Normalement, nous nous levions à
6 heures du matin et rejoignons le centre des opérations
à 6 heures 30 où nous déjeunions. Ensuite les
Officiers et les Sous-officiers bavardaient , jouaient aux cartes,
écrivaient ou lisaient..
Il y avait plusieurs chambres et autres
pièces dans le bâtiment, de même qu'une salle
de briefing. Il y avait une grande carte sur le mur de la salle
d'alerte, où les vagues de bombardiers alliées étaient
reportées au fur et à mesure de leur progression.
A côté de la carte se trouvaient tous les noms des
pilotes disponibles, leur score, les opérayons auxquelles
ils avaient pris part et celles qu'ils avaient du interrompre pour
quelque raison que se soit. On pouvait ainsi voir d'un seul coup
d'oeil ceux qui étaient les plus agressifs et ceux qui au
premier signe de difficulté rebroussaient chemin.. Bien entendu,
si un pilote devait rentrer à la base avant la fin de la
mission pour un problème de moteur plusieurs fois de suite,
les autres pilotes commencaient à se poser des questions.
Le tableau montrait aussi qui était malade ou blessé
et qui était opérationnel, etc...
Tout le monde attendait et s'occupait,
en jouant aux cartes ou au ping-pong.
Lorsque les bombardiers pénétraient
dans l'espace aérien sous notre contrôle, nous avions
3 niveaux d'alerte. Le premier consistait en une alerte à
30 minutes : "Achtung, Achtung, Achtung, Achtung, eine Durchsage:
Ab sofort 30 Minuten Beritschaft!" Il s'agissait juste d'un
avertissement indiquant que les pilotes étaient pré-alerte
et qu'ils ne devaient pas quitter la salle de permanence en dehors
de ceux qui n'étaient pas service. Normallement, une musique
martiale jouait aux haut-parleurs, entrecoupeés par les annonces
du controleur. Le message suivant indiquait que l'alerte était
à 15 minutes "15 Minuten Beritschaft!" La musique
devenait alors plus insistante. Lorsque cet ordre était donné,
les pilotes devaient se diriger vers leur zone de dispersion réciproques
en fonction de leur Staffel d'appartenance. L'étape suivante
consistait à regagner les appareils qui étaient répartis
autour de l'aérodrome. . Plus tôt dans la matinée,
chaque appareil avait été préparé par
les mécaniciens, armé et avec les pleins d'essence.
Chaque appareil était muni d'une réservoir supplémentaire
accroché sous le ventre. Les moteurs avaient été
testé plus tôt dans la matinée. A ce stade de
l'alerte, chaque pilote enfilait son gilet de sauvetage et ses différents
équipements de vol qu'il allaient bien souvent grader toute
la journée.
L'étape suivante était l'attente
dans les Cockpit, prêt au décollage : "Achtung,
Achtung, ab sofort, Sitzbereitschaft!" Les pilotes se dirigeaient
alors vers leur avion, grimpant dans la cabine, installant leur
parachute, réglant leur siège et enfilant leur casque,
raccordant leur radio. Chaque Messerschmitt disposait d'une grande
manivelle sur le côté du moteur, prête à
être actionner pour démarrer le moteur.
En alerte dans leurs Cockpits, les pilotes
pouvaient entendre le déroulement des combats grâce
au relais radio. L'alerte Cockpit ne durait jamais plus de 10 à
15 minutes, bien qu'elle puisse aussi durer jusqu'à 1 heure.
Pour moi, les minutes d'attente dans l'habitacle étaient
les plus difficiles d'entre toutes. Après que l'ordre de
décollage ait été donné, nous étions
dès lors trop occupé pour penser à ce qu'il
allait nous arriver. Mais l'attente, sans rien à faire d'autre
que penser était terrible. Serions-nous encore vivant ce
soir ou est-ce le commencement de notre dernière journée
? Ma plus grande crainte était d'être blessé
et handicapé à vie. Bien sur, nous avions peur de
la mort mais elle était préférable à
une blessure grave. La crainte de demeurer estropié était
ma plus grande crainte.
A 11 h 37 l'ordre de décollage
arriva. Une seule fusée verte en provenance de la salle d'opérations.
Le décollage sur alerte faisait partie des choses normales
pour une unité de chasse de la Luftwaffe, avec les appareils
des 3 staffeln et de l'Etat-Major répartis aux quatre coins
de l'aérodrome. Lorsque l'ordre de décollage était
donné, deux mécaniciens se précipitaient sur
la manivelle pour aider le moteur à se lancer. Lorsque l'hélice
commence à tourner un peu plus vite, le pilote actionne le
démarreur situé près du genou droit et après
quelques ratés, e moteur vombrit dans un hurlement infernal.
Après que le moteur ait démarré, l'Etat-Major
décolle en premier depuis leur zone de dispersion. Lorsqu'ils
franchissent le centre du terrain, le Staffel 10 situé à
90° sur la gauche décolle, suivit du Staffel 11 et du
Staffel 12. Après le décollage, l'Etat-Major tourne
sur la gauche et fait le tour de l'aérodrome, grimpant et
s'éloignant, suivit par les autres Staffeln. Une fois le
Gruppe reformé, le leader, le Major Friedrich-Karl
Mueller, a pris la direction de Magdeburg.
Lorsque nous sommes arrivé à
environ 800 mètres des bombardiers, nous avons été
heureux de ne pas nous retrouver confronté à l'escorte,
n'ayant qu'à essuyer le tir défensif des bombardiers.
A cette distance, il était difficle pour les mitrailleurs
des bombardiers de savoir s'ils tiraient sur des Me 109 ou des Mustangs
et tout ce qui volait à proximité des bombardiers
était une cible potentielle. Notre mission consistait à
ouvrir la voie pour les chasseurs lourds afin de leur permettre
d'engager les bombardiers. Je me rappelle que la formation ennemie
ressemblait à un gros essaim d'insectes à cette distance
là.
Il était terrifiant d'avoir à
attaquer ces bombardiers qui vous tiraient dessus depuis une distance
de 800 mètres alors que votre propre appareil ne disposait
que d'une quantité limitée de munitions - nous devions
attendre d'être à 300 / 400 mètres de distance
pour ouvrir le feu. Cette interception du 6 mars 1944 était
l'une de mes premières attaques frontales contre une formation
de bombardiers ennemis. Cette tactique avait été adoptée
parce qu'elle était plus plus efficace contre les bombardiers.
Lorsque nous attaquions par l'arrière, nous devions rester
très longtemps sous le feu de l'ennemi avant d'être
à portée de tir. De fait, nous perdions plus de chasseurs
que nous abattions de bombardiers. Lorsque nous réalisions
des attaques frontales, nous ne pouvions en revanche tirer que pendant
1 seconde, mais les bombardiers étaient gros et nous étions
relativement petits et nous avions plus de chance de les toucher
que eux de nous atteindre. Notre tactique consistait à placer
tous les avions du Staffel en ligne pour mener l'attaque, empéchant
ainsi les bombardiers de concentrer leurs tirs sur un seul appareil.
Durant la passe de tir, tout allait très
vite. Nous volions à plus de 450 kilomètres par heure,
et les bombardiers volaient pour leur part à 380 kilomètres
par heure, provoquant une vitesse de rapprochement de 800 à
900 kilomètres par heure. Après avoir tiré
une courte rafale sur l'un des B-17, je m'éloignais. J'attaquais
depuis une position sitiée légèrement au-dessus,
tirant avec une légère déflection dans le nez.
Nous savions qu'un seul obus de 30 mm pouvait avoir des effets dévastateurs
s'il touchait l'avant du bombardier, même s'il était
très difficle d'ajuster son tir pendant le très court
instant que durait la passe. Je visais le nez mais ne vit les flash
de mes projectiles qui explosaient sur l'aile. Pendant toute l'attaque,
nous pouvions voir les traceuses monter des Fortress dans notre
direction. J'en vis quatre ou cinq toucher mes ailes.
Alors que nous nous éloignions
des bombardiers, je balancais mon aile gauche pour observer les
résultats de notre attaque et pour offrir la plus petite
cible possible aux yeux des mitrailleurs ennemis. Je devais aussi
me placer hors de portée de tir de l'autre Staffel qui conduisait
à son tour son attaque. Je ne voulais pas non plus percuter
un bombardier. Je vis l'aile du B-17 se plier progressivement et
le bombardier tomber. A ce moment là, je me trouvais derrière
la formation et mon objectif était de rejoindre les autres
Messerschmitt du Gruppe afin de mener une nouvelle attaque.
Ce jour là, nous avons abattu 13
bombardiers pour la perte d'un seul chasseur sans tué ni
blessé de notre côté. Nous étions parvenu
à surmontre l'imposante supériorité numérique
de l'ennemi et nous étions très étonné
de notre succès. Celui-ci nous redonna espoir. Nous avions
le sentiment que nous pouvions faire face avec efficacité
à ces grandes formations de bombardiers. Je tentais alors
de rejoindre les autres machines du Staffel qui portaient des numéros
blancs. Le Staffel 11 portait des numéros jaunes. Si quelqu'un
se trouvais seul, il devenait vulnérable face aux attaques
des Mustang et des autres chasseurs présents en grand nombre.
Le Gruppe fit un tour par la gauche et le tour achevé se
mit à suivre la formation, parallèlement, légèrement
au-dessus et derrière. Tout en se maintenant à distance
des tirs ennemis, les chasseurs progressaient, se mettant en position
pour une deuième attaque frontale. Il était essentiel
de mener cette deuième attaque avec un nombre suffisant d'appareils.
Si un ou deux appareils attaquaient seuls, les bombardiers pouvaient
concentrer leurs tirs, rendant l'attaque extrèmement dangereuse.
Les ordres étaient d'attaquer les bombardiers tant que nous
avions des munitions. Il était interdit de rentrer à
la base avec un appareil ayant encore du carburant et des munitions.
Même s'il ne nous restait que 10 obus, nous devions les utiliser
contre l'ennemi.
Je me place alors en position pour ma
deuxième attaque mais les bombardiers se mirent à
virer, déjouant mes tirs. Lors de la première attaque,
les bombardiers volaient en formation serrée. Maintenant,
les avions sont plus espacés et les pilotes disposent de
plus de place pour manoeuvrer. Le B-17 virait à droite et
à gauche à chaque fois que je tirais, rendant difficile
la visée. Bientpot, je tombais à court de munitions.
La partie la plus dangereuse de lamission consistait à passer
à travers l'escorte. Ce jour là, nous y sommes parvenu
sans difficulté. Les consignes étaient d'engager le
combat avec les chasseurs ennemis que dans le cas où nous
y étions obligé. Nous devions concentrer nos attaques
contre les bombardiers qui représentaient le plus grand danger
pour notre pays. La seule entorse à cette règle intervenait
lorsque nous escortions des chasseurs lourds dont nous devions protéger
l'approche.
Une fois que nous étions à
court de munition, il était important de rejoindre les autres
chasseurs car nous devenions très vulnérables aux
attaques des chasseurs ennemis. Si nous étions 4 ou 5 à
voler ensemble, les chasseurs américains réfléchissaient
à deux fois avant de nous attaquer. Par ailleurs, une fois
que le carburant commencait à manquer, il devenait important
de regagner la base et de se poser.
En quittant les bombardiers, nous descendions
rapidement à une altitude de 200 mètres afin de nous
assurer de ne pas être suivis par les chasseurs ennemis. A
cette altitude, notre camouflage nous rendait très difficilement
détectable alors que de notre côté nous pouvions
aisément voir les silhouettes des chasseurs ennemis se détacher
sur le ciel. A cette altitude de 200 / 300 mètres, nous pouvions
difficilement contacter notre base pour lui indiquer notre retour.
Nous remonttions donc juste le temps nécessaire pour lancer
notre appel. Lorsque nous sommes arrivé à proximité
de Salzwedel, nous avons survolé l'aérodrome à
basse altitude et les pilotes qui avaient remporté des victoires
battaient des ailes. Je vis un appareil situé devant moi
effectuer cette manoeuvre et je la réalisais aussi. Nous
savions que nous avions obtenu d'importants succès avant
même de nous être posé. Lorsque nous nous préparions
pour la deuxième attaque, nous avions plusieurs avions quitter
la formation alors que d'autres laissient échapper de la
fumée. L'un descendit d'environ 1000 mètres puis explosa.
Un autre était en feu et des parachutes firent leur apparition
dans le ciel. Lorsqu'un appareil était en feu, les autres
appareils du Box s'éloignaient afin d'éviter d'être
touché par les éclats en cas d'explosion. Le spectacle
était impressionnant.
Après avoir atterit et conduit
l'appareil vers la zone de dispersion du Staffel le premier qui
vint à ma rencontre fut mon mécanicien. Il m'avait
vu agiter mes ailes et lorsque je coupais les moteur et que j'ouvrais
ma verrière, il se tenait en arrière de l'aile et
frappa ses mains au-dessus de sa tête en criant "Herr
Leutnant, gratuliere!" offrez-moi une cigarette. Evidemment,
si un pilote remportait une victoire, celle-ci comptait aussi pour
le mécanicien, témoignant ainsi de la qualité
de préparation de la machine. Nous ne manquions pas de cigarette
dans la Luftwaffe. Nous étions très bien pourvu en
boisson et en nourriture. Je ne me rappelle pas d'avoir souffert
de privation lorsque nous étions en Allemagne, seulement
quelques difficultés d'approvisionnement lorsque nous étions
en Italie.
Lorsque je rejoignis la salle d'opération,
le Major Mueller rassemblait les rapports de ses pilotes. J'attendais
mon tour, marcais jusqu'à la table où il se trouvait.
je claquais des talons, saluais et annonçais fièrement
"Melde gehorsamst. Vom Einsatz zuruck. Eine Fortress abgeschossen!"
et j'expliquais comment j'avais atteint le bombardier et vu l'aile
se détacher avant de voir le bombardier tomber. "Ach,
das war Ihrer! Hab ich gesehen!" s'exclama l'un des autres
pilotes. C'était important pour une confirmation car en l'absence
de témoin oculaire, il était très difficile
de se faire créditer une victoire. De nombreux autres pilotes
dirent la même chose: Le bombardier s'était enfoncé
de manière spectaculaire et plusieurs pilotes se rappelèrent
l'avoir vu . "Gratuliere!" souria Mueller. Après
moi, d'autres pilotes revendiquèrent des victoires. Chacune
d'ntre elle fut notée sur le tableau, en-dessous du nom du
pilote et très vite il devint évident que nous avions
réalisé une très belle interception.
Salzwedel était une base permanente
de la Luftwaffe. Mueller annonça, lorsque le Gruppe fut totalement
relevé de l'alerte : "Ce soir nous célébrerons
notre victoire !" Après un bain chaud et après
avoir changé nos tenues de vol trempées de sueur,
je rejoignais le Mess des officiers à 19 heures. Le Jagdgeschwader
3 avait des contacts avec la société de vin Henkell
, si bien que nous n'étions jamais à court de vin.
Lorsqu'un pilote était tué au combat, il était
de coutume pour le Kommodore de faire un petit discours; et pour
les pilotes de porter un toast à sa mémoire avant
de briser les verres dans la cheminée. Mais il n'y avait
pas eu de mort ce jour là.
La soirée aurait pu se prolonger
bien au-delà de minuit lorsque le commandant Mueller dit
"Les jeunes, c'est finit. Nous devons être à nouveau
prêt demain." Comme toutes les soirées entre officiers
de la Luftwaffe, l'ambiance était tranquille. Nous avons
chanté (pas de chants Nazi !) : "Es ist so wunder wunder
schon, hoch in den blauen Luftigen Hohen"; "Oh, du schoner
We-e-esterwald"; "Auf der Luneburger Heide, in den wunderschonen
Land". Un des officiers voulut accompagner le chant à
la guitare. Une charmante soirée entre camarades, aux côtés
d'officiers de plus en plus ivres jusqu'à l'heure du coucher..