Franz Stigler est né le 21 août 1915.
Son père avait été pilote au cours de la première
guerre mondiale et son frère sera tué au sein de la Luftwaffe
pendant la seconde guerre mondiale. Avec le grade d'Oberfeldwebel, il
vole au sein du 4./JG 27 en Egypte en 1942,
aux côtés d'Hans-Joachim
Marseille (158 victoires, Diamants)
avant d'être transféré au 6./JG
27 en Méditerranée en 1943. Il sera blessé
pendant la Campagne de Tunisie, le 15 mai 1943, alors que les troupes
allemandes quittent défénitivement le sol Nord Africain.
Abattu par l'ennemi, il parvient à poser son appareil sur l'eau
mais avant qu'il ne parviennen à l'évacuer une vague le
retourne et il se retrouve entraîné vers le fond. Parvenu
à se dégager, il se trouve à plus de 15 mètres
de profondeur lorsqu'il actionne son gillet de sauvetage pour remonter
à la surface. Il parvient alors à regagner son canot de
sauvetage qu'il était parvenu à jetter à la mer
avant que son appareil ne soit englouti par les flots. Il devra attendre
deux jours avant d'être secouru. Pendant l'attente, un sous-marin
britannique fait surface non loin de lui. Tenté de tirer une
fusée de détresse pour être decouru, il se ravise
préférant attendre les secours de son propre camps plutôt
que d'être fait prisonnier. Franz Stigler avait déjà
été impliqué quelque temps plus tôt dans
un épisode impliquant un sous-marin. Amené à effectuer
une mission d'évacuation de soldats blessés à bord
d'un hydravion sanitaire, mission qui lui avait été confié
suite à l'incapacité du pilote habituel à mener
cette mission, il se lanca dans la traversée de la Méditerranée.
Bientôt, il fut rejoint par deux chasseurs Beaufighter de la RAF
qui lui indiquèrent de se poser sur l'eau, ce qu'il fit. D'un
coup, un sous-marin britannique fit surface et des officiers de Marine
se redirent en canot jusqu'à l'hydravion pour s'assurer que celui-ci
transportait bien des blessés, sous le contrôle attentif
des Beaufighter survolant le secteur. Une fois la vérification
faite, Franz Stigler fut autorisé à redécoller.
Devenu officier, il est promu Staffelkapitän du
12./JG 27 le 13 janvier 1944, poste qu'il conserve
jusqu'en août 1944.
Peu avant de prendre son commandement, le 23 décembre
1943, Franz Stigler se trouve impliqué dans un autre épisode
inhabituel et à la fois significatif des paradoxes que peuvent
comporter certaines rencontres aériennes. Ce jour là le
Sous-Lieutenant Charlie Brown, jeune pilote américain de 21 ans
d'un B-17F effectue sa première mission de combat en tant que
commandant de bord d'un équipage du 379th Bomber Group. Sa cible
est une usine de montage du Fw 190 à Bremen. Sans le savoir,
les 12 hommes d'équipage s'apprètent à vivre une
histoire qui restera longtemps tenue secrète par l'un de ses
acteurs principaux, le Leutnant Franz Stigler. Cela fait maintenant
10 minutes que le B-17F "Ye Olde Pub" est sur zone, à
une altitude de 23 700 pieds, lorsqu'un obus de Flak bien ajusté
fait éclater le plexiglas avant de l'appareil alors que la température
exérieure est de 60° en dessous de zéro. Deux moteurs
sont endommagés et le bombardier n'a pas encore largué
ses bombes à cet instant précis. Parvenu sur la cible,
le 2Lt Brown ne parvient pas à rester avec le reste de la formation
en raison des dommages subits, devenant de fait une cible isolée.
Presque aussitot, le bombardier blessé devient la cible d'attaques
de la part de 12 à 15 chasseurs allemands qui tentent d'achever
le bombardier. Ils s'acharnent pendant 10 minutes et touchent le moteur
3. Le système hydraulique, électrique et le réseau
d'oxygène sont mis hors d'usage et les commandes de vol ne répondent
plus que partiellement. Sur les 11 mitrailleuses défensives,
seules 3 sont opérationnelles en raison du froid intense qui
bloque les mécanismes d'armement. Le mitrailleur arrière
a été tué et tous les autres membres d'équipage
sont blessés ou dans l'incapacité de réagir en
raison du froid qui s'engouffre partout. Le Lieutenant Brown a lui-même
reçu un éclat dans le pied droit.
Très vite, Brown comprend que sa seule chance
de survie consiste paradoxalement à attaquer. Ainsi, à
chaque fois que les chasseurs allemands se lancent à l'attaque,
il leur fait face afin de faire usage de ses seules armes disponibles.
Bientôt, par manque d'oxygène, le pilote perd conscience.
La dernière chose dont il se rappelle consiste à voir
l'avion s'engager dans un tonneau et de voir le sol. Lorsqu'il reprend
conscience, l'appareil ne se trouve plus qu'à 1000 pieds. Reprenant
ses esprits, il amorçe alors une lente remontée et prend
le chemin du retour, les chasseurs ayant abandonné la poursuite,
persuadé que le bombardier s'était écrasé.
Avec 3 blessés graves à bord, Charlie Brown ne peut se
résoudre à faire abandonner l'appareil par les hommes
encore valides.
Alors qu'il ramène avec précaution son
appareil vers l'Angleterre, il s'aperçoit tout d'un coup qu'il
est escorté par un chasseur allemand Bf 109 qui vole sur sa droite.
Le pilote allemand fait alors signe au bombardier de se poser en allemagne
mais le pilote américain est bien décidé à
ramener son appareil en Angleterre. Suivant le bombardier lourd agonisant,
le pilote allemand ne tente aucune attaque, volant très près.
Après avoir escorté et dirigé l'avion américain
vers la Mer du Nord, le pilote Allemand effectue une partie de la traversée
aux côtés du B-17 avant de saluer le pilote et de reprendre
le chemin de sa base, au plus grand étonnement du pilote américain.
Finalement, le bombardier lourd parvient à regagner l'Angleterre
et se pose sans encombre, sur une base de la côte qui abrite le
448th Bomber Group, une unité qui n'a pas encore fait son baptème
du feu. L'équipage est alors débriefé et pour une
raison mystérieuse, le rapport de l'incident avec le Me 109 est
classé secret. Le Lieutenant Brown reprend alors du service et
après avoir achevé un tour d'opération finit par
s'engager. Il sert au sein du service des investigations et dans différents
états-majors jusqu'à sa retraite. Tout au long de sa vie,
le souvenir de cette étrange rencontre qui aurait pu lui coûter
la vie ainsi qu'à celle de ses hommes, continue à hanter
sa mémoire. En 1986, il débute des recherches pour tenter
de retrouver le pilote allemand impliqué ce jour là. Finalement,
en 1990, Franz Stigler, qui vit alors au Canada, à seulement
350 kilomètre, répond à une annonce dans un journal
indiquant qu'un ancien pilote américain effectue des recherches
sur une étrange rencontre remontant à décembre
1943. Le recoupement des données permet de déterminer
rapidement que c'est bien Franz Stigler qui fut impliqué ce jour
là. Avec l'émotion que l'on imagine, les deux hommes finiront
par se rencontrer, 47 ans après les faits, sans que jamais Franz
Stigler n'ait évoqué auparavant cet épisode, permettant
à Brown de mieux comprendre les raisons de sa survie et de permettre
aux 25 personnes dont la survie était intimement liée
à cet évènement de rencontrer celui qui les avait
épargné.
Paradoxalement, les circonstances auraient du jouer
en défaveur de Bronw. En effet, Franz Stigler qui avait abattu
2 bombardiers le matin même n'avait plus besoin que d'une victoire
pour prétendre recevoir la Ritterkreuz. Par ailleurs, sa décision
de ne pas achever le bombardier l'exposait à de très graves
conséquences dans le cas où l'affaire se serait ébruité,
avec sans aucun doute une condamnation à mort pour trahison.
Alors qu'il s'attend à la riposte des mitrailleurs du bombardier
tout en cherchant le meilleur angle d'attaque, il s'aperçoit
que les mitrailleuses du bombardiers restent muettes. En s'approchant
au plus près, il comprend rapidement la situation de l'équipage
dessimé. En voyant cet avion éventré, l'appareil
le plus endommagé qu'il n'avait jamais vu encore voler et en
voyant les blessés prisonniers de cette carcasse déchirée,
Franz Stigler ne peut finalement se résoudre à achever
l'appareil. Pour lui, tirer sur le B-17 aurait eu la même signification
que de tirer sur des parachutes. Franz Stigler indiquera à son
retour de mission que l'appareil américain s'est abîmé
dans la Mer du Nord, évitant ainsi la court martiale. De son
côté, Charlie Brown ne recevra aucune récompense
particulière pour son acte dont l'héroisme n'échappera
pourtant à personne. En revanche, depuis que l'histoire a été
publiée, de nombreuses associations de vétérans
ont salué la chevalerie de Stigler et l'exemplarité de
cette rencontre.
La restructuration de la Luftwaffe qui intervient à
l'été 44 avec le passage à 4 Staffeln par Gruppe
et la renummérotationd'un grand nombre d'unité provoque
le changement d'affectation de l'Oberleutnant Stigler qui passe au JG
1 jusqu'en avril 1945. Le 1 octobre 1944, il est décoré
de la Deutsches Kreuz in Gold. En février 1945, il rejoint le
JV 44 et termine la guerre au sein de cette
unité d'élite. Il revendiquera 2 appareils au sein de
la JV 44 mais celles-ci ne seront pas confirmée
en raison de la situation cahotique des dernières semaines du
conflit, raison qui le priveront aussi de l'attribution d'une Ritterkreuz
pourtant méritée.
A la fin de la guerre, Franz Stigler totalise 28 victoires
dont 11 bombardiers plus 30 victoires probables, obtenues en plus de
500 missions et après avoir été abattu lui-même
17 fois. Il sera même fait une fois prisonnier en Afrique du Nord
mais parviendra à s'échapper rapidement. Franz Stigler
a finalement rejoint sa dernière demeure le 22 mars 2008, à
l'âge de 93 ans.