Norvège un aspect secondaire. Le rôle de la Luftwaffe en Scandinavie n'allait en effet présenter qu'une faible ressemblance avec celui qu'elle venait de jouer sur le théâtre d'opérations polonais.
Les forces en présence
Geisler disposait de cinq cents avions de transport Junkers Ju 52/3m et d'autant d'appareils de combat. L'instrument privilégié de la puissance aérienne allemande dans le ciel norvéeien n'était ni le Stuka ni le Zerstôrer, mais le bombardier moyen à long rayon d'action. Près de deux cent quatrevinst-dix Ju 88A-1 et Heinkel He 111H-1 (provenant des KG 4, 26, 30 et 100) furent chargés d'effectuer des missions de pénétration dans le sud du pays - ainsi que contre les objectifs plus éloignés de Trondheim et de Narvik - et d'attaquer la British Home Fleet en mer du Nord. Une petite formation de quarante bombardiers en piqué Ju 87R-1 fut fournie par le I./StG 1 ; cette variante du Ju 87 bénéficiait d'un rayon d'action accru grâce à ses deux réservoirs largables NKF de 500 litres chacun. Les unités de chasse rassemblaient trente monomoteurs Messerschmitt Bf 109E-1 du II./JG 77 et soixante-dix Bf 110C-1 Zerstörer fournis par le I./ZG I et le I./ZG 76. La reconnaissance aérienne était vitale : soixante-dix appareils furent fournis par les Aufklärungsgruppen 22,120 et 121 à cet effet ; les forces de reconnaissance côtière étaient composées de trente hvdravions Heinkel He 115A-1 du I./KiiFlGr 506, qu'assistait le l./KüFlGr 106. Pour la plus importante opération d'aérotransport mise sur pied jusqu'à ce jour, environ cinq cents Ju 52/3m furent puisés dans les KGrzb V 101, 102, 103, 104, 105, 106, 107 (formés de quatre Gruppen chacun) et les trois Gruppen du KGzb V 108. Dix jours après le déclenchement des opérations, toutes les unités de ttansport, à l'exception du KGrzb V 107 et du KGzb V 108, reçurent l'ordre de rentrer d'urgence en Allemagne pour participer à l'offensive, imminente, contre la Belgique, les Pays-Bas, le Luxembourg et la France. Cette armada aérienne n'avait rien à redouter de la part des neuf Gloster Gladiator Mk II (installés à Oslo-Fôrnebu), des neuf bombardiers légers Caproni Ca.310 (basés à Sola) et des divers appareils de reconnaissance (répartis sur les aérodromes de Trondheim-Vaernes et de Narvik-Elvenes) des forces aériennes norvégiennes.
A l'aube du 8 avril 1940, les navires de guerre allemands, chargés de troupes et de matériel, se mettaient en route. L'invasion allait prendre totalement de court aussi bien les Britanniques que les Norvégiens, bien que Londres ait été averti à plusieurs reprises par ses services diplomatiques et ses services de renseignement. Peu après le lever du jour, six Blenheim du Squadron 110 de la RAF patrouillant au-dessus de l'île d'Helgoland par une visibilité qui, en raison du mauvais temps, était inférieure à 500 m, ne signalèrent aucun mouvement ennemi. Plus au nord. à 14 heures, un Short Sunderland du Squadron 204 aperçut un croiseur de bataille, deux navires de la classe Leipzig et deux destroyers au large de Trondheim, et transmit l'information à l'Amirauté britannique. A 15 heures une force similaire était repérée près de l'île d'Anholt, dans le Cattégat, puis, à 18 h 15, c'était le tour d'un navire de la classe Blücher accompagné de deux autres croiseurs, au nord-est de la pointe Skagen. Tandis que des unités de la Royal Navy se dirigeaient vers le nouveau théâtre d'opérations, des He 111 du KG 26, opêrant à partir de Lübeck, patrouillaient au-dessus de la mer du Nord ; des messages transmis par des Ju 88 du KG 30 étaient bientôt captés par l'Y Service (les services de contrôle radio britanniques) dans le secteur de la Frise. A 20 heures, la base de Scapa Flow était attaquée par trois Ju 88 et, à 23 h 30, sept vaisseaux de guerre allemands étaient aperçus au large de lapointe méridionale de la Norvège. Des unités de la Kriegsmarine étaient à l'évidence en mouvement, mais dans la mesure où Londres ne disposait pas encore d'une preuve formelle de l'invasion, les convois devant transporter les soldats britanniques vers la Scandinavie restèrent dans les ports.
La chute de la Norvège
En dépit de tous ses efforts, la Royal Navy ne parvint pas à intercepter les formations de la Kriegsmarine en route vers la Norvège ; le 9 avril 1940, aux premières heures de la journée, les différents groupes de navires de guerre allernands approchaient ou se tenaient déjà au large des objectifs qui leur avaient été assignés. A Narvik, les bateaux de défênse côtière norvégien furent envovés par le fond après un bref engagement et la ville tomba aux mains de la 3e division de montage de Dietl, en fin d'apès-midi : les débarquements avaient également lieu à Trondheim, Bergen, Egersund, Arendal, Kristiansand et Oslo. Pau après 5 heures, des troupes allemandes franchissaient la frontière danoise à Aabenraa et prenaient pied dans plusieurs ils, dont l'ile de Fionie ; quatre-vingt dix minutes plus tard, sous la protection des Bf 110 du I./ZG 1, des Ju 52 larguaient des parachutistes sur les aérodromes d'Aalborg. Vingt minutes après le parachutage, les unités d'infanterie chargées d'investir les terrains commençaient à être déposées par un pont aérien de Ju 52. L'ensemble du Jutland et la capitale, Cophenague, étaient aux mains des allemands dès la fin de la première journée d'opérations. Pendant ce temps-là, en Norvège, les débarquements
dans les ports avaient été suivis, à 8 h 30,
par des mitraillages contre les aérodromes de Sola et Oslo-Förnebu
- attaques effectuées par le I./ZG
76 ; le IIL/KG 26 fut bien intercepté
par des Gladiator norvégiens, mais ceux-ci furent tous abattus
au-dessus du fjord d'Oslo par les Bf 110 : les derniers Gladiator
des forces aériennes norvégiennes devaient ensuite êtredétruits
au sol. Des formations appartenant aux KG 4
et 26 et au KGr
100 bombardèrent l'aérodrome d'Oslo-Kjeller,
les sites d'artillerie antiaérienne d'Holmenskollen et les
batteries côtières installées sur des îlots
dans le fiord d'Oslo. Des troupes aéroportées furent
parachutées sur les aérodromes de Stavanger-Sola, Förnebu
et Kjeller. Ce dernier fut investi à midi, les Allemands s'emparant
du même coup de 60 000 litres d'essence avion ; Förnebu
et Kjeller allaient constituer des bases avancées pour plusieurs
Staffeln du I./ZG
76 et du I./StG
1.
Les forces aéroportées en action
L'aérodrome de Stavanger-Sola fut pris à son tour par
des forces aéroportées, et environ cent quatre-vingts
appareils y affluèrent pendant le reste de la journée
; Förnebu fut occupé le lendemain à la tombée
de la nuit par le 7./KG 26 et le Zerstörerstaffel
KG 30 (Ju 88), tandis que le 1./KG 26
(He 111), le 2./StG 1 (Ju 87), le I./ZG
76 (Bf 110) et les unités de reconnaissance 1.(F)/120
et l./KüFlGr 106 s'installèrent
à Sola. Plus au nord, le terrain de Trondheim-Vaernes, bien
défendu, ne tomba que le deuxième jour : dans l'intervalle,
une piste d'atterrissage de fortune, balisée dans la neige,
fut utilisée par un pont aérien de Ju 52 apportant du
matériel. Avec la prise de Kristiansand, dans le sud du pays,
le 11 avril, les Bf 109E-1 du II/JG
77 purent entrer en action : quelques jours plus tard, ce Gruppe
dépêchait des patrouilles à Sola, Bergen-Herdla
et Vaernes. Gêné par le mauvais temps et disposant d'un
rayon d'action limité, l'Emil joua un rôle mineur et
essentiellement défensif dans la campagne de Norvège.
C'est avant tout aux bombardiers que revint la mission d'appuyer la
progression des colonnes allemandes au nord d'Oslo et d'affronter
la Royal Navy. Tout au long de la première semaine de la campagne,
un pont aérien de plus de 250 Junkers Ju 52 assyra le renforcement
et le ravitaillement des têtes de pont ; 3 018 sorties furent
effectuées pour acheminer 29 280 soldats, 2 415 t de matériel
et 1 178 775 L de carburant à Sola, Fôrnebu, Kjeller
et Aalborg. Pendant que l'aviation allemande constituait son dispositif, la résistance norvégienne, galvanisée par la nomination du général Otto Ruge au poste de commandant en chef des forces armées, le 11 avril, se trouva renforcée par l'arrivée de soldats britanniques. Mais ce fut la Royal Navy qui intervint lâ première quand, le 10 avril, huit Blackburn Skua du Squadron 803, appartenant à la Fleet Air Arm et commandé par le Lieutenant Commander W.P. Lucy, coulèrent le Königsberg à Bergen (la veille, le Karlsruhe avait été envoyé par le fond par le HMS Truant). Le Lützow fut gravement endommagé par une torpille du HMS Spearfish le 11. tandis que les défenses norvégiennes détruisaient le Blücher dans le fjord d'Oslo. A Narvik, les troupes de Dietl furent prises au piège après l'anéantissement du groupe de destroyers allemands dans l'Ofotsfjord et le Rombaksfjord ; la flottille du Captain Warburton-Lee s'en adjugea deux le 10, et la formation de l'amiral Forbes anéantit le reste au cours de la seconde bataille de Narvik, le 13 avril 1940. La Luftwaffe ne put intervenir en raison du mauvais temps et de l'insuffisance des transmissions, son incapacité apparente à repousser la Royal Navy étant à l'origine de la détérioration de ses relations avec la Kriegsmarine. Des forces britanniques débarquèrent ensuite à Harstad, dans les îles Vesterälen, au nord-ouest de Narvik, le 15 avril, à Namsos dans la nuit du 16 au 17 et à Andalsnes le 18 awil 1940. L'objectif des Britanniques était de reprendre Narvik, puis Trondheim, et d'opérer leur jonction avec les forces de Ruge au nord d'Oslo.
Le repli britannique
La Luftwaffe allait désormais s'employer à réduire
les poches de résistance anglo-norvégiennes de Lillehammer
et de Steinkjer et, simultanément, à interdire les petits
ports de Namsos et d'Andalsnes aux navires de ravitaillement britanniques.
Les attaques se déroulèrent toujours selon le même
schéma : à Steinkjer, pai exemple, les Stuka du I./StG
1 fournirent un appui aérien aux forces terrestres. tandis
que des He 111 et des Ju 88, opérant de manière individuelle
ou en formation, exécutèrent des bombardements à
moyenne et basse altitude de l'aube à la tombée de la
nuit. D'une extrême violence, les assauts de la Luftwaffe firent
une profonde impression sur le commandant des forces britanniques
en Norvège, le Major General Carton de Wiart. L'arrivée
en renfort d'un squadron de chasseurs de la RAF fut sans effet : le
23 avril. à 18 heures, dix-huit Gloster Gladiator Mk II du
Squadron
263 (qui s'étaient envolés du HMS Glorious) atterrissaient
sur la surface gelée du lac Lesjaskog, à 50 km au sud-est
d'Andalsnes, dans le but de fournir une protection aérienne
aux troupes britanniques. Le lendemain, les chasseurs britanniques
étaient repérés par des avions de reconnaissance
allemands, et le 25 avril, le lac était bombardé. En
raison du froid, il fallut une heure et demie pour rééquiper
chaque Gladiator, tant et si bien qu'à midi dix d'entre eux
étaient déjà hors de combat ; un onzième
devait subir de graves dommages en s'écrasant sur la glace,
mais deux formations, ayant réussi à prendre l'air,
affrontèrent des Staffeln des KG 26
et 30. Pendant le reste de la journée,
les pilotes du Squadron
263 effectuèrent quarante sorties et prirent part à
trente-sept engagements. Les chasseurs anglais cessèrent d'opérer
le lendemain, lorsque la Luftwaffe appuya massivement les troupes
allemandes à Kvam et anéantit le port et la ville d'Andalsnes
: le port fut évacué dans la nuit du 30 avril au 1er
mai, tandis qu'ordre était donné de quitter Namsos,
où le corps expéditionnaire rembarqua dans la nuit du
2 au 3 mai 1940. Une autre bataille, capitale celle-là, allait se livrer autour de la ville de Narvik.
Objectif Narvik
Dans la seconde moitié du mois d'avril, des unités
supplémentaires de la Luftwaffe arrivèrent en renfort
en Norvège. Le 24 avrll 1940, le X. Fliegerkorps de Geisler
était intégré dans la Luftflotte V, commandée
par le Generaloberst Erhard Milch, auquel succéda, le 10 mai,
le General Hans-Jùrgen Stumpff. A cette date, les forces dont
disposait cette flotte aérienne s'élevaient à
710 avions ; le nombre des bombardiers avait été porté
à 360, et les unités de bombardiers en piqué
et de chasse avaient respectivement reçu l'appoint du II./StG
1 et du I./JG 77. Les Allemands contrôlant
maintenant la plus grande partie du territoire norvégien, la
Luftflotte V s'attela à quatre tâches principales : assurer
le transport de matériel et de renforts, patrouiller en mer
du Nord et attaquer les formations de la Royal Navy, fournir un appui
tactique aux forces terrestres progressant dans les vallées
norvégiennes et, enfin, défendre les régions
déjà conquises en y installant des batteries de Flak
et en y basant des unités de chasse. Le 5 mai 1940, Hitler
ordonnait à la Luftflotte V d'intensifier ses missions de ravitaillement
et ses attaques dans le secteur de Narvik, ville dont la possession
était essentielle pour les Allemands. Les forces britanniques,
norvégiennes, françaises et polonaises cernant la ville
bénéficièrent du soutien de deux souadrons de
chasse. Ainsi, le 26 mai 1940, les Gladiator du Squadron
263 décollaient du HMS Furious et gagnaient Bodo, puis
Bardufoss ; les Hawker Hurricane Mk I du Squadron
46 se posèrent également à Bardufoss après
avoir tenté sans succès d'atterrir à Skaanland.
Les deux squadrons devaient être engagés dans de furieux
combats quand les soldats alliés donnèrent l'assaut
à Narvik. le 28 mai 1940,à 3 heures. Les Gladiator effectuèrent
42 sorties, et les Hurricane 43, mais, dépourvus de l'infrastructure
adéquate, les Britanniques ne purent jamais envoyer dans les
airs plus de trois chasseurs à la fois.
Une victoire sans lendemain
La prise de Narvik par les Franco-Britannriques fut un succes temporaire
dans une campagne vouée dès le début à
l'échec. Devant l'ampleur de la débâcle des armées
alliées en Belgique, aux Pays-Bas et en France, Londres dut
se résoudre à retirer toutes ses forces du theâhe
norvégien. Le 7 juin 1940, le roi Haakon VII et ses ministres
s'embarquaient à bord du Devonshire, à Tromso, abandonnant,
à sa propre demande, Ruge, qui voulait partager le sort de
ses hommes. Le lendemain. les forces alliées quittaient Narvik. Comme en Pologne, la Luftwaffe fut le facteur décisif de la victoire des Allemands en Norvège, de même que ses démonstrations de force massives permirent à la Wehrmacht de s'emparer sans coup férir du Danemark. L'occupation quasi immédiate de Stavanger et d'Oslo avait été obtenue grâce à l'intevention rapide de parachutistes et de soldats aérotransportés ou utilisant des planeurs. Les différentes opérations d'aérotransport necessitées par la campagne de Norvège et les considérables efforts logistiques qu'elles exigèrent furent l'occasion pour les Transportgruppen d'acquérir une précieuse expérience en vue du Blitzkrieg, imminent, contre la Belgique, les Pays-Bas et la France. |
France, Belgique, Hollande
Après avoir écrasé, en deux offensives éclair, la Pologne et deux pays scandinaves, le Danemark et la Norvège, l'Allemagne put se tourner contre ses deux principales ennemies, la France et la Grande-Bretagne. Mais la réussite du Blitzkrieg à l'ouest passait par l'invasion des Pays-Bas et de la Belgique. Alors que la campagne de Pologne n'était pas encore achevée,
Hitler et l'OKW préparaient déjà fébrilement
le plan d'invasion des Pays-Bas et de la Belgique, dont la neutralité
allait être ignorée de manière délibérée,
et de la France, alliée à la Grande-Bretagne. Avec la
fin des opérations en Pologne. soixante divisions allemandes
furent retirées des frontières orientales du Reich et
redéployées ; les Alliés n'avaient pas su saisir
l'occasion qui leur avait été offerte de lancer une
offensive à l'ouest et du même coup de contraindre les
Allemands à se battre sur deux fronts. Quelques jours après
la reddition de la Pologne, le 9 octobre 1939, Ie Führer adressait
sa directive de guerre no 6 à ses chefs d'états-majors
: 1. Il peut s'avérer dans un avenir proche que la Grande-Bretagne,
et la France avec elle, soit résolue à poursuivre la
guerre. Je suis décidé, dans cette éventualité,
à prendre l'offensive sans perdre de temps. 2. Tout retard dans la mise en æuvre de cette opération
non seulement amènerait la Belgique et, peut-être, les
Pays-Bas à renoncer à leur neutralité et à
se rapprocher des puissances occidentales, mais aussi permettrait
à nos ennemis de renforcer leur puissance militaire, inciterait
les pays neutres à ne plus croire à la victoire de l'Allemagne
et dissuaderait les Italiens de rechercher notre alliance. 3. Pour la poursuite des opérations militaires, j'ordonne
donc ce qui suit :
Le Plan jaune
Le 19 octobre 1939, le haut commandement allemand fournissait la
première version du Fall Gelb (" Plan jaune "), plan
d'invasion des Pays-Bas, de la Belgique et de la France. Ce dernier
devait subir diverses modifications au cours des mois suivants; sa
version définitive, rédigée pour l'essentiel
par le General Erich von Manstein. inspira les directives du 27 février
1940. La principale attaque devait avoir lieu dans les Ardennes, région
vallonnée, couverte d'épaisses forêts et difficilement
franchissable, à travers laquelle, selon les états-majors
fiançais et britannique, une attaque de blindés allemands
était impossible. Le gros des panzers devait franchir la frontière
française entre Dinant et Sedan, et enfoncer les défenses
de la Meuse ; puis, en une offensive éclair, les forces allemandes
tenteraient d'atteindre la mer au niveau de l'estuaire de la Somme,
au nord-ouest d'Abbeville. En cas de succès, ce mouvement tournant
extrêmement audacieux couperait les lignes de communication
alliées et isolerait le sros de l'armée française,
au sud, des forces britanniques et belges, au nord. Les deux groupes
d'armées, ainsi séparés. seraient ensuite anéantis.
Au sud-est des Ardennes, une action de diversion serait dirigée
contre le puissant 1er groupe d'armées français, stationné
derrière les fortifications de la liene Maginot. Mais le Fall Gelb prévoyait surtout l'invasion préalable des Pays-Bas et de la Belgique, afin non seulement de protéger le flanc nord de l'offensive à oartir des Ardennes, mais aussi d'attirer vers le nord, jusqu'à la frontière belge, le 2e groupe d'armées français et la British Expeditionary Force du général Lord Gort, et, du même coup, de faciliter la percée des pânzers à travers la Picardie, vers la Manche. Le plan accordait une importance primordiale à la rapidité d'action, principe de base du Blitzkrieg; l'offensive des blindés, enfin, devait bénéficier d'un appui massif des forces aériennes allemandes. L'attaque principale, à travers les Ardennes, incombait au
groupe d'armées du Generaloberst Gerd von Rundstedt, qui comprenait
46 divisions. dont 7 blindées et 3 moiorisées. A l'avant-garde
des troupes de choc chargées de la percée sur la Meuse
se trouverait le puissant Panzergruppe du General Ewald von Kleist,
constitué de plus de 350 chars moyens Panzer III et IV. Cette
offensive serait couverte, sur la droite, par la IVeme armée
du General Gûnther von Kluge, qui devait suivre la vallée
de la Meuse et de la Sambre, puis opérer sa jonction avec le
groupe d'armées de von Bock ; la XIIeme armée (General
Sigmund List) et la XVIeme armée (Generalleutnant Ernst Buch)
attaqueraient respectivement par le nord et le sud du Luxembourg. Au sud-est, le groupe d'armées C, sous le commandement du
Generaloberst Wilhelm Ritter von Leeb, devait contenir l'ennemi le
long de la ligne Maginot et de la rive droite du Rhin. Il disposait
dans ce but des dix-neuf divisions de la Iere(General Erwin von Witzleben)
et VII" (General Friedrich Dollmann) armées.
Le dispositif de la
Luftwatfe
Pendant toute la durée de la guerre, la Luftwaffe ne devait
jamais rassembler de force aérienne tactique plus importante
que celle qu'elle mit en ligne pour le Plan jaune. Sur les 4 417 avions
de combat dont elle disposait à la date du 11 mai 1940, 3 350
furent appelés à prendre part aux opérations
sur le front occidental : en outre. environ 475 avions de transport
et 45 planeurs d'assaut allaient être utilisés. Le dispositif
de la Luftwaffe suivait le schéma éprouvé lors
des campagnes de Pologne et de Norvège. Le groupe d'armées
B de von Bock recewait l'appui de la Luftflotte II (General Albert
Kesselring), formée des I. et IV. Fliegerkorps, commandés
respectivement par le Generalleutnant Ulrich Grauert et le Generalleutnant
Alfred Keller ; étaient également rattachées
à la Luftflotte II la 9. Fliegerdivision et la 7. Fliegerdivision
(Generalmajor Kurt Student), chargées d'effectuer des missions
de minage en mer et d'aérotransport, les opérations
de transport relevant en dernier ressort du Fliegerfûhier zur
besonderen Verwendung (Generalmajor Richard Putzier). La Luftflotte
II, qui opérait en Belgique et aux Pays-Bas, avait pour mission
de s'assurer dans les plus brefs délais la maîtrise de
l'espace aérien, de fournir un appui aux forces terrestres
et de lancer une série d'opérations d'aérotransport
et de parachutage de grande envergure. Pour cette dernière
tâche, cette flotte aérienne pouvait faire appel à
430 avions de transport Ju 52/3m, dont la plupart avaient récemment
été utilisés sur le théâtre scandinave.
Dépendaient du Fliegerfùhrer zbV les I. à IV./Kampfgeschwâdern
zur besonderen Verwendung 1, les I. et II./KGzbV
172 (sur le front occidental, les I. et II./KGzbV
2), les Kampfgruppen zur besonderen Verwendung Il et 12 (sur
le front occidental, le III./KGzbV 2)
et des éléments des KGrzbV 101,
104 et 106. Le groupe d'armées A de von Rundstedt devait être soutenu par la Luftflotte III (General Hugo Sperrle), chargée par ailleurs de fournir un appui limité au groupe d'armées C de von Leeb, dont le rôle était surtout défensif. Dépendant de la Luftflotte III, les II. et V. Fliegerkorps étaient commandés respectivement par le Generalleutnant Bruno Loerzer et le Generalleutnant Robert Ritter von Greim ; le premier devait opérer dans le secteur compris entre Sedan et le Luxembourg, le second, beaucoup plus à l'est, dans la région du Rhin.
Le fer de lance de
la Luftwaffe
La principale force d'attaque tactique engagée du côté
allemand était le VIII Flieserkorps, commandé par le
Generalleutnant Wolfram Freiherr von Richthofen. Cette unité
disposait de 425 avions d'appui rapproché 380 Junkers Ju 878-2
Stuka et 45 Henschel Hs 123A-1 - apartenant aux I.,
II.,
et III./Stukageschwader
2 Immelmann (auquel était rattaché le I./StG
76), au I.
et au II./StG
77 (auquel était subordonné le IV.(Stuka)/Lehrgeschwader
1), ainsi qu'au II.(Schlachtl)/LG
2. Le VIII. Fliegerliorps disposait en outre, pour ses missions
d'appui, de chasseurs monomoteurs et bimoteurs, de bombardiers en
vol horizontal et d'avions de reconnaissance tactique. Son rôle
consistait à fournir un appui à la Luftflotte II dans
le secteur de Maestricht-Dordrecht, puis d'aider la Luftflotte III
lors de la percée dans les Ardennes. La force de bombardement, répartie entre les Luftflotten II
et III, consistait en 1 120 Heinkel He 111 et Dornier Do 17Z appartenant
aux KG 2,3, 4,26,27,51,53,54, 55, 76, 77,
aux Kampfgruppen 100 et 126 et au LG
I ; le KG 51 et le LG
1 étaient alors pourvus de bombardiers moyens Junkers Ju
88A-1, utilisés jusque-là exclusivement par le KG
30 pour des opérations antinavires. La plupart de ces
appareils étaient attribués au II. Fliegerkorps de Loerzer. La chasse, composée de 1 016 monomoteurs Messerschmitt Bf 1098-1, E-3 et E-4 et de 248 bimoteurs Bf 110C-1, était répartie de manière à peu près égale entre les deux Luftflotten. Les Bf 109 équipaient les I./JG 1, I. à III./JG 2, I. à III./JG 3,I./JG 21,I. à III./JG 26, I. à III./JG 27, I. à III./JG 51, I./JG 52, I. à III./JG 53. Pik As '. I./JG 54. I./JG 76 et I./JG 77. Les I./ZG I, I et IL/ZG 2, I. et IL/ZG 26 et l.(Zerstörer)/ LG 1 étaient dotés de Bf 110. Toutesces unités disposaient par ailleurs de nombreux appareils de reconnaissance.
Les forces aériennes
alliées
Les forces aériennes appelées à subir les premiers assauts de la Luffwaffe étaient la fôrce aérienne néerlandaise (Nederlandse Luchtvaartafdeling), forte de 132 appareils, dont 28 chasseurs Fokker D.XXI et 23 chasseurs bimoteurs Fokker G.lA, et l'Aéronautique militaire belge, qui disposait quant à elle-de 11 Hawker Hurricane Mk I., de 15 Gloster Gladiator Mk II, de 23 Fiat C,R.42, de 82 Fairey Fox et de 21 Renard R-31.
La plus puissante force aérienne que la Luftwaffe aurait à affronter directement sur le front occidental était l'armée de l'Air française, que commandait le général Vuillemin. Divisée en forces aériennes réservées et en forces aériennes de coopération avec les unités terrestres, cette force aérienne se répartissait, tout au long de la ligne de feu, en zones d'opérations aériennes adaptées chacune à un groupe d'armées terrestre. La zone d'opérations aériennes Nord (ZOAN), placée sous les ordres du général d'Astier de la Vigerie, tenait la région comprise entre la Manche et la Meuse ; la ZOAE (Est) s'était établie, sous le commandement du général Bouscat, entre la Meuse et le Rhin, la ZOAS (Sud) du général Odic protégeait la frontière suisse et la ZOAA (Alpes) du général Laurens faisait face à l'ltalie. L'avialion de chasse française étâit équipée de Morane-saulnier MS.406, de Dewoitine 520 (en petites quantités), de Curtiss H-75, achetés aux Etats-Unis, et de Bloch 151 et 152, sans compter des chasseurs multiplaces Potez 631. Le bombardement regroupait des Amiot 143, des Farman 221 et 222, des Bloch 210 et des avions plus modernes, encore trop peu nombreux, comme les Amiot 351 -et 354, le LeO 45, et des appareils acquis auprès de l'industrie, aéronautique amérièaine (Douglas DB-7 et Glenn Martin 167F). Le tout était complété par une aviation de renseignements (reconnaissance et observation) équipée d'un nombre important d'appareils assez remarquables, comme le Potez 63.11 et le Bloch 174. Au total, l'armée de l'Air disposait de 2776 appareils sur le front, dont 1 368 en première ligne (637 chasseurs, 242 bombardiers et 489 appareils de reconnaissance ou d'observation). A cela s'ajoutaient les 450 machines volantes des British Air Forces in France. |
L'assaut
La Belgique et les Pays-Bas étaient extrêmement mal équipés pour faire face à l'offensive allemande du 10 mai 1940, mais leurs armées n'en opposèrent pas moins une résistance acharnée à la Wehrmacht. La défaite vint pourtant du ciel. La Luftwaffe et les troupes aéroportées allemandes allaient en effet permettre aux forces terrestres de l'emporter en quelques jours. Conformément au Plan jaune, ce furent les armées néerlandaises et belges qui subirent les nremiers assauts de la Wehrmacht dans les premières heures de la journée du 10 mai 1940. La veilie, l'attaché militaire néerlandais en poste à Berlin avait averti son gouvernement de l'imminence d'une attaque ; si bien que, dès 3 heures, le 10 mai, l'ensemble des forces néerlandaises, que commandait le général H.G. Winkelman, était prêt à toute éventualité. Selon une tactique identique à celle utilisée le mois précédent lors de la prise de Stavanger et d'Oslo-Förnebu, les attaques initiales contre la Belgique et les Pays-Bas furent le fait de parachutistes et de troupes aérotransportées. Deux unités aéroportées allemandes, le Fallschirmjâgerregiment Nr.1 et la 22. Luftlanddivision furent lancées au combat dès le lever du jour; elles devaient prendre part à deux assauts de grande envergure. Le premier avait pour but la prise du fort Eben-Emaël et des ponts de Vroenhoven, Veldwezelt et Kanne, sur le canal Albert. La pénétration de la VIe armée en Belgique, en direction du sud-ouest, et partant sa participation au Plan jaune, dépendaient du succès de cette ooération. Le second coup de boutoir était dirigé contre La Haye - la famille royale néerlandaise devait être capturée - et Rotterdam; là encore, la capture des ponts qui enjambaient divers bras de la Meuse et du Rhin était une condition sine qua non du passage des forces terrestres.
Ce jour-là. à 4 h 30. quarante-deux Ju 52/3m remorquant
des planeurs d'assaut DFS 230A décollaient de Cologne-Ostheirn
et de Cologne-Butzweilerhof. Ces appareils transportaient le Sturmabteilung
Koch, constitué d'éléments d'un bataillon du
1. Fallschirmjâgerregiment, d'un détachement de sapeurs
parachutistes de la 7. Fliegerdivision et d'une équipe de spécialistes
du balisage, auquel la prise d'Eben-Emaêl et des ponts de Vroenhoven,
Veldwezelt et Kanne avait été confiée. Les onze
planeurs du LLG 1, ou groupe d'assaut GRANIT, formé de quatre-vingt-cinq
hommes commandés par l'Oberleutnant Rudolf Witzig, devaient
atterrir sur les superstructures du fort d'Eben- Emaël ; les
sapeurs étaient munis de charges creuses capables de traverser
les blindages du fort, épais de 25, voire 28 cm. Le planeur
de Witzig n'atteignit pas l'objectif, mais en dépit de cet
incident de parcours, le GRANIT réussit à s'emparer
d'Eben-Emaël le 11 mai à 13 h 15, après l'arrivée
en renfort d'un bataillon de sapeurs. Les ponts de Vroenhoven, Veldwezelt
et Kanne furent pris par le détachement de planeurs de Koch,
scindé, pour l'occasion, en trois groupes baptisés BETON,
STAHL et EISEN et dirigés respectivement par le Leutnant Schacht,
l'Oberleutnant Altmann et le Leutnant Schächter. A l'exception
de celui de Kanne, tous les ponts tombèrent intacts aux mains
des Allemands.
Des combats acharnés
La Luftwaffe attaqua à 3 heures, lorsque les I. et IV. Fliegerkorps effectuèrent des mitraillages et des bombardements contre les aérodromes de Waalhaven-Rotterdam. Ockenburg, Ypenburg et Valkenburg, ainsi que contre les ponts de Moerdijk et Dordrecht, peu avant l'entrée en action des parachutistes. Après une attaque du II./KG 4, l'aérodrome de Waalhaven fut investi. à 5 heures, par un bataillon du 1. Fallschirmjâgerregiment commandé par le Hauptmann Karl-Lothar Schulz et transporté par le III./KGzbV 1 du Hauptmann Zeidler. Rencontrant une résistance assez vigoureuse, les Allemands subirent de lourdes pertes, plusieurs parachutistes tombant même sur des bâtiments et des hangars en flammes. Peu après l'intervention de cette unité, des Ju 52/3m déposèrent des éléments du 16e régiment d'infanterie ayant pour mission de s'emparer de l'aérodrome et du pont de Willems, sur la Meuse, au sud de Rotterdam. A Moerdijk, après un bombardement précis effectué par le StG 2, le 2./FJR 1, dirigé par le Hauptmann Präger, prit pied au nord et au sud du pont, qui fut conquis à la suite d'un combat bref, mais d'une extrême violence, A Dordrecht, le 3./FJR 1 rencontra de nombreuses difficultés, si bien que le pont ne fut enlevé que trois jours plus tard par d'autres éléments parachutistes (commandés par l'Oberst Bruno Bräuer) et le 1er bataillon du 16e régiment d'infanterie. Des affrontements particulièrement acharnés eurent lieu à Ypenburg, où la défense antiaérienne néerlandaise abattit onze des treize Ju 52 qui convoyaient une compagnie du 65e régiment d'infanterie. A Valkenburg, les nombreuses épaves de Ju 52 ayant déposé le 6./FJR 2 et des éléments du 3e bataillon du 47e régiment d'infanterie, commandé par l'Oberst Buhse, empêchèrent l'atterrissage des appareils qui amenaient le second bataillon. A la fin de la journée, les forces d'invasion s'étaient emparées de tous les objectifs qui leur avaient été assignés, à l'exception de Moerdijk et des ponts situés au sud de Rotterdam. Dans les airs, les Fokker D.XXI et G.lA des forces aériennes
néerlandaises affrontèrent un ennemi supérieur
en nombre ; le 10 mai. les Bf 109E et Bf 110 de la Luftwaffe abattirent
soixante-deux des cent vingt-cinq appareils de première ligne
dont disposaient les Néerlandais.
La RAF entre en scène
Accaparées par d'autres tâches, les unités de la Royal Air Force basées en France (BAFF) ne furent pas en mesure de répondre aux appels à l'aide désespérés des forces terrestres belges et néerlandaises. Ce n'est qu'à 12 h 05 que le quartier général de l'Air Marshal Barratt demanda au Bomber Command, sur les instances des Néerlandais, de bombarder l'aérodrome de Waalhaven. Au même moment, six Blenheim I(F) du Fighter Command effectuaient un raid destructeur contre ce même aérodrome. Tandis qu'ils mitraillaient Waalhaven, ils furent interceptés par une unité de Bf 110C-1 ; cinq d'entre eux furent abattus, et le sixième s'écrasa à l'atterrissage à son retour en Grande-Bretagne. Bien qu'équipés de dispositifs IFF (Identification Friend or Foe, " identification ami ou ennemi ") ultra-secrets, tous étaient pourvus d'un armement rudimentaire. Neuf Blenheim IV du Squadron 15, basé à Wyton, revinrent à Waalhaven à 16 heures ; leurs pilotes devaient prétendre avoir détruit au moins seize appareils au sol. Douze Blenheim du Squadron 40 décollèrent de Wyton à 15 h 50 pour pilonner Ypenburg ; trois d'entre eux furent abattus par des Bf 109E. Les dizaines de Ju 52 ayant atterri près de La Haye furent assaillis par des Blenheim IV du Squadron 110, escortés par les chasseurs du Squadron 600 ; au cours de ces combats, quatre avions de la Luftwaffe furent abattus, contre un du côté britannique. Les attaques contre Waalhaven et Ypenburg constituèrent l'unique effort britannique sur le flanc nord du front occidental au cours des vingt-quatre premières heures de l'offensive de la Wehrmacht.
Le 11 mai, le Fighter Command envoya les Hurricane du Squadron 17 reconnaitre le secteur Delft - La Haye - Rotterdam, à plus de 4 000 m d'altitude, en réponse à la demande d'assistance soumise par le gouvernement néerlandais ; les avions britanniques interceptèrent, au nord de Rotterdam, seize Bf 109E et deux Hs 126; dans les combats qui s'ensuivirent, les Britanniques perdirent cinq de leurs appareils, mais abattirent quatre avions ennemis, A 17 heures, des Hurricane du Squadron 32 mitraillèrent des Ju 52 parqués sur l'aérodrome d'Ypenburg; les Squadrons 85 et 87 de l'AASF furent engagés dans le secteur Liège - Tongres - Bruxelles - le second, contre une formation de plus de quatre-vingts Ju 87. Le 13 mai 1940, le Fighter Command intervint par deux fois dans le ciel néerlandais. Les Hurricane du Squadron 56 patrouillèrent au-dessus de la région de Breda sans résultat. Dans les premières heures du jour. des Spitfire Mk lA du Squadron 66, qui effectuaient à cette occasion leur première sortie offensive, et des biplaces Boulton Paul Defiant du Fighter Squadron 264 mitraillèrent des concentrations de troupes allemandes au nord de La Haye et s'en prirent, près de Streefkerk, à des Ju 87 (les pilotes britanniques prétendirent en avoir abattu quatre). Mais la Luftwaffe semblait omniprésente : le Squadron 264 était sur le point de rompre le combat quand une formation de vingt-sept Bf 109E surgit, en piquant, d'une couche de nuages et fondit sur les appareils de la RAF ; cinq des six Defiant ne rentrèrent pas à leur base.
Le bombardement de Rotterdam
La RAF ne parvint pas à ravir aux I. et IV. Fliegerkorps la maîtrise de l'espace aérien au-dessus des Pays-Bas et de la Belgique ; la Luftwaffe parut assurée de la suprématie aérienne dès le 11 mai, et les avions alliés furent impuissants à s'opposer au bombardement intensif de Rotterdam, qui devait avoir pour conséquence directe la capitulation des Pays-Bas. Au sol, l'armée néerlandaise, après avoir été
débordée dans les premières heures de l'offensive.
opposait une résistance acharnée à la Wehrmacht.
Le 11 mai, les forces néerlandaises essayèrent de réduire
les poches tenues par les troupes aéroportées allemandes.
De violents combats eurent lieu entre Katwijk et La Haye ; la bataille
pour le pont de Willems notamment prit des proportions effroyables.
Mais le 13 mai, tôt dans la matinée, le pont de Moerdijk
était franchi par l'avant-garde de la 9" division de panzers
du Generaleutnant Hubicki, et la résistance des Néerlandais
à Dordrecht cessa. A 18 h 45, le General von Kuchler fit part
de son intention de briser la résistanôe des Néerlandais
"par n'importe quel moyen", et un assaut général
fut prévu pour le lendemain, 14 mai, à 15 h 30. Il fut
confié au Kampfgeschwader 54,
basé à Quackenbrùck, Hoya et Delmenhorst. lequel
devait effectuer un bombardement contre le centre du dispositif de
défense néerlandais. au nord du pont de Willems dans
un ouartier de Rotterdam. A 15 heures précises, le 14 mai,
cinquante-sept He 111H-l du KG 54, volant
à 2 100 m, déversèrent plusieurs tonnes de bombes
de 50 et 250 kg ; le raid rasa une partie de Rotterdam, fit 814 morts
parmi ia population civile et laissa 78 000 personnes sans abri. Les
Allemands considéiaient que cette attaque était justifiée
en raison de ses implications tactiques, mais les services de propagande
alliés eurent tôt fait de tirer parti de ce qui constituait
oour Londres et Paris un raid de terreur. Le centre de Rotterdam transformé
en brasier et la ville de Dordrecht étant menacée de
subir le même sort, les forces armées néerlandaises,
sur ordre de leur commandant en chef, déposèrent les
armes le 14 mai 1940, à 16 h 50. A ce moment, grâce à
une offensive d'une puissance sans précédent, la Wehrmacht
avait déjà pénétré profondément
à l'intérieur de la Belgique et du territoire francais.
Ju 88 du Kampfgeschwader 54 |
La percée vers la Manche
Selon le plan de campagne adopté par Hitler, les Panzerdivisionen de la Wehrmacht devaient, en effectuant une percée décisive des Ardennes à la Manche, prendre les forces alliées, au nord, dans un gigantesque piège. A nouveau, la Luftwaffe avait pour tâche de frayer un chemin aux blindés en écrasant les centres de résistance et l'aviation ennemis et en empêchant l'aviation adverse d'esquisser une riposte efficace. Conformément au Plan jaune, la Luftwaffe entra en action dans la nuit du 9 au 10 mai 1940 ; ainsi, dès 8 h 30, la 9. Fliegerdivision mouillait des mines au large des côtes britanniques et néerlandaises. Puis, à partir de 3 h 30, des He 111, Do l7Z et Ju 884-1 appartenant aux I, II., IV. et V. Fliegerkorps effectuèrent des bombardements à basse altitude contre des concentrations de troupes, des voies de communication et des aérodromes néerlandais et belges, préalablement à l'intervention de forces aérotransportées et au largage de parachutistes aux abords des aérodromes de Moerdijk et Dordrecht, au sud-est de La Haye et Rotterdam, et, sur le front belge, des ponts de Vroenhoven, Veldwezelt et Kanne, et de la forteresse d'Eben-Emaël, près de Maëstricht. Tandis que le groupe d'armées B du Generaloberst von Bock franchissait les frontières belge et néerlandaise, le groupe d'armées A du Generaloberst von Rundstedt, après avoir traversé le Luxembourg et s'être engagé dans les forêts des Ardennes, s'apprêtait à pénétrer en territoire français, dans la région de la Meuse, entre Charleville et Sedan. L'armée néerlandaise mena une résistance désespérée dans l'ouest des Pays-Bas, pendant que la VIIe armée française du général Henri Giraud et la British Expeditionary Force de lord Gort, faisant mouvement en Belgique, prenaient position le long de la Dyle, entre Gand et Louvain. Au cours des deux premiers jours de Ia campagne, les forces alliées manoeuvrèrent en bon ordre et remportèrent certains succès en dépit d'une mauvaise coordination entre les différentes armées, de la faiblesse des réserves et d'une certaine démoralisation face à la puissance et à l'ampleur de l'offensive de la Wehrmacht.
Les avions alliés ne parvinrent pourtant pas à empôcher-la Luftwaffe de s'assurer de la maîtrise de l'espace aérien au-dessus des zones de combat. Des bombardements et des mitraillages de grande envergure contre les aérodromes de Diest, Saint-tond, Eindhoven, Arnhem, Schiphol, Beauvechain, Deurne, Liège et Bruxelles, entre autres, paralysèrent les faibles forces aériennes néerlandaises et belges avant même que la plupart de leurs appareils n'aient pu prendre l'air ; ceux qui combattirent furent vite débordés par les Messerschmitt Bf 109E et Bf 110c-1 des I. et IV. Fliegerkorps. Dès 5 heures, le premier jour, cinquante-trois des cent soixante-dix-neuf avions opérationnels de l'Aéronautique militaire belge avaient été détruits au sol ; des unités entières du Service aéronautique Néerlandais subirent le même sort, tandis que des He 111 et des Dorniers Do 17Z-I de la Luftwaffe effectuaient des attaques lointaines contre des voies de communication et les aérodromes de l'armée de l'Air et des BAFF en France. En fait, plus d'une soixantaine de terrains des forces aériennes françaises furent assaillis, mais les pertes enregistrées par l'armée de l'Air furent assez.faibles par rapport à l'ampleur des moyens mis en æuvre par la Luftwaffe.
Les ponts du Canal Albert
Aussitôt informé de l'offensive allemande, le général Vuillemin céda au général Tétu,commandant des forces aériennes de coopération du front du Nord-Est, trois groupes de reconnaissance stratégique, toute l'aviation de bombardement de jour disponible (la plupart des unités de ce lype se trouvaient encore à l'instruction dans le sud-est de la France), des groupes de chasse (sauf ceux réservés à la défense de la région parisienne) et des unités de bombardement d'assaut équipées de Breguet 693. Pourtant, et en dépit de tous les efforts déployés, l'aviation Française ne put être engagée ce jour-là contre les colonnes allemandes ni contre les têtes de pont que ceux-ci avaient réussi à constituer dans la zone du canal Albert. Les groupes de chasse n'en accomplirent pas moins un important travail, effectuant quelque trois cent soiixante sorties, qui se traduisirent par la destruction de quarante-quatre avions allemands pour la perte de seulement vingt-quatre appareils, résultat qui démontrait le haut degré d'entraînement des pilotes de l'Armée de l'Air. La nouvelle de la pénétration de la Wehrmacht au Luxembourg parvint un quartier général des BAFF tôt dans la matinée du 10 mai 1940, jour où l'Advanced Air Striking Force allalt être appelée à intervenir à quatre reprises. Ainsi, à 7 h 25, une formation de Blenheim et de Battle fut rappelée ; à 9 h 30, huit Battle du Squadron 142 furent mis en état d'alerte, mais durent rester au sol en attendant d'être autorisés à décoller par le haut commandement français. Finalement le Squadron 142 fut placé, à midi, sous l'autorité de l'Air Marshal Barratt, et les Battle envoyés en mission au-dessus du Luxembourg (trois d'entre eux ne devaient pas rentrer. Trois vagues de huit Battle chacune effectuèrent ensuite des attaques à basse et moyene altitude, chaque avion étant muni de quatre bombes de 113 kg. En fin de compte, sur trente-deux appareils engagés, treize furent abattus par les unités de flak légère ou par des chasseurs allemands. Le premier jour, l'AASF perdit vingt et un avions, tandis que quatre appareils de l'Air Component étaient détruits au sol ou s'écrasaient et que le 2 (Bomber) Group perdait quatre Blenheim Mk IV dans des attaques contre Ypenburg et Waalhaven. A la fin de la journée, les forces aériennes néerlandaises et belges étaient hors de combat tandis que l'armée de l'Air française et les BAFF voyaient leur potentiel déjà bien entamé. Les pertes subies par la Luftwaffe étaient, il est vrai également très élevées mais encore supportables. De son côté, accaparé par les opérations
qu'il menait en Norvège, le Fighter Command de la RAF ne put
envoyer que de faibles renforts aux BAFF : le 10 mai 1940, les Hurricane
du Squadron
3 gagnaient Merville-Calonne, tandis que les Squadrons
79 et 501
étaient basés respectivement à Mons-en-Chaussée
et à Bétheniville. La plupart des unités de chasse
des BAFF prirent part à des combats dès le premier iour. Le 11 mai au matin, des forces aéroportées allemandes
avaient déjà pris pied, entre les deux échelons
de la 7e Division belge, qui tenait un front de 18 km derrière
le canal Albert, tandis que les ponts de Vroenhoven et Veldwezelt,
pris la veille avec l'appui de Ju 87 des StG
2 et 77,
dépendant du VIII. Fliegerkorps, étaient aux mains de
parachutistes. La progression des 3e et 4e divisions de panzers avait
été entravée par la destruction du pont vital
de Maëstricht, mais un ponton de bateaux était déjà
en place dans l'après-midi du 10 mai. Cet ouvrage, ainsi que
ceux du canal Albert, devinrent le principal enjeu des combats aériens. Dans la matinée, dix Fairey Battle belges furent abattus au cours d'une attaque contre le pont artificiel de Maëstricht ; ce raid fut suivi d'un assaut de Battle et de Blenheim de l'AASF et du 2 (Bomber) Group. (Les pertes subies par les forces aériennes alliées lors de ces raids furent dues le plus souvent à des tirs de canons antiaériéns de 20 et 37 mm.) Des chasseurs de l'Air Component de la RAF intervinrent également dans le secteur; ainsi, le Squadron 85 devait revendiquer huit victoires contre les avions allemands dans la région comprise entre Tongres et la Meuse - il n'avait perdu, de son côté, quun Hurricane. Sur les dix-huit appareils de l'AASF détruits au sol le 11 mai, la plupart étaient des Blenheim du Squadron 114 surpris sur l'aérodrome de Condé-en-Vraux par neuf Do l7Z-1 du 4./KG 2 attaquant à basse altitude. |
Une bataille inégale
De son côté, l'armée de l'Air française ne put intervenir, ce jour-là, que vers 18 heures en jetant sur les colonnes de blindés allemands débouchant du canal Albert une douzaine de LeO 45 du groupement 6 (groupes de bombardement I./12 et II./ 12) éscortés par des Morane-Saulnier MS 406. L'intervention de la chasse allemande obligea ces appareils à interrompre leur assaut, et une courte bataille aérienne s'engagea au-dessus de Maëstricht et de Tongres, au cours de laquelle les Français accusèrent la perte d'un bombardier et de quatre chasseurs. A nouveau, le 12 mai. les ponts de Maëstricht et du canal Albert firent l'objet de raids alliés. Le 2 (Bomber) Group lança quatre assauts : le premier fut mené peu après 8 heures par les Blenheim du Squadron 107, sous le commandement du Wing Commander Embry, puis les Squadrons 15, 110 et 82 entrèrent successivement en action ; ces formations devaient perdre onze Blenheim dans le courant de la journée. Ce même jour, à une demande du général
Tétu réclamant la reprise des attaques de la veille,
le groupement de bombardement 6 répondait que ses appareils
ne pourraient pas entrer en action avant la fin de la journée.
L'aviation de bombardement, qui avait été malmenée
le 11 (moins par ses pertes définitives que par le nombre d'avions
qui avaient été endommagés), révélait
ainsi son incapacité à soutenir un combat de longue
haleine. Les groupes stationnés dans le Midi commençaient
à affluer en direction du front du Nord-Est, mais encore fallait-il
les organiser en vue de l'action. Pourtant, dès 13 heures.
des Breguet 693 du groupement d'assaut 18 bombardèrent les
blindés et les camions allemands rassemblés dans la
région de Tongres. Ils ne furent remplacés qu'à
18 h 30 par Ies LeO 45 du groupement 6 qui, devant l'intensité
de la Flak, durent rebrousser chemin, non sans avoir perdu huit des
dix-huit appareils lancés dans la bataille. Ce jour-là,
la chasse française était créditée de
trente-cinq victoires, et la mission d'appui demandée à
l'armée de l'Air en Belgique s'achevait. Il n'en reste pas
moins que le général Vuillemin était bien obligé
d'admettre que ses unités avaient été sérieusement
étrillées par les premières journées de
combat. C'est sans doute la raison pour laquelle il préleva
sur les formations de défense de la basse Seine plusieurs unités
qu'il expédia au général Tétu, en même
temps que d'autres groupes ou escadrilles prises sur d'autres secteurs
d'opérations. Ce 13 mai avait aussi marqué la très nette supériorité qu'affichait ie Bf 109 sur les intercepteurs français et britanniques.
Les matériels en présence
Le Bf 109 n'était pas un mystère pour les Alliés
; les modèles qu'ils avaient capturés pendant la "
drôle de guerre " avaient été étudiés
et testés par les centres d'essais comme par les pilotes de
la RAF et de l'armée de l'Air française. Le défi
constitué par le Bf 109 résidait moins dans ses qualités
de vol que dans la manière dont il éfait utilisé
dans les airs et l'imnortance des formations au sein desquelles il
opérait. Les Jagdgruppen avaient remplacé leurs Bf 109B-1,
B-2 et D-l par des Bf 109E " Emil " dans le courant de l'année
1939 ; les variantes rencontrées par les forces aériennes
alliées en mai 1940 étaient les E-1, E-3 et E-4, mus
par des moteurs Daimler-Benz DB 601A-1 ou Aa. Ces chasseurs monomoteurs
et, à un moindre degré, les bimoteurs Bf 110-C Zerstôrer
permirent à la Luftwaffe de conquérir la suprématie
aérienne au-dessus des zones de combat en France, en Belgique
et aux Pays- Bas pendant l'exécution du Plan jaune. Doté d'un moteur en ligne Daimler-Benz 601A-1 de 1 100 ch (821 kW), le Messerschmitt Bf 109E-1 était armé de quatre mitrailleuses Rheinmetall-Borsis MG 17 de 7.92 mm. Il pouvait atteindre la vitesse de 550 km/h à 4 000 m d'altitude et bénéficiait d'une vitesse ascensionnelle initiale de 930 m/mn. D'une très grande fiabilité, le Bf 109E-1 avait un taux de disponibilité élevé: au combat, ses principaux avantages étaient sa vitesse (en vol horizontal et ascensionnelle) et son accélération en piqué ; en revanche, l'Emil était doté d'un train d'atterrissage à voie étroite et d'un armement presque insuffisant ; en plus il souffrait de certains défauts dans la structure de ses ailes. De son côté, le Morane-Saulnier MS 406, mû par un moteur en ligne Hispano-Suiza 12Y-31 de 860 ch (642 kW), était armé d'un canon Hispano-Suiza HS-9 ou HS-404 et de deux mitrailleuses MAC de 7,5 mm. Sa vitesse maximale était de 485 km/h à 5 000 m, altitude qu'il atteignait en 6 mn - soit douze secondes de moins que le Bf 109. Cet avion était cependant fiable. extrêmement maniable et assez bien armé ; ses inconvénients résidaient dans le manque de puissance de son moteur, et partant dans sa faible accélération. Cet appareil, le chasseur numériquement le plus important en service dans l'armée de l'Air française, équipait onze groupes de chasse, mais il était dans l'ensemble inférieur au Bf 109E-1.
Les Bloch M8.151 et M8.152 équipaient neuf groupes de chasse,
dotés par ailleurs, pour la plupart, d'appareils plus anciens.
Le second ne différait du premier que par le surcroît
de puissance de son moteur, un Gnome-Rhône 14N-25 en étoile
de 1 100 ch (821 kW), et était armé de quatre mitrailleuses
MAC de 7,5 mm ou de deux armes du même type et deux canons Hispano-Suiza
HS-404 de 20 mm. Le MB.152 pouvait voler à la vitesse de 515
km/h à 4 000 m et parvenait à l'altitude de 5 000 m
en 6 mn. Avion de combat bien conçu, plate-forme de tir légèrement
supérieure au Bf 109E-1, c'était un appareil robuste,
bénéficiant d'une très bonne manoeuvrabilité. Quatre autres groupes de chasse étaient équipés d'un appareil américain, le Curtiss Hawk H-75. Dans sa version H-75A-3, ce chasseur était muni d'un moteur en étoile Pratt & Whitney R-1830-S1C3-G Twin Wasp de 1 200 ch (895 kW) et armé de quatre ou six mitrailleuses FN-Browning de 7,5 mm. Sa vitesse maximale était de l'ordre de 515 km/h à 4 600 m, et il pouvait grimper à 4 570 m en 6 mn. Ces appareils étaient, pour l'essentiel, des dérivés du Curtiss P-36 de l'US Army Air Corps destinés à l'exportation. Toutefois, le meilleur chasseur des forces aériennes françaises êtait le Dewoitine D.520 ; ce dernier n'équipait, à la date du 10 mai 1940, qu'une unité, le Groupe de Chasse I/3 (quatre autres formations, il est vrai, devaient recevoir l'appareil à Ia veille de l'armistice). Le D.520, monoplan à aile basse et aux lignes élancées, était doté d'un moteur en ligne Hispano-Suiza I2Y-45 de 910 ch (679 kW) et armé d'un canon Hispano-Suiza HS-404 de 20 mm et de quatre mitrailleuses MAC de 7,5 mm. Sa vitesse maximale était de 530 km/h à 6 000 m, et sa vitesse ascensionnelle initiale de 720 m/mn. Stable, rapide et exceptionnellement maniable, le D.520 constituait à tous égards un défi pour le Bf 109E-1, mais n'était pas disponible en nombre suffisant pour menacer réellement le chasseur allemand.
La cheville ouwière des BAFF - ou, plus exactement, du Fighter Command de la RAF - était le Hawker Hurricane Mk I. Mû par un moteur Rolls-Royce Merlin III de 1 030 ch (768 kW) et armé de huit mitrailleuses Browning Mk II de 7,7 mm, le Hurricane I pouvait atteindre une vitesse de 520 km/h à 4770 m et grimpait à 6 100 m en 8 mn 12 s. Stable et performant, le Hurricane Mk I bénéficiait d'une bonne manæuvrabilité et était plus puissamment armé que le Bf 109E- 1 ; au total, il donna d'excellents résultats en dépit de sa faible accélération, son principal défaut.
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Dunkerque
Condamnés par leurs conceptions stratégiques périmées et débordés sur le terrain, les Alliés, en dépit des efforts, héroïques mais vains, de leurs forces aériennes pour contrecarrer l'avance des panzers, furent impuissants à empêcher le mouvement en coup de faux des Allemands en direction de la Manche. Tout le long du front, les Allemands subirent de lourdes pertes, mais leur offensive réussit au-delà de leurs espérances. Le 14 mai fut un moment difficile pour les Alliés : ce jour-là,
les unités de bombardiers de l'Advanced Air Striking Force
et de l'armée de l'Air furent décimées à
un degré tel qu'à partir de cette date ni les Britanniques
ni les Français ne devaient être en mesure de lancer
des opérations d'une puissance suffisante pour espérer
stopper l'avance allemande, ni même la freiner de manière
suffisante pour permettre aux armées alliées de reprendre
leur souffle et de s'établir sur des positions plus favorables. Le fer de lance du groupe d'armées de von Kleist, constitué par les XIXe et XLIe Panzerkorps, atteignit la Meuse, après avoir franchi les Ardennes, dans le secteur Sedan-Charleville le 12 mai au soir : le lendemain à 16 heures, la première traversée du fleuve fut tentée par les forces du General Heinz Guderian, les le,2e et 10e divisions de panzers devant prendre pied l'une après l'autre sur la rive gauche de la Meuse. L'attaque fut appuyée par le II. Fliegerkorps (Loerzer) et le StG 77 du VIII Flieserkorps. Le soir même, le 1e régiment d'assaut occupait une tête de pont sur la rive gauche, et le point de passage de Sedan était aux mains des AIlemands. A 5 km à l'ouest de la ville, à Donchéry, des éléments de la 2e Panzerdivision traversèrent sur des oonts de bateaux et des radeaux, tandis que-des Do 17, He 111 et Ju 87 leur fournissaient un appui aérien permanent. Les bombardiers horizontaux et en piqué du II. Fliegerkorps effectuèrent, à cette occasion, cinq cent dix sorties sur divers objectifs militaires. La tête de pont allemande de Sedan et Mouzon fut prise à
partie, dans les premières heures de la matinée du 14
mai 1940, par des LeO 45 et des Amiot 143 de l'armée de l'Air
française, bientôt relayés par des Battle et des
Blenheim de l'AASF, puis, dans le courant de l'après-midi,
par les appareils des Squadrons 21, 107 et 110
du 2 (Bomber) Group. Ces expéditions de l'armée de l'Air
avaient été ordonnées par le général
d'Astier de La Vigerie, à qui le général Georges,
qui commandait les forces terrestres françaises avait précisé
que la résorption des têtes de pont allemandes sur la
Meuse constituait une nécessité vitale. Ainsi, treize
Amiot 143 des groupements de bombardement 9 et 10 furent engagés
en plein jour en même temps que six LeO 45. Les faire intervenir
contre les faubourgs de Bazeilles et le ravin de Givonne équivalait
à les expédier au massacre. Cinq des appareils assaillants
furent abattus et deux autres machines durent effectuer un atterrissage
forcé dans les lignes amies. Entre 15 et 16 heures, tous les
avions dont disposait l'AASF assaillirent les positions allemandes
à Sedan, Donchéry et Mouzon et pilonnèrent les
voies de communication aux alentours de Bouillon. Sur les soixante-trois
Battle des Squadrons 12, 142, 226, 105, 88,
103 et 218 qui prirent part aux raids, trente cinq furent-abattus
ou mis hors de combat par la chasse et la Flak ennemies ; cinq Blenheim
des Squadrons 114 et 139
furent également perdus. Pendant le reste de la guerre, la
RAF ne devait jamais plus connaître un taux de pertes aussi
considérable au cours d'une seule opération. Le 14 mai allait constituer pour les hommes de Loerzer une journée tout à fait exceptionnelle. Les JG 2, JG 53 et II./JG 77, équipés de Bf 109E, et le Zerstörergeschwader 26, unités relevant du commandant de la chasse de la Luftflotte III (Jagdfliegerfùhrer 3), l'Oberst Gerd von Massow, accomplirent huit cent quatorze sorties. Le I./JG 53, sous le commandement du Hauptmann von Janson, revendiqua trente-neuf victoires, cinq d'entre elles avant été remportées par l'Oberleutnant Hans-Karl Meyer et trois par le Leutnant Hans Ohly. Les chasseurs du II./JG 53, commandé par le Hauptmann Günther Freiherr von Maltzahn, en vinrent aux prises avec les Morane-Saulnier avant d'attaquer en piqué les bombardiers alliés. Le Hauptmann Werner Mölders, Kommandeur du III./JG 53, inscrivit à son actif sa dixième victoire en abattant un Hurricane. Le Jagdgeschwader 2 " Richthofen ", sous le commandement de l'Oberstleutnant Harry von Bülow, et le I./JG 77 du Hauptmann Johannes Janke intervinrent également avec succès. C'est alors que le 15 mai, les Pays-Bas capitulaient tandis que les blindés du XLIe Panzerkorps du General Hans-Georg Reinhardt atteignaient une position située à 60 km à l'ouest de la Meuse; le lendemain. le généraI Billotte ordonnait aux forces alliées en Belgique de se replier sur l'Escaut. Anvers tomba le 17, et les colonnes blindées de von Kleist prirent Saint-Quentin avec l'appui du VIII. fliegerkorps de Richthofen. Les Allemands ne devaient laisser aucun répit à leurs adversaires. Le 20 mai 1940, des éléments de la 1e Panzerdivision prenaient Amiens à 9 heures, tandis que la 2e Panzerdivision continuait le long dela Somme jusqu'à Abbeville : à 20 heures, les blindés de tête atteignaient la Manche à Noyelles-sur-Mer, sur la rive nord de l'estuaire de la Somme. Par son offensive en coup de faux à travers la Picardie, la Wehrmacht avait coupé en deux les forces alliées.
Bilan d'une bataille
Dès le 19 mai 1940, il devint évident que l'Air Component
de la BEF ne pouvait plus opérer à partir du sol français;
deux jours plus tard, la totalité de ses squadrons avaient
regagné leurs bases du sud de la Grande-Bretagne, tandis que
des éléments de l'AASF se refiliaient vers le sud-ouest,
en direction de Rouen et d'Orléans. Au cours des dix premiers
jours de l'offensive allemande à l'ouest, l'AASF avait perdu
117 avions, et l'Air Component 37 ; le Fighter Command et le Bomber
Command de la RAF furent amputés respectivement de 33 et 43
appareils. De son côté, l'armée de l'Air avait enregistré des pertes très importantes, et le grand quartier-général aérien du général Vuillemin avait été obligé, dès les premiers jours de l'offensive allemande, de renoncer à recompléter les unités sur le terrain. Certains groupes d'observation, très éprouvés, avaient même dû fusionner pour constituer des formations nouvelles, treize d'entre eux étant même retirés des premières lignes. Quant à l'aviation de bombardement, elle avait été engagée dans la bataille par petits paquets prélevés un par un dans le groupement d'instruction mis en place dans le sud-est de la France pendant la " drôle de guerre". Jusqu'à l'attaque allemande du 5 juin, l'armée de l'Air s'employa à assaillir, avec tous les moyens dont elle disposait, les têtes de pont tenues au sud de la Somme par les troupes adverses. Seules deux de ses unités, le Groupe de Chasse II/8 et le Groupe de Reconnaissance I/14, basées en Grande-Bretagne, vinrent au secours des unités encerclées dans la poche de Dunkerque. Profitant de l'accalmie relative qui régnait le long de la Somme et de l'Aisne, le-général Vuillemin commença à orocéder à la réorganisation des forces aériennes afin de lui permettre de faire face à un nouvel assaut ennemi. Les pertes subies par les forces aériennes allemandes furent elles aussi élevées. Les chiffres donnés par l'état-major de la Luftwaffe révèlent que, du 10 au 25 mai 1940, 806 avions allemands furent détruits et 228 endommagés - soit un taux de pertes de 10 % - sur l'ensemble des théâtres d'opérations (Norvège comprise). Ces chiffres prennent notamment en compte la perte de 199 avions de transport Ju 52/3m, 194 He 111, 57 Ju 88A-1 ,94 Do 17Z et 65 Ju 87B Stuka. Les unités de chasse furent privées de 95 Bf 109 et 43 Bf 110. La victoire à l'ouest n'eût-elle étê à la portée des armées allemandes, la Luftwaffe aurait difficilement pu supporter de telles ponctions.
La décision de procéder au retrait des forces britanniques
en France fut prise au moment de l'entrée dans Abbeville de
la 2e Panzerdivision, fer de lance du XIXe Panzerkorps du General
Heinz Guderian, le 20 mai 1940 au soir. Ce jour là, le nouveau
Premier ministre britannique, Winston Churchill, ordonna à
l'amirauté d'étudier et d'organiser l'évacuation
massive, par la Manche, des forces de la BEF : tous les navires, de
quelque sorte que ce fût, et tous les équipages (de la
marine marchande comme de la Royal Navy) disponibles devaient être
réquisitionnés pour l'évacuation iminente, qui
reçut le nom de code d'opération Dynamo. Les Britannioues furent affermis dans leur résolution de quitter
la France et la Belgique le 21 mai, lorsqu'une contre-attaque vigoureuse
de la BEF dans la résion d'Arras échoua après
d'importants succès initiaux ; le lendemain, une attaque similaire
des armées françaises était également
stoppée par les Panzergruppen. Devant l'échec de leur
contre-offensive, les forces françaises et britanniques reculèrent
pour se regrouper; il est vrai que les lignes de communication de
la Wehrmacht, étirées à l'excès, commençaient
à constituer un sujet d'inquiétude pour les stratèges
de l'OKW. En dix jours, les colonnes allemandes avaient parcouru 380
km, de Bastogne, dans les Ardennes, à Abbeville, sur les côtes
de la Manche. A l'avant-garde de la progression se trouvaient les
blindés et l'infanterie motorisée, allant toujours de
l'avant, mais leur ravitaillement en carburant et en munitions devenait
de plus en plus problématique, la machine administrative et
logistique allemande parvenant de justesse à suivre le rythme
de l'avance. La force vive de l'offensive eût-elle été
conservée, la Wehrmacht aurait remporté une victoire
écrasante en prenant au piège la VIIe armée française
et les forces terrestres britanniques et belges à l'intérieur
d'un petit périmètre dans le secteur Calais - Dunkerque
- Ostende. Mais ce ne devait pas être le cas. Tandis que le
groupe d'armées B de von Bock progressait à travers
les Flandres vers le sud-ouest, le groupe d'armées A consolida
ses positions sur l'axe Béthune - Saint-Omer et des éléments
des Panzerdivisionen de von Kleist progressèrent le long de
la côte, à partir d'Abbeville vers le nord. Menacé
sur ses arrières, von Rundstedt tenait à ce que ses
blindés fassent halte pour se regrouper. Cette décision
fut approuvée par Hitler quand il se rendit au quartier général
de von Rundstedt, à Charleville, le 24 mai 1940 à 11
h 30. Au lieu de lancer une attaque massive pour anéantir les
forces alliées encerclées dans la région deDunkerque
et Ostende, les blindés du groupe d'armées A feraient
une pause, et la tâche de réduire le périmètre
et de vaincre les Alliés reviendrait aux forces terrestres
de von Bock, lentes car comportant relativement peu d'unités
blindées, et à la Luftwaffe d'Hermann Goering.
La RAF quitte le continent
Dowding fut écouté, et plus aucun squadron de chasse ne fut envoyé sur le continent oour combattre aux côtés des BAFF de manière permanente. En contrepartie, les unités du 11 (Fighter) Group, basées dans le sud-est de la Grande-Bretagne sous le commandement de l'Air Vice Marshal Keith R. Park, reçurent l'ordre de fournir un appui aux forces alliées dans le nord de la France. La Luftwaffe était désormais confrontée à des problèmes de distance : le VIII. Fliegerkorps de von Richthofen étant toujours basé à Saint-Quentin, loin à l'arrière du front, Dunkerque se trouvait à la limite du rayon d'action des Stuka et des Bf 109. Les I. et II./JG 2, par exemple, étaient encore stationnés à Signy-le-Petit, en Champagne. Des éléments de la Luftflotte II de Kesselring, le JG 26 notamment, opéraient à partir des environs d'Anvers. Le 24 mai 1940, la décision fut prise de rapprocher de Dunkerque au moins un Jagdgruppe ainsi que les Ju 87 du VIII. Fliegerkorps, opération qui se révéla mouvementée : le Stabskette de l'Oberstleutnant Max Ibel, à la tête du I./JG 27, dut renoncer à atterrir à Saint-Omer-Claramais quand il se trouva subitement au centre d'un duel d'artillerie ; le Gruppe lui-même dut se rabattre sur Saint-Pol-Bryas. Le périmètre de Dunkerque ne subit aucune attaque aérienne ce jour-là, le VIII. Fliegerkorps étant occupé ailleurs. Les KG 77 et StG 1 étaient employés à repousser les forces blindées qui menaçaient le flanc sud du dispositif allemand, au sud d'Amiens, et le StG 77 (Oberstleutnant Graf von Schônhorn). dans sa totalité, avait pour mission d'attaquer les batteries françaises qui pilonnaient le dépôt de matériel de la Luftwaffe à Saint-Quentin-Roupy. Le StG 2 du Major Oskar Dinort prit pour cible des navires alliés dans la Manche, mais subit des pertes importantes. Le lendemain, jour de l'entrée dans Boulogne-sur-Mer de la 2e Panzerdivision, le I./StG 2 (Hauptmann Hubert Hitschold) comme le II./StG 2 (Hauptmann Heinz Brücker) attaquèrent des destroyers de la Royal Navy dans la Manche, à la limite de leur rayon d'action,à partir de leurs bases de Guise et Saint-Quentin ; des Stuka coulèrent également le destroyer français Chacal devant Boulogne. A nouveau, les chasseurs de la RAF abattirent un grand nombre de Ju 87. La poche de résistance alliée de Calais fit l'objef de raids de la Luftwaffe le 26 mai 1940. A 8 h 40, le StG 77 était rejoint par son escorte de chasseurs des JG 27 et I./JG I, basés à Saint-Pol - afin d'éviter que ne se renouvellent les pertes qui avaient marqué les sorties des Stuka pendant les deux jours précédents. Les Spitfire du Squadron 19 se portèrent contre cette formation à 9 h 15, abattirent dix appareils en n'en perdant que deux, mais ne purent empêcher le StG 77 d'effectuer une attaque dévastatrice contre le dispositif de défense de Calais ; le StG 2, suivant de près, fut, quant à lui, gêné par un écran de fumée. Les forces terrestres allemandes commencèrent à donner l'assaut au réduit allié entre 9 et 10 heures. Vers midi, la 10e Panzerdivision entra en action. et. à 16 h 45, les forces défendant Calais déposèrent les armes. Environ 20 000 soldats alliés, dont 3 500 britanniques, tombèrent aux mains des Allemands. Le port et la ville de Dunkerque, centre des opérations d'évacuation alliées, ne subirent que quelques raids de faible intensité de la part des I. et IV. FIiegerkorps (le VIII. Fliegerkorps prenait part à l'offensive contre Calais et effectuait des missions d'appui dans les secteurs de Lille et d'Amiens). Tout au long de la journée, le 11 (Fighter) Group opéra sans discontinuer de 4 h 30 à 19 h 30. Vers 16 heures, le temps commença à se détérioter, le plafond de nuages n'étant bientôt plus qu'à 500 m, et la visibilité de 3 km. La chasse britannique effectua deux cents sorties ce jour-là ; elle perdit six de ses appareils et détruisit vingt avions ennemis. Le 26 mai, dans l'après-midi, quatre nouveaux facteurs déterminèrent une accélération du rythme des opérations :
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La défaite de la France
Avec l'arrivée des Allemands sur les côtes de la Manche, la division des forces alliées était consommée. Au nord du corridor allemand, l'évacuation des soldats alliés encerclés à Dunkerque s'effectua dans les pires conditions ; puis, les Allemands purent écraser ce qui restait de l'armée française
L'évacuation des forces alliées prises au piège
à Dunkerque, commencée le 26 mai 1940, allait prendre
neufjours. Les plus vives attaques de la Luftwaffe eurent lieu le
27 mai. Dès les premières lueurs du jour, des Gruppen
des KG 1 et 4
pilonnèrent le port et les plages ; le flot de bombardiers
devait ensuite être continu. Les bombes du KG 54 mirent le feu
aux installations portuaires, et le bâtiment de guerre britannique
Aden, déplaçant plus de 8000 t, explosa. Opérant
à partir de bases situées aux Pays-Bas et dans l'ouest
de l'Alleriragne, la Lulthlotte II attaqua jusqu'à 7 h 11.
Les Stuka du VIII. Fliegerkorps la relayèrent, piquant avant
de se rétablir à 450 m d'altitude pour larguer des bombes
de 250 et 500 kg ; puis, la ville et les installations portuaires
furerrt à nouveau touchées par les Dornier des KG
2 et 3, basés dans la région
de Francfort. Les quais et les jetées étant désormais
hors d'état de servir, le Vice Adrniral Bertram Ramsay, qui
dirigeait l'opération Dynamo, ordonna à midi la première
évacuation à partir des plages, aussitôt soumises
à des bombardements et des mitraillages intenses. Les chasseurs
du 11 Group de Ia RAF opérèrent sans discontinuer de
5 heures à 21 h 30. Les seize squadrons que le Fighter Command
avait consenti à engager dans l'opération intervinrent
à tour de rôle : partant, chacun d'eux combattit contre
un ennemi largement supérieur en nombre. Plusieurs unités
de la Luftwaffe subirent de lourdes pertes. Curieusement, des voix s'élevèrent dans chacun des deux camps (au sein de la Luftwaffe comme du corps.expéditionnaire Britannique) pour stigmatiser l'insufisance de l'appui fourni par les chasseurs. Mais par le fait de la seule intervention de la Luftwaffe, seulement 7 669 soldats avaient été évacués le 27 mai au soir. Le lendemain, il est vrai, les conditions météorologiques permirent à 17 084 hommes de gagner la Grande-Bretagne ; un plafond de nuages particulièrement bas (150 m) empêcha la chasse allemande oe mitrailler les plages ; la Luftwaffe dut se borner à attaquer Ostende et Nieuport. Le Fighter Command de la RAF prit par ailleurs la décision de porter à deux le nombre des squadrons assurant la couverture aérienne des plages de Dunkerque, de façon à pallier l'infériorité numérique des avions britannrques.
Le 29 mai au matin, une couche de nuages très bas recouvrant
encore le littoral, le VIIIe Fliegerkorps ne put opérer : toutefois
vers 14 heures, le temps s'améliora. Les StG
1, 2 et 77
attaquèrent les navires avant d'être rejoints par les
Ju 88A-l des KG 30 et LG
1 qui fondirent sur les convois de bateaux franchissant le
pas de Calais et envoyèrent par le fond cinq navires. Les Squadrons
264, 213,
56 et 151,
l'après-midi, affrontèrent dans des combats d'une extrême
violence des nuées de plus de quatre-vingts avions ennemis.
Les Defiant du Squadron 264 abattirent
quinze Bf 109 et un ju 87 - le plus grand nombre de victoires remportées
jusque-là en un seul combat par cette unité. A diverses
reprises, cependant, les appareils de la Luftwaffe échrappèrent
à la RAF et purent attaquer impunément les plages, mais
47 310 hommes furent évacués ce jour-là. Le lendemain, le mauvais temps sévit de nouveau : 58 823 soldats
parvinrent à fuir, Le 31 mai, les Stuka furent immobilisés
par le brouillard, tandis que la brume au-dessus de la Manché
permettàit à 68 014 hommes de rejoindre la Grande-Bretagne. Les mauvaises conditions météorologiques continuèrent
à entraver les opérations de la Luftwaffe contre les
bateaux alllés et les plages de Dunkerque : le 4 juin, à
2 h 23, l'Amirauté britannique déclara terminée
l'opération Dynamo : 338 226 soldats francais et britanniques
avaient été évacués, mais le Fighter iommand
de la RAF avait payé un lourd tribut avec 62 chasseurs portés
manquants. 73 autres abattus et 9 endommagés ; surtout, plus
de 80 pilotes avaient été tués au combat ou manquaient
à l'appel.
La bataille de la Somme
et de l'Aisne
A la suite de la reddition des forces militaires était, le
28 mai 1940, et avant même l'achèvement de l'opération
Dynamo, la Wehrmacht entreprit de vaincre l'armée française
au sud de la Somme et d'investir Paris. Après que les forces
allemandes se furent regroupées, la date de la nouvelle offensive
fut fixée au 5 juin. Le groupe d'armées B progresserait
vers Paris à-partir de la région d'Amiens, tandis que
le groupe d'armées A pousserait au sud, en direction de Châlons-sur-Marne
et Langres, et de là gagnerait la frontière suisse.
Pendant les quatre premiers jours-du mois de juin, la Luftwaffe engagea
ses Kamplgruppen dans des missions stratégiques telles que
des attaques contre Paris, des dépôts de pétrole
près de Marseille et divers objectifs de la vallée du
Rhône. La destruction de l'armée de l'Air, désormais
concentrée dans le bassin parisien,était le but essentiel
de l'opération Paula (Ûnternehmen Paula). Selon le voeu
de Goering, cette offensive devait être la plus éclatante
démonstration de force de l'aviation allemande de toute la
campagne. A partir du 3 juin, à midi, mille deux cents bombardiers
des II., IV. et V. Fliegerkorps, escortés par plus de trois
cent cinquante chasseurs, attaqueraient les aérodromes de la
région parisienne. Tirant parti du mauvais temps, l'armée de l'Air avait procédé, le 31 mai, à la réorganisation de son dispositif. Seize groupes de chasse étaient laissés dans la zone d'opérations aériennes Nord, et sept autres dans la ZOAE, un groupe étant envoyé dans la ZOA, des Alpes, pour parer à la menace venant d'Italie. Chargé de la défense de Paris, le groupement 21, commandé par le général Pinsard, était stationné au sud-est de la capitale, autour de Melun ; le groupement 23 du général Romatet, basé dans le secteur Romilly-Troyes, devait l'appuyer (soixante chasseurs du groupement 21 furent placés en état d'alerte permanente). Tandis que les GC II/7 et GC II/2, tenus en réserve, protégeraient Le Creusot et Lyon, les dix-huit Bloch 152 du GC II/1 (commandant Robillon), basés a Brétigny-sur-Orge, recevaient l'aide des trois escadrilles du GC II/9 (capitaine Canel), ainsi que des MB.152 du GC I/1 (commandant Souiche), stationnés à.Chantilly ; le GC 1/6 (commandant Tricaud) était à Lognes. La Luftwaffe déclencha son offensive le 3 juin à 13
heures. Deux vagues de bombardiers allemands escortés par un
grand nombre de chasseurs furent localisées successivement
au-dessus de Nangis et de Noyon. Certains groupes de chasse reçurent
trop tard l'ordre de prendre l'air, et leurs appareils furent surpris
soit en train de décoller, soit encore au sol par des Do 17Z-1
et des Bf 109E volant à basse altitude. Au cours des combats
aériens acharnés qui s'ensuivirent, vingt-six avions
allemands furent abattus. La chasse francaise effectua deux cent quarante-trois
sorties, au cours desquelles douze pilotes furent tués, et
huit blessés ; pour la Lultwaffe, l'opération se soldait
par un échec, en dépit des efforts des JG
2, JG
53, JG
54, II./JG
77 et ZG
76 pour anéantir l'armée de l'Air au sol comme-dans
les airs. Le lendemain, le temps menaçant de se gâter,
la.Luftwaffe attaqua avec une énergie redoublée. Quand
la Wehrmacht lança son offensive le 5 iuin 1940, l'armée
de l'Air affronta à nouveau les formations des II., IV., Ve
et VIII. Fliegerkorps fournissant un appui tactique aux panzerdivisionen
; les derniers appareils des BAFF devaient lui venir en aide. Une
bataille aérienne particulièrement acharnée opposa
le Jagdgeschwader
27 à la chasse française entre Noyon et Roye. Les
combats commencèrent à 5500 m d'altitude pour se terminer
au ras des arbres et des haies de la campagne française. Dans
le secteur de Chantilly, l'as de la chasse allemande. Le Hauptmann
Werner
Mölders, engagea le combat à la tête du II./JG
53 contre neuf D 520 du GC
II/7 ; titulaire de vingt cinq victoires, Mölders,
abattu par le lieutenant Pommier-Layrargues,
fut fait prisonnier. Mais malgré la vaillance des aviateurs français dans les derniers jours de la campagne. la Wehrmacht continua à gagner du terrain. Le 8 juin. la 7e division de panzers du Generalmajor Erwin Rommel réussissait une oercée et atteignait Elbeuf, sur la Seine. Les soldats français abandonnèrent Paris le 13 juin et la capitale tomba le lendemain. A la date du 21 juin 1940, Belfort, Lyon, Nevers et Saumur étaient aux mains des Allemands.
L'agonie de l'armée
de l'Air
Dans l'intervalle, le général Vuillemin, constatant
l'embouteillage des terrains situés au sud de la Loire et craignant
qu'une attaque massive de la part de la Luftwaffe ne cause des pertes
irréparables à l'armée de l'Air, prenait la décisin
de faire traverser la Méditerranée à tous les
appareils dont le rayon d'action le permettait. De cette façon.
les forces aériennes franqaises se trouveraient à même
d'appuyer les opérations qui pourraient éventuellement
être menées depuis l'empire français, C'est ainsi
qu'à partir du 16 juin les formtaions désignées
par le grand quartier général aérien passèrent
en Afrique du Nord. Très affaiblie par ces départs, l'armée de l'Air
fut dans l'obligation de réduire ses activités. Soucieux
de préserver la vie des civils, jetés par millions sur
les routes, le haut commandement aérien français dut
intérdire les sorties de bombardement de jour sur les arrières
immédiats de la ligne de feu. Ainsi gênée par
l'avance allemande, manquant de plus en plus de terrains et de plus
en plus exangue, l'armée de l'Air se cantonna dans des missions
de couverture de chasse au profit des forces terrestres. En outre, depuis le 10 juin 1940, date de l'entrée en guerre
de l'Italie aux côtés de l'Allemagne, de durs combats
avaient opposé l'aviation française à la Regia
Aeronautica de Mussolini. Dans la nuit du 12 au 13 juin, la 11e division
de bombardement attaqua des réservoirs de carburant près
de Savone, et même des terrains italiens situées à
Novo Ligure. Le 14, la Regia Aeronautica lançait une cinquantaine
de classeurs et de bombardiers sur les aérodromes de Saint-Raphaël,
Cuers, Hyères et Le Luc et se heurta aux Dewoitine D 520 du
GC III/6 qui lui infligèrent de lourdes
pertes (à cette-occasion, l'adjudant Le
Gloan abattit cinq appareils adverses). I1 n'en reste pas moins que, depuis le 17 juin, le maréchal
Pétain avait anoncé son intention de solliciter un armistice.
Après une rencontre avec les grands chefs militaires au IIIe
Reich, qui eut lieu le 21 juin, le général Huntziger,
chef de la délégation. francaise, signa la convention
d'armistice le lendemain à 18 h 42. Dans l'est du pavs. 400
000 soldats franqais des IIle, Ve et VIIIe armées se rendirent,
et les conventions d armistice entrèrent en vigueur trois jours
plus tard. A nouveau, la Luftwaffe avait fourni un appui décisif aux
forces terrestres allemandes pouvant ainsi revendiquer une part de
la vicioire de la Wehrmacht à l'ouest, bien que les pertes
qu'elle avait subies aient été élevées
: 1 254 avions de combat et de transport avaient été
détruits sur tous les fronts entre le 10 mai et le 25 juin
1940., la plupart d'entre eux appartenant aux Luftfloften II et III
: de pluq, 425 appareils avaient été plus ou moins sérieusement
endommagés. De son côté, la RAF accusait la perte de 944 avions, parmi lesquels figuraient 386 Hurricane et 67 des précieux Spitfire du Fighter Command. Quant à l'armée de l'Air, elle avait perdu 410 appareils en combat aérien et 432 autres par accident ou détruits au sol par mitraillage ou bombardement. En outre, 40 % de ses officiers et 30 % de ses sous-officiers navigants aux armées avaient été tués ou blessés ou bien étaient portés disparus. Certes, la Luftwaffe avait triomphé des forces aériennes belges, françaises et néerlandaises, mais elle allait devoir affronter la RAF, au-dessus de son propre territoire et avec des effectifs affaiblis par les pertes subies au cours du Blitzkrieg à 1'ouest. |
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