Le sergent MAGROT est né dans un petit village
des Vosges à Bruyères d'un père cheminot. En 1938,
il est engagé volontaire pour 5 ans et termine premier du concours
d'entrée de la base aérienne de Cazaux. Rapidement, il
obtient son brevet de pilote de chasse. Il est à La Rochelle
lorsque la guerre éclate et est affecté au groupe 31127.
En mai 1940, ce dernier se replie dans les Landes. Le 18 juin 1940,
avec onze camarades, il décide de rejoindre l'Afrique du Nord
en espérant que les conditions d'armistice ne s'appliquent pas
aux territoires d'outre-mer. Ils se rendent à Saint-Jean-de-Luz
où ils embarquent pour Casablanca à bord du cargo Taberg.
A leur arrivée, ils réalisent que la guerre est aussi
terminée en Afrique du Nord et décident de se rendre en
Grande Bretagne, ce qu'ils peuvent faire grâce à l'aide
de militaires polonais évacués à bord de bateaux
affrétés par la Grande Bretagne.
Le 7 juillet 1940, au cours d'une escale à Gibraltar,
ils s'engagent dans les Forces
aériennes françaises libres
(FAFL) pour la durée de
la guerre. Après avoir terminé son entraînement
dans les écoles de la RAF, à l'Operationnal
Training Unit 70 d'Ismaïlia, en Egypte, Pierre Magrot est
affecté au Moyen Orient, au Groupe
de Chasse n° 1 "Alsace" en cours de formation à
Rayack, le 1 octobre 1941. Au début de janvier 1942, le Groupe
fait mouvement sur Abu Sweir, près d'Ismaïlia où
les pilotes volent sur des biplans Gloster Gladiator en attendant de
recevoir des Hurricane. Il participe à la campagne de Libye sur
ces appareils qui ont déjà beaucoup souffert de la chaleur
et du sable et ne sont maintenus en état de vol que grâce
à la compétence et au dévouement d'une équipe
technique hors pair. Aprs une rapide période d'adaptation, le
Groupe "Alsace" fait mouvement sur LG 16 (Landing Ground 16)
de Fuka en Egypte au début du mois de mars 1942. Il effectue
des missions de défense aérienne et, surtout des protections
de convois maritimes jusq'au 13 mars 1942, puis rejoint le Groupe
Mixte d'Instruction à Damas en Syrie.
A l'automne 1942, le Groupe
de Chasse n° 1 "Alsace" est transféré
en Ecosse, pour une période d'adaptation aux nouveaux matériels
aériens, au climat et aux opérations. Déclar apte
à servir dans le Group 11 du Fighter Command, le Groupe est placé
sous les ordres du Commandant René
Mouchotte et posté à Biggin Hill, une des bases les
plus réputées du Fighter Command. Pierre Magrot fait d'abord
un stage à l'OTU 52 de Debden à partir du 1 juin 1943
avant de rejoindre leGroupe de Chasse n°
1 "Alsace" le 29 juin 1943.
Le 27 août 1943, le Groupe escorte une formation
de bombardiers B-17 qui doivent bombarder la base de Fusées Allemandes
V2 de Watten (Nord). Des Fw 190 de la JG 26 interveinnent et abattent
se Sergent Chef Magrot (Spitfire IX - MH417) qui s'écrase à
Houdain dans le Pas de Calais. Peu après le Commandant René
Mouchotte est entendu annonçant à la Radio : "Je
suis seul avec les bombardiers".
Sources : - Mairie d'Houdain - Souvenirs de Jacques LEDOUX, Houdain,
le 27 août 1943
Ce samedi 27 août 1943, le temps était beau et chaud.
En fin daprès-midi, par ciel clair, des escadrilles de
bombardiers B17 américains, communément appelés
" forteresses volantes ", firent leur apparition au-dessus
dHoudain. Ces formations se déplaçaient douest
en est, venant de la région de Saint-Pol, et effectuaient un
mouvement tournant vers le nord.
A 19 heures, je me trouvais dans la cour de la ferme HENNEBIQUE,
route de Divion, en compagnie de ma mère. Cétait
lheure à laquelle nous allions chercher le lait. Jobservais
les avions qui scintillaient dans le soleil. Cest ainsi que
je vis passer quatre escadrilles qui comprenaient une vingtaine de
bombardiers chacune. Elles étaient escortées par des
chasseurs " Spitfire " qui effectuaient des courbes autour
delles à plus grande vitesse. Les moteurs des bombardiers
faisaient un bruit sourd tandis que les chasseurs produisaient des
sons plus aigus.
Un B17 était attardé. Il avait été
endommagé par la DCA allemande au-dessus de la côte française.
Ce fait étant connu de la chasse ennemie, je vis passer six
chasseurs qui volaient à basse altitude en direction opposée
à celle des alliés. Ils semblaient venir de la région
de Lens. Quelques instants après une explosion importante se
fit entendre. Le bombardier allié venait dexploser. A
vitesse réduite et isolé, il était une proie
facile, soit pour la DCA, soit pour les chasseurs.
Je me rends compte quil nétait pas complètement
isolé car un combat aérien sengagea au-dessus
dHoudain, au retour des Spitfire qui rejoignaient les escadrilles
alliées ; tout à coup, une rafale dobus éclata
qui me fit lever la tête dans sa direction. Je vis les flammes
dune explosion et la queue dun appareil se détacha.
Elle tomba comme un caillou dans les champs entre Houdain et Divion.
Lavion lui-même descendit plus lentement. Il tournait
sur lui-même en restant à plat, donnant limpression
de planer en tombant vers Houdain. La forme des ailes montrait que
malheureusement il sagissait dun Spitfire. Après
un moment de stupeur, je courus vers la route et je vis un panache
de fumée noire sélever au-dessus des arbres qui
entouraient le district SNCF. Ma mère minterdit dy
aller . Cest seulement le lendemain matin que je vis la carcasse
de lavion dans la pâture CATRICE, posée à
plat comme elle était tombée. Tenus à distance
par les sentinelles allemandes, on distinguait quand même la
tête du pilote à son poste de pilotage. Les occupants
firent enlever son corps laprès-midi, un cercueil ayant
été amené dans un camion caché.
Le lendemain nous avons pu nous approcher de lépave
sans pouvoir toucher à quoi que ce soit, les sentinelles sy
opposant. Des munitions et débris divers traînaient à
terre autour de lavion. Les trois pales de lhélice
en bois étaient brisées près de laxe, ce
qui montrait que lhélice tournait au moment du choc sur
le sol. Lorsque le Spitfire avait été atteint par les
obus, le fuselage sétait coupé derrière
le poste de pilotage. Jen ai déduit que Pierre MAGROT
avait été tué dès le premier tir. Il navait
dailleurs tenté aucun geste pour sauter en parachute.
Avec dautres témoins, nous avions
mal au cur de voir les cocardes tricolores sur les ailes de
lavion. Il sagissait des cocardes de la RAF britannique
et ce nest que plus tard que la nationalité française
du pilote a été connue. En fait, ce soir là ce
sont deux aviateurs français qui sont morts, car après
Pierre MAGROT, cest René
MOUCHOTTE, Commandant de lescadrille française, qui
fut abattu dans la région de Saint-Omer.
Après la guerre, une stèle fut érigée
dans la rue de la Gare à proximité du point de chute
du Spitfire. Cest avec émotion que jai vu les photos-souvenirs
et que jai lu linscription restée gravée
dans ma mémoire : " Ici est tombé en plein ciel
de gloire, le 27 août 1943, le Sergent-Chef Aviateur Pierre
MAGROT, âgé de 23 ans. Belle et pure figure du Héros
français ".